Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
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par V�ronique Truchot
L'auteure jette un �clairage sur la mission de l'�cole dans son r�le de formatrice de citoyens responsables, capables de discernement, ayant l'esprit critique et habilit�s � faire des choix fond�s sur des valeurs d�mocratiques. L'auteure s'emploie �galement � cerner des obstacles auxquels se heurte une �ducation � la citoyennet� et � la d�mocratie participative et pluraliste. L'analyse de ces impedimenta devrait aider � d�gager des pistes possibles d'action pour que l'�tablissement scolaire participe de fait � l'�mergence d'une soci�t� plus juste. |
"�Mot fatigu�, mais id�e neuve�"�[1] qui rel�ve plus de l'utopie que de la r�alit�, la d�mocratie reste � construire. L'id�e est g�n�reuse, mais son actualisation suppose que les membres de la soci�t� consentent � participer aux d�bats du temps et reconnaissent le droit pour chacun d'�laborer son propre jugement et de manifester intelligence et sens critique�[2]
L'�ducation �tant la pierre angulaire de cette patiente construction, on comprend d�s lors les d�fis pos�s � l'�cole face aux enjeux que repr�sente la participation dans le processus d�mocratique.
D'entr�e de jeu, il importe de rappeler que la d�mocratisation de l'enseignement s'est en quelque sorte confondue avec ce qu'il est convenu d'appeler la massification.
En Occident du Nord, la presque totalit� des enfants sont scolaris�s. Mais l'acc�s de tous � l'�cole suffit-il � garantir la d�mocratie? La r�ponse est non, si "�cette d�mocratisation quantitative de l'enseignement s'accompagne d'un accroissement important de la s�gr�gation interne�"�[3]
On doit ainsi distinguer l'acc�s � la scolarisation de l'�galit� des chances. A cet �gard, on constate que les in�galit�s sociales se refl�tent dans les parcours scolaires: les �l�ves d'origine populaire se voient rel�gu�s dans des fili�res dont on sait qu'elles ne sont pas un gage d'ascension sociale�[4]. Il suffit d'observer le taux de r�ussite aux examens en fin de secondaire, dans les pays dont on vante la d�mocratie, pour comprendre qu'aller � l'�cole est une chose et r�ussir sa scolarit� en est une autre. L'�cole serait-elle un moteur d'exclusion? La question est complexe et appelle � une r�flexion sur sa mission.
La mission de l'�cole
La d�mocratie renvoie � la possibilit� pour chacun d'assumer ses responsabilit�s. Le citoyen doit �tre en mesure de faire des choix �clair�s dans l'int�r�t de l'ensemble de la communaut�. Un tel projet impose que l'�cole occupe une place centrale dans le processus de formation du futur citoyen. Le souhait de voir celle-ci contribuer � l'av�nement d'une soci�t� d�mocratique (juste, libre, responsable) ne doit pas en rester au stade de l'intention g�n�reuse: il doit se transformer en une volont� clairement exprim�e pour avoir des chances de s'actualiser. Dans cet esprit, la reconfiguration de la mission de l'�cole doit figurer � l'ordre du jour.�
�duquer aux droits de l'homme
M�me si elle est loin d'�tre effective, la garantie des droits fondamentaux pour tous doit servir de rep�res et guider nos choix. Outils tangibles, les instruments internationaux sont le point d'ancrage d'une �ducation aux valeurs d�mocratiques. On aborde ici un terrain ordinairement peu familier aux enseignants, soit celui du droit international des droits de l'homme. Aussi r�barbatif que puisse para�tre le "monde des lois", sa connaissance et la ma�trise des termes et des concepts juridiques de base n'en sont pas moins incontournables�: "�pas de d�mocratie sans loi�". Dans cette perspective, l'�ducation aux droits de l'homme devrait faire partie int�grante de la mission de l'�cole. Cette pr�occupation n'est pas nouvelle. Elle a amen� Jean Piaget, en 1967, � soutenir, notamment, la cr�ation de l'Association mondiale pour l'�cole instrument de paix (eip) dont l'une des innovations p�dagogiques a consist� � rendre le texte de la D�claration universelle des droits de l'homme�[5] accessible � tous et � toutes, dans le but d'encourager le d�veloppement de l'�ducation aux droits de l'homme dans les �coles. Par ailleurs, on retrouve, dans plusieurs textes internationaux, ce souci de promouvoir en priorit� une telle �ducation. En t�moignent les orientations de bon nombre d'organisations internationales dont l'UNESCO�[6], le BIE[7], le Conseil de l'Europe�[8], notamment.
Force est de constater que la mission d'instruire impartie � l'�cole s'est �largie, ces derni�res d�cennies, aux domaines du social et du psychologique. L'id�e fort r�pandue selon laquelle l'�cole doit viser le d�veloppement int�gral de l'enfant t�moigne de ce tournant qui n'a cependant pas suffit � former des citoyens, au sens o� nous l'entendons. Dans plusieurs cas, cet �largissement s'est produit au d�triment du d�veloppement intellectuel qui demeure, malgr� tout, la finalit� premi�re de l'�cole. De telles d�rives sont dangereuses si l'on consid�re que la d�mocratie repose sur des connaissances et des habilet�s sans lesquelles il est impossible de comprendre le monde.
Si, d'autre part, on convient que l'�cole doit servir de levier � l'�mergence d'une soci�t� d�mocratique, il devient clair qu'� la mission d'instruire vient tout naturellement s'ajouter celle de socialiser. La socialisation, c'est apprendre � vivre bien ensemble, dans le respect des r�gles sociales communes et dans le souci de promouvoir les valeurs de justice, de libert� et de responsabilit�. Socialiser, c'est ainsi pr�parer les �l�ves � exercer leurs futurs r�les sociaux. Cet exercice passe par une pratique de la participation dans cette micro-soci�t� qu'est l'�cole, laquelle devient un milieu de vie stimulant qui incite � la prise d'initiative o� chacun peut d�velopper sa cr�ativit� et cultiver son esprit critique.
Dans nos soci�t�s pluralistes, la socialisation invite � parler �galement d'�ducation interculturelle. Au sens o� nous l'entendons, une telle �ducation vise � d�velopper des attitudes et des comportements respectueux de la diff�rence, dans un esprit d'ouverture et de partage. A une �poque o� l'on observe partout dans le monde une mont�e du racisme, de la x�nophobie et de l'intol�rance, il est plus que jamais urgent de former des esprits capables de comprendre que la diversit� apporte la richesse du m�tissage.
Obstacles � une �ducation
au service de la d�mocratie
S'il est relativement simple de faire consensus sur l'importance de l'�cole dans la construction de la d�mocratie, la question du "comment la construire" soul�ve des d�bats qui renvoient aux valeurs fondamentales de la d�mocratie. Un sujet sensible puisqu'il va au c�ur m�me de ce qui anime chacun d'entre nous, que nous en soyons conscients ou pas. Nous ne reviendrons pas sur les controverses qui entourent la question de l'universalit� des valeurs [9] et admettrons que certaines d'entre elles sont incontournables quand on parle d'une d�mocratie�participative et pluraliste: justice, libert� et solidarit�. Chacune de ces valeurs renvoie � d'autres qui les prolongent en retour; ainsi, la justice suppose l'�quit�, la libert� implique la responsabilit� et la solidarit� entra�ne l'engagement. Une fois proclam�es, ces valeurs devraient pr�sider aux choix des moyens � mettre en �uvre pour rendre effective la d�mocratie dans une soci�t� plurielle.
C'est sur les valeurs que se fondent les politiques �ducatives d'une soci�t�. Si celle-ci est d�mocratique, la justice, la libert� et la solidarit� devraient alors pr�sider aux orientations du syst�me �ducatif. Qu'en est-il dans les faits? Quelles valeurs l'�cole v�hicule-t-elle aupr�s des futurs citoyens? Est-il besoin de r�p�ter que les soci�t�s en mutation d'aujourd'hui sont guid�es, � l'�chelle mondiale, par des int�r�ts �conomiques?
L'�conomie de march� et la comp�tition sont devenues les ma�tres-mots. Comment, d�s lors, s'�tonner que l'�cole soit devenue une machine � produire de la main-d'�uvre comp�titive et que l'�l�ve soit devenu l'otage de cette logique? Prise entre l'id�ologie dominante et les valeurs d�mocratiques, l'�cole semble pour l�heure nager entre deux eaux. Cette position ambivalente est g�n�ratrice de tensions et de perte de rep�res.
Les d�rives de l'autorit�
L'usage de l'autorit� pr�te souvent � confusion. Elle peut �tre entendue, comme le sugg�re le Petit Robert, "�comme une sup�riorit� de m�rite ou de s�duction qui impose l'ob�issance sans contrainte, le respect, la confiance�". Vue sous cet angle, l'autorit� de tout �ducateur devrait reposer sur son aptitude � guider les �l�ves pour qu'ils soient en mesure d'exercer leur libert� dans un souci de justice: une autorit� autoris�e par autrui. Prise dans ce sens, "�l'autorit� implique une ob�issance dans laquelle les hommes gardent leur libert��"[10]
Nous ne reviendrons pas ici sur les nombreux d�bats qui ont entour� la question de la directivit� et de la non-directivit� depuis les ann�es �40�[11]. La controverse a eu le m�rite d'inciter les tenants de l'autorit� (enseignants, dirigeants) � r�fl�chir sur l'utilisation qu'ils en font. Ceux-ci sont-ils pr�ts � "�mod�rer le poids de leur pouvoir et de leur autorit� en vue d'�tendre autour d'eux le d�veloppement des responsabilit�s et donc des personnalit�s?�"�[12]. Il est permis d'en douter si l'on en juge par des travaux qui traitent de la question�[13].
L'on doit reconna�tre que la relation ma�tre-�l�ve induit dans son essence m�me une in�galit� de statut; mais l'�l�ve demeure en tout temps l'�gal de l'enseignant en mati�re de droits fondamentaux. Si les comportements directifs vont de pair avec l'institution, il ne faut pas perdre de vue que l'�cole doit former des �tres libres, responsables et soucieux de la justice. D�s lors, l'on attend de l'�tablissement scolaire qu'il soit un lieu d'apprentissage de la libert�, et donc de la responsabilit�. Or, si l'on se r�f�re aux recherches qui portent sur la fonction reproductrice de l'�cole, nous sommes port�s � croire que "�l'ordre social repose sur le pouvoir de contr�le de groupes dominants qu utilisent l'�cole pour reproduire leur position de domination, conform�ment � leur int�r�t particulier" [14], plut�t que comme vecteur d'�mancipation, se trouve ainsi d�natur�e, faisant dire � Mendel qu'elle n'est jamais que "le masque mystifiant de la violence" [15].
La formation de citoyennes et de citoyens actifs et responsables, conscients d'appartenir � la "communaut� humaine" est un long processus au cours duquel interviennent plusieurs �l�ments. Le premier concerne la place et le pouvoir accord�s � la parole des �l�ves. Cette parole, les �l�ves doivent pouvoir l'utiliser entre eux en vue d'�laborer une r�flexion collective. Pour que cette d�marche exigeante devienne objet d'apprentissage, elle doit rev�tir un sens pour eux. Bien qu'inscrite dans un article de la Convention relative aux droits de l'enfant [16], la prise en consid�ration de la parole de l'�l�ve est loin d'�tre effective. Dans quasiment toutes les �coles, l'espace et le temps sont encadr�s, g�r�s, administr�s par les seules instances d�cisionnelles que sont l'administration et la direction de l'�cole; les journaux �tudiants ��quand il y en a�� sont surveill�s de pr�s, voire censur�s; l'affichage est r�glement�, etc. L'analyse que fait Marc Gourl�, dans ce num�ro de Th�matique, des r�glements scolaires, nous montre combien nous sommes encore loin d'une v�ritable �ducation � la d�mocratie, y compris dans les pays qui pr�voient des "dispositifs" pour que les �l�ves participent aux d�cisions. Dans la majorit� des �tablissements, nous dit C.R. Escoub�s, l'application rel�ve de la parodie: ��Les �lections sont b�cl�es et les d�l�gu�s sont consid�r�s comme quantit� n�gligeable. Ils ne peuvent pas s'exprimer, ou bien leur parole est tourn�e en d�rision, ou encore, plus perfidement, on les encourage � la d�lation envers les "�brebis galeuses�" de la classe. La proc�dure qui permet aux d�l�gu�s de participer aux conseils de classe consacre "�l'absence d'acte-pouvoir collectif des �l�ves dans l'�tablissement�" en n'octroyant � ceux-ci qu'une forme caricaturale de repr�sentation d�l�gative�� �[17]. Cette manipulation fait reposer l'autorit� sur des faux-semblants, voire sur la force. Cette absence institu�e de pouvoir des �l�ves les am�ne � mettre en doute les valeurs et le bien-fond� des comportements des adultes de l'�cole et de ce fait, leur autorit�. Et la violence, comme moyen de se faire respecter, trouve dans ce mod�le de l'autorit�, sinon une l�gitimit�, du moins une justification.
L'absence de pouvoir de la soci�t� civile
Tant que la structure existante du pouvoir n'est pas menac�e, l'�cole ouvre volontiers ses portes. Mais, � l'instar des �l�ves, les membres de la soci�t� civile ��notamment les parents�� ne voient pas, la plupart du temps, leur parole prise en consid�ration. L� encore, la structure du pouvoir impose ses limites � la d�mocratie. Malgr� l'accent mis ces derni�re ann�es sur l'importance du partenariat dans l'�laboration du projet �ducatif des �coles, les structures de participation des parents, comme celles pr�vues pour les �l�ves, sont le plus souvent des simulacres de d�mocratie. Consult�s pour la forme sur des d�cisions d�j� prises, les parents �prouvent un sentiment d'impuissance vis-�-vis de l'�cole et, d�courag�s, ils s'en remettent aux mains de quelques repr�sentants- alibis �lus pour la forme.
On doit cependant reconna�tre qu'� certains endroits, la l�gislation scolaire pr�voit la mise en place de structures de participation [18]. Il est donc permis d'esp�rer qu'avec le temps et la d�termination, le fonctionnement autoritaire ��et dans bien des cas autoritariste�� des �tablissements scolaires, sera progressivement remplac� par une gestion de type coop�ratif. Le d�fi est de taille quand on sait qu'aucun changement n'est possible sans une transformation du syst�me de pouvoir�[19] et que les obstacles que nous avons soulign�s sont aliment�s par l'attrait qu'exerce celui-ci � des fins personnelles. Cette volont� des dirigeants de l'�cole de le conserver rend p�rilleuse et, dans certains cas, impossible, toute participation r�elle des membres de la soci�t� civile.
Affirmons que la d�mocratie doit se constituer "�en syst�me de pouvoir fond� sur l'ill�gitimit� de tout fondement autoritaire�" [20]. Issue d'une longue tradition, la dynamique autoritaire de l'institution scolaire semble incompatible avec cette affirmation. C'est l� le paradoxe d'une d�mocratie qui "vise � cr�er un type de citoyen dont la gestation est subordonn�e � l'existence pr�alable de celui-ci�".�[21]
Voies possibles d'action
M�me si la parole des �l�ves n'est que rarement prise en compte dans les d�cisions qui touchent la vie de l'�cole, on doit cependant admettre que, depuis les ann�es '60, des efforts ont progressivement �t� consentis afin de valoriser les d�marches �ducatives qui font appel � une plus grande implication des �l�ves. Ces orientations ont permis � des enseignants d'exp�rimenter des approches coop�ratives ��souvent inspir�es de la p�dagogie de C�lestin Freinet�� et qui mettent de l'avant le travail en �quipe et l'entraide. Ainsi, des conseils d'�l�ves sont mis en place pour favoriser les �changes autour de probl�mes rencontr�s, inciter � la r�solution pacifique des conflits et participer aux d�cisions ayant trait aux r�gles de vie dans la classe. La prise en compte de la parole des �l�ves, la fr�quence des r�unions et le fonctionnement des conseils varient toutefois d'une classe � l'autre en fonction de l'enseignant ou de l'enseignante qui reste, n�anmoins, d�positaire du pouvoir. Quand l'enseignant ou l'enseignante r�ussit � instaurer dans la classe un climat de confiance et de respect et que tous les �l�ves peuvent participer aux d�cisions, ces pratiques p�dagogiques sont propres � favoriser l�autonomie des �l�ves, de m�me qu'� d�velopper chez eux un sentiment d'appartenance au groupe�classe. Le fait de pouvoir s'exprimer et d'�tre �cout� dans une communaut� � laquelle on appartient constituent des conditions fondamentales � l'exercice de la citoyennet� et l'on peut se r�jouir de voir ces approches p�dagogiques privil�gi�es par bon nombre d�enseignants. On doit cependant rester vigilant et �viter de rel�guer les connaissances au second plan, car l'�cole a � former des personnes capables de comprendre les enjeux sociaux et d'impulser les changements n�cessaires dans l'int�r�t de la communaut� humaine.
La formation des enseignants
Une attention particuli�re doit �tre accord�e aux connaissances, dont on sait qu'elles ne cessent de se multiplier et de se complexifier. Dans ce contexte, l'enseignant est appel� � ma�triser des approches interdisciplinaires relatives aux enjeux mondiaux et � disposer de m�thodes qui permettent de comprendre et d'analyser la complexit� du savoir, notamment, en regard des droits de l'homme.
Il convient �galement que les enseignants soient familiaris�s � des approches p�dagogiques propres � �duquer � la d�mocratie. Cela suppose que celles-ci soient coh�rentes avec les valeurs promues et qu'elles suscitent chez les enseignants le d�sir d'innover en mati�re de p�dagogie, sans tomber dans le pi�ge du "p�dagogisme", qui consisterait � vider de tout contenu les m�thodes dites actives. Les approches de type coop�ratif telles la p�dagogie de la conscientisation issue de l'�ducation populaire, la p�dagogie institutionnelle [22] et la p�dagogie du projet�[23]-pour ne citer que celles-ci-proposent des pistes prometteuses.
Le ph�nom�ne des communications et le traitement de l'information devraient �galement �tre pris en compte dans la formation des enseignants. L'�volution des technologies a boulevers� nos rep�res et les m�dias de masse occupent d�sormais une place de choix dans la vie quotidienne. D'aucuns voient dans ces nouvelles technologies l'�mergence d'une culture mondiale. La prolif�ration des sources d'information appelle, par ailleurs, � beaucoup de vigilance. Le danger est grand de voir se profiler une pens�e unique faisant office de pseudo-culture mondiale. Dans cette optique, "�l'�ducation aux m�dias devrait faire l'objet d'une attention particuli�re�" [24] et la formation de l'esprit critique une pr�occupation constante.
Dans les soci�t�s en red�finition permanente, la formation des enseignants devrait se poursuivre tout au long de la carri�re. Mais cette d�marche ne peut venir que de la personne elle-m�me. Il faut compter sur l'engagement de chacun.
L'engagement des acteurs
Il est aujourd'hui reconnu que la collaboration des diff�rents partenaires �ducatifs influe significativement sur les chances de r�ussite scolaire et sociale des enfants. Cette collaboration repr�sente l'�l�ment essentiel de toute d�marche de pr�vention et de lutte contre l'exclusion dans la mesure o� elle est proactive et concert�e�[25].
Si les exemples de collaboration entre l'�cole et la communaut� sont encore trop peu nombreux, ils ont par ailleurs d�j� fait la preuve que l'implication de la soci�t� civile dans la vie scolaire �tait un moyen privil�gi� pour amener les individus � se solidariser et � contribuer activement � la vie d�mocratique. Mais il y a encore loin de la coupe aux l�vres et, dans bien des cas, les relations entre la soci�t� civile et l'�cole tiennent de l'artifice. Ce constat souvent, h�las, facile � faire ne doit pas conduire au d�couragement, mais plut�t inviter � la patience et � la d�termination. L'exp�rience enseigne que la pers�v�rance porte ses fruits et que si ces derniers peuvent sembler des petites choses, ils marquent des pas en avant incontestables. Les analyses de la m�canique du pouvoir r�v�lent combien sont importants les d�tails: �techniques minutieuses toujours, souvent infimes, mais qui ont leur importance puisqu'elles d�finissent un certain mode d'investissement politique du corps, une nouvelle "microphysique" du pouvoir��[26].
Prospectives
C'est sur fond de crise et d'urgence que se d�veloppe aujourd'hui une volont� de plus en plus affirm�e de faire de l'�cole un instrument de la d�mocratie. Au c�ur d'un conflit entre les valeurs fondatrices de la d�mocratie et celles que pr�conise l'�conomie de march�, l'�cole a perdu ses rep�res. Par ailleurs, l'appel � la d�mocratie scolaire se heurte � une forte r�sistance chez ceux qui ne sont pas pr�ts � partager le pouvoir que leur conf�re leur position sociale. Ayant perdu toute l�gitimit�, l'autorit� se fait autoritaire, interdisant du m�me coup aux �l�ves l'apprentissage de la libert� et de la responsabilit�.
On peut toutefois se r�jouir de l'existence d'instruments internationaux tels que la Convention relative aux droits de l'enfant dont on peut s'inspirer pour promouvoir l'�ducation � la d�mocratie dans les �coles. De m�me, il peut �tre utile de s'inspirer d'autres textes internationaux�[27] qui, bien que n'ayant pas de caract�re contraignant, peuvent �tre des outils de r�f�rence pour �duquer � la d�mocratie et aux droits de l'homme dans une soci�t� multiculturelle.
A partir de m�thodes et de contenus interdisciplinaires ax�s sur des probl�mes concrets tels que la non application des droits de l'homme, l'�cole sera en mesure d'apporter aux �l�ves les connaissances qui lui permettront de comprendre les probl�mes majeurs de l'humanit�, de d�velopper leur esprit critique: "La compr�hension et l'exp�rience v�cue des droits de l'homme sont, pour les jeunes, un �l�ment important de la pr�paration � la vie dans une soci�t� d�mocratique et pluraliste. C'est une partie de l'�ducation sociale et politique, qui englobe la compr�hension interculturelle et internationale.�"�[28].
Les obstacles sont nombreux et on peut se demander comment d�fendre une d�mocratie pour laquelle l'�cole n'a pr�par� aucun d�mocrate�? Peut-�tre en commen�ant par mettre de l'avant "�Les v�ritables int�r�ts des peuples et l'incompatibilit� de ces int�r�ts avec ceux des groupes qui monopolisent le pouvoir �conomique et politique, pratiquent l'exploitation et fomentent la guerre" [29]. Il n'existe pas de solution toute faite, mais une r�ponse en devenir � laquelle chacun doit pouvoir participer; une construction lente et patiente, faisant appel � la r�flexion et � l'esprit critique.
Notes
[1] Jean Delannoy, 1962.
[2] Voir: Alain Mougniotte, 1994.
[3] Isambert-Jamati, 1970.
[4] A. Prost, 1986.
[5] [D�claration universelle des droits de l'homme en langage accessible � tous, EIP, Gen�ve, 1978.
[6] UNESCO, Recommandation de 1974, voir notamment les paragraphes 5, 12, 13 et 16.
[7] Bureau international de l��ducation (BIE), 1992.
[8] � titre d'exemple, citons le Troisi�me plan � moyen terme (1987-1991) du Conseil de l'Europe intitul�: L'Europe des d�mocraties: humanisme, diversit�, universalit�; la Recommandation N� R (85) adopt�e en 1985 par le Conseil des Ministres des Etats membres du Conseil de l�Europe, qui pr�conise l�enseignement et l�apprentissage des droits de l�homme dans les �coles
[9] Nous avons � l'esprit le d�bat relatif � la compatibilit� des valeurs universelles aux particularismes culturels. Voir, notamment: Mondialisation et particularismes, �l�ments de critique, coll. Th�matique, Nos 3, Gen�ve, Cifedhop, juin 1995.
[10] Hannah Arendt., 1972.
[11] Carl Rogers a introduit ce d�bat dans un chapitre de son ouvrage paru en 1942 et traduit en fran�ais sous le titre de: La relation d'aide et la psychoth�rapie.
[12] Andr� de Peretti, in: Dictionnaire encyclop�dique de l'�ducation et de la formation.
[13] P. Bourdieu et J.-C. Passeron
[14] Marie Duru-Bellat et Agn�s Henrio-van Zanten, 1992.
[15] G�rard Mendel, 1971.
[16] Article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant.
[17] Claire Rueff Escoub�s, 1987, pp. 158-163.
[18] Notamment en Belgique, France, au Qu�bec et dans les pays scandinaves.
[19] Michel Crozier, 1977.
[20] Ouvrage collectif coordonn� par Dominique Jonlet et Christian Lannoye, Apprendre la d�mocratie et la vivre � l'�cole.
[21] Alain Mougniotte,1994.
[22] M. Lobrot, Gauthier-Villars, 1972.
[23] Fondation Jeune Projet, Le projet p�dagogique comme outil p�dagogique, Jeunes projets, tome 1 r�f�rentiel, Montr�al, Fondation Jeunes Projets 1994.
[24] Conseil de l'Europe, 1993.
[25] L'�cole et les familles: de son ouverture � leur implication, �tudes et recherches, Conseil de la famille, Qu�bec, 1995.
[26] Michel Foucault, 1975.
[27] Par exemple: La Recommandation de 1974 (Unesco), la Recommandation N� R (85) 7 du Conseil de l'Europe.
[28] Annexe de la Recommandation N� R (85) 7.
[29] Ibid
R�f�rences
Arendt, Hannah. La crise de la culture. Paris, Gallimard, 1972.
Bureau international de l��ducation (BIE). Recommandation n�78 aux ministres charg�s de l'�ducation et de la culture, concernant la contribution de l'�ducation au d�veloppement culturel.1992
Bourdieu, P. et J.-C. Passeron. La reproduction. Paris, Editions de Minuit, 1970.
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Crozier, Michel. L'acteur et le syst�me. Paris, Seuil, 1977.
Delannoy, Jean. Petit dictionnaire portatif de la p�dagogie critique. Cahiers p�dagogiques, N� 39, 1962.
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Freinet, C�lestin. L'�ducation du travail. Neuch�tel, Delachaux et Niestl�, 1960.
Isambert-Jamati, Viviane. Crises de la soci�t�, crises de l'enseignement. Paris, PUF, 1970.
Lobrot, M. La p�dagogie institutionnelle. Paris, 1972.
Mendel, G. Pour d�coloniser l'enfant. Sociopsychanalyse de l'autorit�. Paris, Payot, 1971.
Mougniotte, Alain. Eduquer � la d�mocratie. Paris, Les �ditions du Cerf, 1994.
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