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Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix


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L'apprentissage � l'�cole des r�gle et le droit � l'�ducation

Par V�ronique Truchot*

Les nouvelles politiques �ducatives des pays occidentaux paraissent afficher un int�r�t marqu� pour l��ducation des jeunes � la citoyennet�. Il s�agit d�un discours �maill� d�injonctions soulignant l�importance de renforcer le lien social et d�apprendre � vivre ensemble. Cette �ducation renvoie par ailleurs � la construction de la r�gle d�mocratique et � son consentement � l�int�rieur m�me des murs de l��cole. Mais � quoi cela conduit-il dans le quotidien la vie scolaire ? Qu�en pensent les �l�ves ? Quelles conditions faut-il r�unir pour que le v�cu scolaire soit empreint d�une r�elle intention de d�mocratiser la relation socio-�ducative ? Pour tenter d��clairer le propos, le texte qui suit pr�sente les principaux points d�une recherche sur les repr�sentations qu�ont des adolescents qu�b�cois de l�application de la r�gle � l��cole secondaire.

Las nuevas pol�ticas educativas de los pa�ses occidentales, parecen mostrar un inter�s marcado por la educaci�n de los j�venes � la ciudadania. Se trata de un discurso que expresa la importancia de reforzar el lazo social y de aprender a convivir. Esta educaci�n se asocia con la construcci�n de las reglas democr�ticas : y con un nivel de aplicacion al interior de la escuela. � Pero cuel es la perspectiva en la cotidianidad de la vida escolar ? � Qu� piensan los alumnos al respecto ? � Cu�les son las condiciones que hacen falta en la escuela para democratizar la relaci�n socio-educativa ? Para intentar aclarar lo expuesto, el siguiente texto presenta los principales puntos de una investigaci�n sobre la representaci�n que los adolescentes de Quebec se hacen de la aplicaci�n de las reglas en la escuela secundaria.

The new educational policies of Western countries seem to show a marked interest in including citizenship education for young people. This interest is studded with directives underlining the importance to reinforce social ties and to learn to live together. Moreover, this education reverts to building the rule of democracy and agreeing to it within school walls. But what does this mean for daily school life ? What do students think about it ? What conditions must be put in place so that this school experience becomes a real motivator to democratize social-educational relations ? To shed light on these questions, the following article presents the principle results of a study of the perceptions of Quebec adolescents regarding the implementation of rules in secondary school.

I. Pr�sentation

D'entr�e de jeu, il importe de rappeler que le droit � l'�ducation ne se limite pas � l'acc�s � l'enseignement (1), dont on sait, par ailleurs, qu'il est loin d'�tre une r�alit� pour tous. Ce droit se d�finit aussi en terme d'�galit� des chances et de finalit�s �ducatives. Si l�on se r�f�re aux droit international des droits de l'homme (2), on peut dire que l��ducation "doit viser au plein �panouissement de la personnalit� humaine et du sens de sa dignit� et renforcer le respect des droits de l'homme et des libert�s fondamentales" (3).

Ce renforcement du respect des droits suppose que l'�cole soit associ�e � l�apprentissage des r�gles et des normes r�gulatrices de la vie en soci�t�. Les r�formes �ducatives en cours dans nombres de pays (4) se font d'ailleurs l'�cho de ce postulat par l'int�r�t qu'elles accordent � l'�ducation � la citoyennet�.

Toutefois, cette �ducation peut �tre entendue de diverses mani�res selon les conceptions que l'on a du r�le de l'�cole dans la soci�t� et des finalit�s m�mes de l'�ducation. Dans les pages qui suivent, je m'emploierai pr�senter les diff�rent points de vue, qui, au demeurant, semblent tous convenir du fait que l'apprentissage des r�gles est nodal dans une d�marche �ducative qui vise la formation de citoyens. Reste que cet apprentissage peut �tre envisag� de diff�rentes fa�ons allant entre autres de l'imposition sous la menace de sanction au consentement n�goci� de la r�gle.

Mais qu'en est-il dans la vie scolaire de tous les jours o� les �l�ves sont en relation d'autorit� avec les adultes ? Du coup, on ne peut poser cette question sans aussit�t penser � la diversit� des contextes socio-politiques et id�ologiques dans lesquels s'inscrit l'�cole de m�me qu'aux disparit�s d'un �tablissement scolaire � un autre.

Je m'en tiendrai ici aux r�sultats d'une r�cente recherche que j'ai conduite dans des �coles secondaires de Montr�al (Truchot, 1999) ; ceux-ci soul�vent une probl�matique que je me propose de pr�senter dans cet article. Pour terminer, j'exposerai quelques �l�ments du cadre conceptuel sur lesquels se fonde un projet de recherche actuellement en cours.

II. Posture �pist�mologique

Ma d�marche s'inscrit dans une perspective selon laquelle nous inventons, � proprement parler, nos r�alit�s individuelles, sociales et scientifiques (Wastzlawick, 1988) � travers nos repr�sentations. Ces derni�res op�rent comme des "grilles de lecture" qui servent de "guides d'action" et, comme telles, exercent une influence sur la r�alit� telle que nous la voyons. Ce positionnement, issu du courant constructiviste (5), pose la question de la relativit� de la notion de v�rit� (ou de r�el), rejetant l�id�e que la r�alit� puisse avoir un caract�re immuable en dehors des acteurs qui la produisent, la d�crivent et l'interpr�tent(6).

Pour ma part, j'estime que la connaissance est toujours en devenir, qu'elle est le r�sultat d'un processus dynamique et permanent qui consiste en un va-et-vient constant entre les "savoirs d'action" et les "savoirs th�oriques". Les repr�sentations sont au centre de ce processus dans la mesure o� elles interviennent comme des syst�mes de "r�f�rents mentaux" permettant la construction de sens. Depuis cette posture, il est vain d'essayer de s'abstraire de l'objet de sa recherche ; je partirai donc de mon exp�rience pour exposer la probl�matique.

III. Probl�matique

Pouvoir vivre ensemble suppose le consentement � des r�gles qui r�gissent les rapports entre les membres d'une collectivit� donn�e. Le lien social commence � se disloquer quand les normes ne sont plus l'objet d'assentiment et ne sont plus accept�es, nous dit le sociologue Abdelmalek (2000). La fonction sociale de l'�cole est alors d�terminante dans d�apprentissage des r�gles et des normes indispensables pour vivre en soci�t�.

Mon questionnement origine de mon exp�rience d'enseignante aupr�s d'adolescents, et s'appuie sur les r�sultats d'une recherche exploratoire que j'ai effectu�e r�cemment sur les repr�sentations d�adolescents vis-�-vis de l�espace qui leur est r�serv� pour s�exprimer � l��cole secondaire (Truchot, 1999). La plupart de ceux que j'ai interview�s (7) pr�tendent qu'un certain nombre de principes d�mocratiques (respect, �galit�, justice) auxquels on leur demande de souscrire, ne sont, par ailleurs, pas respect�s par les personnes qui les enseignent (8)
. De plus, se sentant peu ou prou �cout�s ou respect�s par les adultes de l'�cole, ces �l�ves disent vivre une autorit� � "sens unique" qui traduirait � leurs yeux un abus de pouvoir. Ce faisant, ceux-ci sont enclins � ne pr�ter aucune l�gitimit� � un certain nombre de r�gles en vigueur dans l'�cole. Et si ces derni�res sont malgr� tout respect�es, ce n'est souvent qu'� reculons devant la menace de sanctions accompagnant leur transgression dont on sait qu'elles peuvent aller jusqu'� l'exclusion de l'�tablissement.

Pour l'ensemble des adolescents interrog�s lors de cette recherche, la question des r�glements suscite des r�actions quant � la l�gitimit� de certaines r�gles dont tous disent qu'elles ne sont jamais l'objet de d�bat. L'espace scolaire, comme le d�noncent plusieurs auteurs (9), en serait-il un de "non-droit" o� le respect des r�gles s�apparenterait davantage � une "soumission forc�e" qu�� une forme de contrat impliquant la r�ciprocit� ? C'est ce qui semble ressortir des propos tenus par plusieurs des jeunes pour qui l'autorit� est d'abord fond�e sur des menaces de sanctions.

3.1 Au sujet de la r�gle : question de terminologie

Avant de pr�senter un �tat des connaissances relatif � l'apprentissage des r�gles, quelques clarifications s'imposent quant � l'utilisation de ce terme. Au centre de mon questionnement, ce concept, me conduit � recourir � plusieurs disciplines pour en d�finir le contours. La r�gle peut �tre comprise diff�remment selon qu'elle est envisag�e sous l'angle de la philosophie, de la psychologie, de la sociologie, des sciences juridiques ou de la sociologie du droit.

Dans leur dimension sociale, les r�gles peuvent �tre entendues comme un moyen de r�guler les rapports entre les membres d'une collectivit�. Toute soci�t� � d�mocratique ou non � se donne des r�gles qui d�limitent la fronti�re du licite de l'illicite. Ces r�gles sont le reflet des normes et conventions sociales et peuvent �tre plus ou moins explicites, plus en moins institutionnalis�es (10)
. Le terme de norme, synonyme de r�gle, "correspond � la double notion de conformit� au mod�le majoritaire et de r�gle qu'il convient de suivre" (Rey, 1998). Les normes sociales, inspir�es de valeurs, correspondent � des prescriptions standards qui imposent des interdits (proscription) ou dictent le comportement � suivre (prescription) d�finissant ainsi la conduite requise. Toute soci�t� implique la mise en �uvre de normes collectives � travers des r�gles, � d�faut de quoi elle devient une soci�t� "anomique", au sens durkheimien du terme.

Dans sa dimension juridique, la r�gle devient la "r�gle de droit" ; c'est-�-dire une norme codifi�e (juridique), fond�e sur des principes et des proc�dures et venant r�gir le comportement des individus en soci�t�. Per�u comme r�gulateur de la vie sociale, le droit est "avant tout une norme, marqu�e du sceau juridique par l'autorit� dont elle �mane" (De B�chillon, 1997). Il convient ici de distinguer le droit, dans son sens juridique, des "droits" tels qu'ils sont per�us relativement � des coutumes (droit d'a�nesse) ou � des privil�ges (droit de cuissage), entre autres. Au sens large, le droit peut �tre d�fini comme un syst�me de normes collectives, lesquelles diff�rent d'une culture � une autre. Le droit, comme les normes, sont donc des notions empreintes de subjectivit�, voire de relativisme culturel.

Pour les besoins de cet article, j'envisage la notion le droit tel que d�fini dans une soci�t� d�mocratique. D�s lors, l'ensemble des r�gles qui constituent le droit, reposent sur des principes clairement �nonc�s dans les instruments juridiques (11) relatifs au droit international des droits de l'homme (DIDH). Le principe de base �tant celui de l��galit� en dignit� et en droits de tous les �tres humains. Cette notion d��gale dignit�, "inspir�e de la grande tradition europ�enne de l�humanisme et du droit naturel, a non seulement influenc� la formulation du droit positif contemporain, mais aussi les id�es p�dagogiques" (�cole instrument de paix : EIP, 1998, p.10). Le droit positif est le droit affirm�, formul� dans les textes de loi, il repr�sente l'organisation concr�te de la cit�. La diff�rence fondamentale entre le droit naturel, qui s'apparente � la morale, et le droit positif, r�side dans la sanction en cas de non respect de la loi(12).

Dans un �tat de droit (13) les relations entre les personnes sont ainsi r�gies par diff�rentes cat�gories de r�gles (r�gles sociales, r�gles de droit), mais, en derni�re instance, celles qui tranchent sont les r�gles constitutives du droit positif. Ces r�gles de droit, suppos�es connues de tous (14),, s'appliquent � tous les citoyens de cet �tat.

Il ne s'agit cependant pas de limiter le droit � ses aspects normatifs ; le droit est aussi une pratique qui invite � la r�flexion car il est en red�finition permanente et sans cesse questionn� par le d�veloppement des savoirs et l��volution des pratiques sociales. Mais que disent les recherches au sujet de l'apprentissage des r�gles ?

3.2 R�gles et apprentissage : �tat des connaissances

Pour qu'une r�gle en soit une, il faut qu'elle soit accompagn�e d'une sanction en cas de transgression. Cependant, la sanction peut �tre entendue, soit comme une mesure pour normaliser et assujettir au seul profit du respect de la r�gle pour la r�gle, soit comme ayant une fonction �ducative et, par cons�quent, autorisant le dialogue. Dans le premier cas, la sanction conduit � la subordination du sujet, cependant que dans le second, elle vise � permettre � l'�l�ve de trouver sa place dans le groupe en l'inscrivant dans un processus critique d'appropriation et de l�gitimation des r�gles.

Ces deux fa�ons d'envisager la sanction illustrent ce que Piaget (In: Xypas, C., 1997) appelle le "respect unilat�ral" par opposition au "respect mutuel". Le respect unilat�ral est celui du cadet pour l'a�n�, de l'enfant pour "l'adulte [qui] impose ses r�gles et les fait observer gr�ce � une contrainte spirituelle ou en partie mat�rielle" (ibid, p. 32). Le respect mutuel est le respect de conventions entre individus �gaux en droits, il ne n�cessite aucune contrainte externe et se caract�rise par un rapport social de coop�ration. Selon le c�l�bre psychologue, le respect unilat�ral produit l'h�t�ronomie ou une "morale du devoir" ; le respect mutuel produit, quant � lui, l'autonomie. Si l'on en juge par les commentaires des �l�ves interrog�s pour les fins de notre m�moire, il semblerait qu'� l'�cole qu'ils fr�quentent, le respect unilat�ral soit plus fr�quent que le respect mutuel.

Si l'on se r�f�re maintenant � la th�orie des stades du jugement moral de Kohlberg15, (15), selon laquelle il y aurait trois niveaux (16) de d�veloppement du jugement moral, comportant chacun deux stades (17); l'ob�issance sous la menace de sanction correspond au premier stade du jugement moral. On constate, par ailleurs, � travers les propos des �l�ves interview�s dans le cadre de mon m�moire de ma�trise, que les deux derniers stades, soit celui du "contrat social" et celui des "principes �thiques universels", sont rarement � l'�uvre � l'�cole (18). Pourtant, "Chacun doit apprendre � se fixer lui-m�me des r�gles de conduite respectant autrui et � les respecter" sugg�rait d�j� Weber (1919, p.102).

Les travaux r�alis�s depuis les ann�es soixante sur la socialisation juridique et sur la conscience du droit (19) peuvent �galement apporter un �clairage instructif. Ces travaux tentent de mettre � jour les repr�sentations du droit et de la justice chez les enfants et les adolescents (Jakubowska, 1991 ; Kourilsky, 1997), des lois et de la justice chez les Fran�ais de 16-21 ans (Percheron, 1991), des droits chez les adolescents am�ricains (Silbey, 1991). Selon plusieurs auteurs, l'acquisition de la notion de droit serait un processus d'appropriation et non de "r�ception", dans lequel interviennent interaction et communication entre l'individu et le groupe social20 (20).

Les recherches sur la discipline et l'indiscipline � l'�cole, quelle que soit la perspective disciplinaire emprunt�e (psychologique, sociologique ou p�dagogique), accordent toutes une importance sp�ciale la fonction de la r�gle pour l'entretien d'un "bon climat disciplinaire". "En effet, [nous dit Estrela], si l'importance de r�gles simples, claires et pouvant �tre renforc�es est depuis longtemps soulign�e par les courants b�havioristes, les r�sultats de la recherche sociologique, bien qu'elle s'appuie sur des fondements diff�rents, leur conf�rent la m�me importance. Tandis qu'au niveau macrosociologique, les r�gles sont envisag�es comme faisant partie int�grante du r�le explicite et implicite de l'�cole en contribuant � la fonction de reproduction sociale, au niveau de la recherche microsociologique, le type de r�gles et leur renforcement sont associ�s � l'ethos(21) de l'�cole" (Estrela, 1994, p.81).

Des travaux portant sur l'insubordination en milieu scolaire se sont int�ress�s aux points de vue des �l�ves sur la vie dans l'�tablissement, afin de mettre en lumi�re la rationalit� qui les conduit � refuser de respecter les r�gles. Pour Levinson (1998), "la violence ou l'indiscipline scolaire constitue souvent une r�ponse aux conditions scolaires, [notamment] � des styles d'enseignement arbitraires et autoritaires" (ibid, p. 664) ; il s'agirait de "r�actions compr�hensibles, l�gitimes souvent, qu'ils opposent � des formes de "disciplines" subies en bas de la hi�rarchie" (ibid.). La plupart des �tudes ethnographiques sur la question (22) montrent que le "non-respect-des-r�gles" (23) appara�t notamment quand les enseignants usent de mesures punitives dures ou arbitraires. Pour Everhart (1993, pp.234-235) le non respect des r�gles, serait une r�action � "l'ali�nation" qu'impose l'�cole en tant que structure hi�rarchis�e o� l'on impose des comportements m�caniques et normalis�s.

Les �l�ves ne remettent cependant pas en question le principe de la r�gle et l'importance accord�e par ceux-ci au maintien de la discipline transpara�t dans des recherches sur les repr�sentations qu'ils ont d'un bon enseignant (Gilly, 1980) et du climat de la classe (Chavez, 1984, Pain, 1998). Ces recherches montrent que "pour une majorit� encore importante, le professeur doit avant tout exercer son autorit�" (Estrela, 1994, p. 70) ; le bon professeur est celui qui enseigne bien, qui a de l'autorit� sans �tre autoritaire, qui est compr�hensif et juste (ibid.). D'autres travaux, qui �tudient les ph�nom�nes d'indiscipline � travers les opinions des �l�ves, montrent que ces derniers attribuent une large part de la responsabilit� des comportements d'indiscipline aux enseignants et pensent que "la solution passe par une modification de la relation p�dagogique et par un exercice correct de l'autorit� de l'enseignant." (Estrela, 1994, p.85.). � travers ces diff�rentes recherches, nous dit Estrela (1994), "Il nous est montr� combien les exigences de l'enseignant sont souvent � l'origine de l'indiscipline, surtout lorsqu'il y a absence de concertation avec le groupe classe au moment de l'�laboration des r�gles de conduite" (Estrela, 1994, p.13).

Une �tude sur les "r�glements disciplinaires" dans un �tablissement scolaire du second degr� au Chili, (Cerda, A. M., et al 1996), indique que dans un espace o� les r�gles sont floues et incoh�rentes du point de vue des �l�ves, ceux-ci "apprennent progressivement diff�rentes fa�ons d'aborder le pouvoir et l'autorit�, tout en �laborant des strat�gies diverses pour contourner la loi et rester de la meilleure fa�on possible � l'int�rieur du syst�me." (ibid, p. 630). Dans cet �tablissement scolaire, les r�gles ne semblent pas avoir de dimensions p�dagogiques mais, repr�sentent plut�t un moyen de sanctionner. "Entre impuissance et humiliation", les �l�ves vivent une tension permanente entre "acceptation, rejet et r�volte, face aux valeurs qui r�gissent selon eux le monde institutionnel du lyc�e" (ibid.).

Le concept de r�gle est �galement tr�s pr�sent dans les travaux qui traitent de la violence � l'�cole (24). Plusieurs d'entre eux ont montr� que les sanctions � caract�re punitif augmentaient en nombre et �taient tr�s souvent arbitraires ; cela provoquerait chez les �l�ves un sentiment d'injustice et g�n�rerait de la violence en r�action (Imbert, 1987 ; Houssaye, 1996b ; Dubet, 1999, Pain,1998). La plupart des recherches ayant pour objet la pr�vention de la violence � l'�cole pr�conisent la participation des �l�ves � l'�laboration des r�gles en vue de leur appropriation par ces derniers (25). . C'est �galement ce qu'indiquent les r�sultats d'une �tude nationale des politiques et programmes de pr�vention de la violence � l'�cole au Canada. "L��laboration d�un code de conduite convenable et d�une politique sur la discipline des �l�ves [...] doit �tre bas� sur les principes d�mocratiques auxquels souscrivent tous les int�ress�s comme [...] les parents et les �l�ves [...] Il faudrait par exemple faire participer les �l�ves � l��laboration des politiques sur la pr�vention de la violence pour les convaincre que les r�gles sont les leurs" (Day et al. 1995).

3.3 Le probl�me de recherche et les questions qu'il soul�ve

� l'heure o� des voix demandent � l'�cole de devenir un des ancrages constitutifs du lien social (26), entre autres par le biais de l'�ducation � la citoyennet�, l'institution scolaire ne peut, semble-t-il, �chapper � la question de l'apprentissage des r�gles pour vivre ensemble (27). Le cadre normatif de l'�cole (28) devrait, dans cet esprit, refl�ter les principes sur lesquels se fondent les r�gles sociales, ce qui ne para�t pas �tre le cas. En effet, il semblerait que les r�gles en vigueur � l'�cole secondaire soient per�ues par les �l�ves comme �tant souvent arbitraires (29), ill�gitimes (30) voire injustes (31), ce que confirment plusieurs auteurs selon lesquels l'�cole est un lieu de "non-droit" (32).

� cet �gard, quelles repr�sentations ont les �l�ves des r�gles � l'�cole secondaire ? Quelles fonctions leur attribuent-ils � l��cole et dans la soci�t� en g�n�ral ? Quelles sont � leurs yeux les r�gles que valorise l'�cole pour r�guler les rapports au sein de l��tablissement scolaire ? Quels rapports �tablissent-ils entre les r�gles en vigueur � l'�cole, celle � l��uvre dans leur vie familiale et celles qui r�gissent la soci�t� en g�n�ral ? � quelles conditions, selon eux, favoriser, le consentement aux r�gles � l��cole ? Le but �tant de comparer le discours officiel aux points de vue des premiers int�ress�s.

Dans la perspective constructiviste, les repr�sentations des �l�ves devraient avoir toute leur importance dans la d�finition des orientations des programmes � venir ; les explorer pourrait s'av�rer fort utile pour comprendre la signification que ces m�mes �l�ves donnent � leur exp�rience scolaire, notamment, la fa�on dont ils se repr�sentent les r�gles. Des recherches dans ce sens m'apparaissent d'autant plus pertinentes qu'au nombre des recherches que j'ai r�pertori�es (33), aucune n'aborde la question des repr�sentations qu'ont les �l�ves des r�gles � l'�cole secondaire. Or, c'est pr�cis�ment la connaissance de ces points de vue qui permettrait d'identifier les �carts entre la r�alit� attendue par les autorit�s minist�rielles et celle v�cue par les �l�ves. Il s'agit l� d'un aspect encore peu explor� par la recherche et qui m�riterait d'�tre approfondi. Compte tenu de l'importance que repr�sente l'apprentissage des r�gles de vie en soci�t�, tant du point de vue de l'�ducation � la citoyennet� que de celui de la pr�vention de la violence, il appara�t n�cessaire de s'interroger sur la fa�on dont ces r�gles v�cues � l'�cole sont comprises par les �l�ves.

IV. �l�ments pour un cadre conceptuel

4.1 L'�ducation � la citoyennet�

Partant de ce qui pr�c�de, j'ai identifi� "l'�ducation � la citoyennet�" comme �tant le concept op�rant en tant que toile de fond au questionnement que je soul�ve ici. Mais, me dira-t-on, n'y a-t-il pas ici deux concepts en jeu ? Si l'�ducation et la citoyennet� peuvent �tre abord�es ind�pendamment l'une de l'autre, elles sont en m�me temps indissociables. En effet, depuis la Gr�ce antique on �tablit un lien entre la qualit� de citoyen et l'�ducation laquelle s'av�re �tre la condition premi�re � toute r�flexion sur la citoyennet� (34). Au fil de l'histoire, Platon (35), Aristote, Rousseau et Kant ont, chacun � leur mani�re, montr� � quel point l'�ducation du citoyen fonde "sa capacit� � juger des affaires communes" (36). . Cependant, cette �ducation peut �tre comprise de diff�rentes mani�res selon les conceptions que l'on a du citoyen "id�al". Ces conceptions s'inscrivent dans des contextes temporel, politique, culturel, social et �conomique qui structurent le concept et renvoient, par ailleurs, aux repr�sentations que l'on a du r�le de l'�cole dans la soci�t�.

En effet, l'�cole peut �tre consid�r�e comme l'institution par laquelle sont transmises, d'une g�n�ration � l'autre, les normes, les valeurs de la soci�t� dont elle est le reflet (Durkheim, 1963); (37)
;mais elle peut �galement �tre envisag�e comme le lieu dans lequel se construit la soci�t� future, � la lumi�re de l'analyse critique de la soci�t� pr�sente (Dewey, 1968). L'�cole serait alors le reflet de la "soci�t� anticip�e", c'est-�-dire, non telle qu'elle est, mais telle qu'elle devrait �tre. � ces conceptions du r�le de l'�cole correspondent des th�ories de l'apprentissage que l'on peut situer aux deux extr�mit�s d'un continuum et renvoient aux principaux courants de pens�e qui mod�lisent des th�ories de l'apprentissage. J'en retiendrai deux : le b�haviorisme et le cognitivisme.

Dans le premier cas, tout est centr� sur les savoirs � enseigner : l��l�ve doit assimiler, par inculcation, des connaissances transmises par un enseignant qui en ma�trise le contenu et a essentiellement recours � une approche frontale (th�ories "rationalistes", "r�alistes" ou, acad�miques). (38)
. Pour les th�ories b�havioristes (Skinner, 1968), qui prolongent les travaux sur les r�flexes conditionn�s (stimulus-r�ponse) et reposent sur le "conditionnement op�rant" (Richelle, 1966) et le "renforcement", l'apprentissage est vu comme un processus par lequel les individus adaptent leur comportement aux exigences de l'environnement. Cette th�orie de l'apprentissage repose sur une conception selon laquelle les comportements des �tres vivants sont d�termin�s par des stimuli, venus du monde ext�rieur et qui op�rent sur le conditionnement. En �ducation, cette approche se traduit par la segmentation du contenu � enseigner en petites unit�s de connaissances et d'associer � chacune d'elles un exercice particulier. Il est reproch� � cette th�orie de ne consid�rer dans l'activit� d'apprentissage "que les donn�es observables du comportement ext�rieur, moteur, gestuel ou verbal, �liminant de sa vision les op�rations de la conscience intentionnelle" (Angers et Bouchard, 1986, p.15-16).

Dans le second cas, l'apprenant est acteur de son apprentissage, il construit de nouveaux savoirs � partir de ses savoirs exp�rienciels (Piaget, 1957) ; l'�ducation consiste alors � l'accompagner et le guider dans son processus d'apprentissage (Bruner, 1996)39 (39). � la diff�rence d'une conception du savoir consid�r� comme le cumul des connaissances ant�rieures �labor�es par l'homme au fil du temps, les th�ories cognitivistes posent que la connaissance ne peut exister sans �tre re-construite par celui qui apprend. Cela ne signifie en rien le rejet de toute connaissance du patrimoine historique, mais cette histoire continue � se construire. De ce point de vue, le comportement humain n'est pas une simple adaptation � l'environnement, mais le r�sultat d'un processus interactif de construction de ce m�me environnement. Cette approche donne � l'"apprenant-acteur" une place centrale dans la production de ses connaissances.

4.2 - Conceptions de la citoyennet�

De m�me que les conceptions du r�le de l'�cole dans la soci�t� influent sur la mani�re dont on envisage l'�ducation, les repr�sentations que l'on a de la citoyennet� influencent la fa�on de concevoir la formation qui y pr�pare. La citoyennet� est un concept polys�mique qui est difficile � circonscrire car il fait appel � nombre de champs disciplinaires : sociologie, philosophie, histoire et politique, pour ne parler que de ceux-ci.

Une premi�re revue de litt�rature laisse appara�tre deux grandes tendances qui posent le rapport de l'individu � l'�tat et peuvent �tre vues soit comme deux p�les oppos�s, soit comme les �l�ments d�un continuum.

Sch�matiquement, on peut dire, selon la premi�re tendance qualifi�e de "r�publicaine", que le "bon citoyen" est celui qui respecte les lois, remplit ses obligations (vote, paie ses imp�ts), conna�t les bases de l'histoire nationale et les symboles qui s'y rattachent (hymne national, drapeau, etc.), recherche l'int�r�t collectif plut�t que sa satisfaction personnelle et est pr�t � s'engager dans une "guerre juste" et � se battre pour d�fendre sa patrie. Durkheim (1963) repr�sente bien cette "�cole r�publicaine" (40) qui doit, selon lui, s'attacher � "former un bon citoyen" en le disciplinant dans la "vie commune" de la classe, afin qu'il sache se gouverner dans la soci�t�. Pour lui, l'�ducation est une �uvre d'autorit� qui passe par une �ducation morale (41), qui doit, selon lui, s'attacher � "former un bon citoyen" en le disciplinant dans la "vie commune" de la classe, afin qu'il sache se gouverner dans la soci�t�. Pour lui, l'�ducation est une �uvre d'autorit� qui passe par une �ducation morale41, laquelle est au centre de ses travaux. Durkheim associe la morale � une rationalisation du devoir qui fait appel � la r�gle et � la discipline et "assigne � l'activit� de l'homme une fin qui est bonne et qui a en elle tout ce qu'il faut pour �veiller le d�sir et attirer la volont�. Le go�t de l'existence r�guli�re, le go�t de la mesure, le besoin de la limite, la ma�trise de soi s'y sont concili�s sans peine avec le besoin de se donner, avec l'esprit de d�vouement et de sacrifice, en un mot avec les forces actives et expansives de l'�nergie morale" (Ibid, p. 103). Selon cette conception le "bon citoyen" participe � la d�lib�ration sur les questions d'int�r�t public et a comme pr�occupation premi�re la recherche du bien commun plut�t que sa satisfaction personnelle. Cette citoyennet�, nous dit Audigier (1996), "appelle le rapport au politique et au droit" et, "privil�gie le lien entre l'individu et le pouvoir collectif de l'ensemble des citoyens sur les institutions politiques aux diff�rentes �chelles".

Selon la deuxi�me tendance relative � la citoyennet� commun�ment appel�e "lib�rale", inspir�e des id�es de Locke (1690) (42), le citoyen est avant tout titulaire de droits inali�nables dont le pouvoir politique ne saurait le priver. L'accent est mis sur la dimension juridique, les droits ayant pour fonction de prot�ger l'individu "contre l'empi�tement de sa sph�re d'autonomie priv�e par ses concitoyens et, surtout par l'�tat lui-m�me." (43). Cette conception, qui s'apparente � l'�conomie g�n�rale des instruments internationaux (44), place les droits de la personne au premier plan. Dans la philosophie lib�rale du droit, le citoyen ob�it aux lois pour sauvegarder sa libert� et la s�curit� de sa personne et de ses biens. Selon cette conception, la citoyennet� privil�gie le respect des int�r�ts de l'individu et place la souverainet� de celui-ci comme principe d�mocratique de base.

De mon point de vue, comme de celui d'autres auteurs (B�rz�a, 1996 (45)
; Audigier 2000), ces deux conceptions de la citoyennet� sont compl�mentaires, m�me si elles peuvent para�tre contradictoires, dans la mesure o� le rapport entre les libert�s individuelles et le bien commun est au c�ur m�me de la r�flexion sur la citoyennet�. La question �minemment politique du bien commun s�incarne dans la tension entre individus et institutions, entre les valeurs universelles et revendications particularistes, elle interroge l'identit� collective et l'attachement aux principes fondamentaux de la d�mocratie et soul�ve le d�bat sur la libert� individuelle et la vie en soci�t�.

Cette pr�sentation succincte des deux grandes tendances ne doit cependant pas faire perdre de vue que le concept de citoyennet� a �volu� au fil des d�bats, tant dans ses dimensions politique, juridique, culturelle que sociale et que cette �volution s'inscrit dans des contextes sociaux et nationaux diff�rents. Sans faire ici une analyse socio-historique de cette �volution, il me semble utile de rappeler sommairement que le regain d'int�r�t pour la citoyennet�, s'inscrit dans un contexte o� les soci�t�s occidentales ont connu des changements majeurs. Ces changements, nous dit H�naire (1998, p. 19), sont multiformes. "En effet, ils concernent aussi bien le champ de l'�conomie que celui de la politique, de l'"explosion" des savoirs que de l'�mergence de nouvelles valeurs, pour ne nommer que ceux-l�. Ils s'inscrivent dans la dynamique de la mondialisation des rapports �conomiques, politiques, sociaux ainsi que culturels et remettent en question, sur le plan prospectif, l'avenir des soci�t�s". C'est dans ce contexte, que "La citoyennet� est per�ue � la fois comme un probl�me et comme une solution � bon nombre de maux sociaux des d�mocraties modernes" 46): Souvent associ�e � une "crise du lien social", la citoyennet� est aussi vue comme la "source du lien social" pour emprunter � Schnapper (1997, p. 11).

4.3 - Rep�res pour l'�ducation � la citoyennet�

Ce premier aper�u des diff�rentes conceptions du r�le de l'�cole et acceptions du concept de citoyennet�, influent et sont influenc�es, on l'aura compris, sur la fa�on d'envisager l'�ducation qui veut en paver la voie.

L� encore, on peut distinguer deux grandes tendances qui se situent aux deux extr�mit�s d'un continuum sur lequel peuvent s'envisager tous les points de vue interm�diaires. Bolliet (1999) pr�sente en les opposant ces deux fa�ons d'envisager la formation du citoyen. "Pour certains, cet enseignement doit se traduire par un retour � la morale, aux valeurs traditionnelles : go�t de l'effort, respect de la discipline, soumission � la loi, conscience de ses devoirs. Ce discours s'accompagne en g�n�ral d'une condamnation de la "d�rive p�dagogiste", source de tous les maux de l'�cole, qu'il s�agit de remplacer par le retour � l'instruction, � la primaut� des contenus de savoir contre la relation p�dagogique. A l'oppos�, on peut voir dans l'�ducation � la citoyennet� un moyen d'adapter l'institution scolaire aux exigences de la d�mocratie moderne, fond�e sur la participation, l'initiative, le d�bat critique."

La premi�re fa�on de concevoir l'�ducation � la citoyennet� s'apparente � ce qu'on a longtemps appel� "l'instruction civique" et que H�naire qualifie d'"alphab�tisation institutionnelle". Il s'agit ici, de perp�tuer sa propre culture en transmettant un sentiment d'appartenance � la patrie. Les savoirs, notamment ceux reli�s aux institutions politiques (locales et nationales), sont la priorit� d'un enseignement qui met l'accent sur l'ob�issance aux r�gles collectives. La seconde conception de l'�ducation � la citoyennet� attache une importance particuli�re au d�veloppement d'attitudes et de comportements respectueux des droits de la personne ; elle se pr�occupe de l'exp�rience de chacun et par cons�quent, se concentre sur la qualit� de la relation p�dagogique. Dans cette perspective, l'�ducation � la citoyennet� s'apparenterait � l'apprentissage du "vivre ensemble", comme l'expriment le Conseil de la coop�ration culturelle du Conseil de l'Europe (47)
. Selon Audigier (2000), "Nous serions ainsi pass�s d�une conception de la citoyennet� qui mettait en avant Selon Audigier (2000), "Nous serions ainsi pass�s d�une conception de la citoyennet� qui mettait en avant les sentiments d�appartenance et o� l��ducation correspondante accompagnait la transmission de ce sentiment par un accent tr�s fort mis sur l�ob�issance aux r�gles collectives, vers une conception plus individualiste et plus instrumentale de la citoyennet�, une citoyennet� qui privil�gie la personne et ses droits et place en second plan l�affirmation des identit�s collectives partielles, au sens g�ographique et culturel, port�es par les Etats."

Quelle que soient les conceptions, l'�ducation � la citoyennet� est par essence normative, elle "n�cessite en permanence l�existence d�un code normatif, point de r�f�rence ou langage commun permettant de r�glementer les situations quotidiennes." (B�rz�a, 2000, p.29) Cependant, le code normatif peut �tre vu diff�remment selon le but recherch� � travers cette �ducation.

Revenant aux diff�rentes conceptions du r�le de l'�cole dans la soci�t�, de l'apprentissage, de la citoyennet� et de l'�ducation qui y pr�pare, on peut distinguer deux mani�res de consid�rer le rapport entre l'individu et les institutions : soit celui-ci est vu comme devant �tre autonome, soit il est per�u comme devant d�pendre de la collectivit� repr�sent�e par les institutions (h�t�ronome). Nous sommes ici au c�ur de la difficile question de la tension permanente entre les libert�s individuelles et l'institution ; entre la particularit� des opinions subjectives et les normes r�gulatrices des rapports sociaux.

� la lumi�re de ce qui pr�c�de, quel citoyen aspire-t-on � former ? Selon moi, dans une soci�t� dont plusieurs disent qu'elle est en crise (48) (Morin, 1984 ; Touraine, 1992, Schnapper, 1994), l'�cole devrait proc�der � "un examen critique des rep�res dont l'effritement - voire la perte annonc�e - soumet le lien social � de nouvelles qu�tes de sens." (H�naire, 1998, p. 19). Le r�le de l'�cole ne peut plus, comme par le pass�, se limiter � la transmission de savoirs morcel�s en disciplines cloisonn�es (49)
et � l'inculcation de valeurs et de normes, alors m�me que celles-ci sont mises en proc�s de toutes parts. Dans un monde marqu� par une acc�l�ration des changements, l'assurance de pouvoir transmettre d'une g�n�ration � l'autre des rep�res stables qui garantissent la p�rennit� de la vie sociale est remise en question.

Dans ce contexte d'ensemble, on est amen� � questionner les approches qui cantonnent l'�l�ve dans un r�le passif et limitent l�entreprise �ducative � une "correction de l��cart entre ce que l��l�ve sait et ce qu�il devrait savoir". Non qu'il faille bannir la transmission de savoirs et de valeurs, comme nous venons de le dire, mais la stabilit� des rep�res, �prouv�e par les g�n�rations ant�rieures, est devenu fragile. Dans une soci�t� o� l'acc�l�ration des changements s'accompagne d'une prolif�ration de rep�res possibles offrant une pluralit� de cadres de r�f�rences, il s'agit moins de pr�parer les �l�ves � s'int�grer dans une soci�t� dont on peut difficilement anticiper la configuration, que de leur donner la capacit� de r�pondre � des d�fis dont on ne peut, aujourd'hui, que dessiner les contours. Comme l'exprime Crozier (1998, p.579) "il s'agit non pas d'adapter l'�ducation au monde tel qu'il est, mais de donner aux �tres humains la capacit� de r�pondre aux probl�mes que ce monde leur impose et de devenir ainsi des acteurs plus responsables des changements qu'ils devront animer eux-m�mes et que nous ne pouvons d�terminer par avance.". Dans cette perspective, l'�ducation � la citoyennet� est associ�e � la construction d'un ensemble de connaissances et de concepts et s'enracine par ailleurs, dans des valeurs d�mocratiques, qui doivent "irriguer" l'ensemble des pratiques scolaires, qu'il s'agisse des r�gles de vie dans l'�tablissement, des contenus ou des pratiques d'enseignement. Une telle �ducation devrait s'inscrire au c�ur m�me des approches �ducatives et �tre fond�e sur le respect de la libert� d'opinion et d'expression, sur le d�bat d�mocratique, sur le d�veloppement de l'autonomie et de l'esprit critique.

V. Pour conclure

Quelles cons�quences pour l'apprentissage des r�gles, dont j'ai soulign� qu'il passait par une int�riorisation qui peut �tre envisag�e de mani�re fort diff�rence selon la conception que l'on a du r�le de l'�cole, des finalit�s de l'�ducation et bien entendu de la citoyennet� ? � cet �gard, les recherches men�es dans plusieurs champs disciplinaires et dont j'ai fait �tat (supra), indiquent que l'imposition de r�gles sous la menace de sanction ne conduit pas � leur appropriation ni m�me � leur respect, au contraire. M�me si l�h�t�ronomie � c'est-�-dire le respect de la r�gle sous la pression d�une autorit� reconnue � est une �tape n�cessaire ; elle devrait conduire � l�autonomie, par laquelle l�individu participe � l'�laboration des contraintes auxquelles il se soumet (Piaget dans Xypas, 1997). Or, dans bien des cas, il semblerait que nombre d'enseignants, pr�f�rent imposer les r�gles par la force plut�t que d'en faire l'objet de d�bats et de n�gociation, ce qui se rapproche de l'optique positiviste selon laquelle, nous dit Ribordy (1977, p. 28), "l'enseignement du droit dans les �coles n'a qu'un seul but, celui de soumettre les jeunes aux valeurs, r�gles, normes du pouvoir" il ajoute que c'est pour cette raison que toutes les exp�riences d'enseignement du droit furent des �checs. "Loin d'�tre dupes, les jeunes ne veulent en aucun cas devenir objets du pouvoir, soumis et contr�l�s. [...] Au contraire, l'enseignement du droit dans les �coles a pour but de mettre � la disposition de l'�tudiant les outils du pouvoir, c'est-�-dire permettre au futur citoyen de lutter � armes �gales, contre ceux qui jusqu'� maintenant avaient le monopole du droit". Il s'agit pour cet auteur de d�velopper la conscience du droit dont la connaissance objective n'est qu'une facette.

Quelles conclusions tirer au regard du droit � l'�ducation, qui stipule que celui-ci "doit viser au plein �panouissement de la personnalit� humaine et du sens de sa dignit� et renforcer le respect des droits de l'homme et des libert�s fondamentales50" ? Cette question invite � des r�flexions sur l'apprentissage des normes et la libert� du sujet ; sur la transgression des r�gles et le recours � la sanction ; sur le respect mutuel et la construction de l'autonomie. Autant de sujets qui m�ritent d'�tre analys�s et pris en consid�ration si l'on aspire � faire un jour du droit � l'�ducation une r�alit�.


V�ronique Truchot est chercheure en sciences de l��ducation, dipl�m�e de l�Universit� du Qu�bec � Montr�al. Elle se sp�cialise dans l��tude des repr�sentations de l��ducation.

V�ronique Truchot es investigadora en Ciencias de la Educaci�n, diplomada en la Universidad de Quebec, en Montreal ; se especializa en el estudio de la representaci�n de la educaci�n.

V�ronique Truchot, researcher in education, is a graduate of the University of Quebec in Montreal. She is specialized in the study of perceptions of education.

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