Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix


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Vues d'Afrique n° 2

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Synthèse des travaux: pour une pédagogie de la coopération

Par Yao Adjossou Abotsi 

Coopérer pour mieux vivre ensemble

Au cours de cette session, nous avons tous réfléchi aux conditions à réunir ainsi qu'aux moyens à développer en vue de former des citoyens connaissant leurs droits, leurs devoirs et qui, appliquant ces notions à leur vie de tous les jours, puissent adopter des attitudes et des comportements générateurs de paix. C'est dans cet esprit que les tables rondes et les ateliers proposés se sont inscrits dans une démarche participative où l'apprenant est mis en situation de recherche, puis de coopération.

La pédagogie de la coopération favorise une démarche d'apprentissage appuyée sur l'entraide entre élèves sous la supervision de l'enseignant. Cette approche invite à une mise en commun des compétences en vue d'atteindre un objectif commun tout en cultivant la solidarité entre pairs.

La pédagogie de la coopération est un des moyens par excellence pour faire participer l'ensemble des élèves à leur formation; il s'agit là d'un défi constant dans les classes aux effectifs nombreux. Cette pédagogie stimule l'intérêt des élèves et favorise la libre expression des idées. En cela, elle répond d'emblée à l'importance du droit à la liberté d'opinion et d'expression, tel que formulé dans la Déclaration universelles des droits de l'homme et dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Par la coopération, l'élève apprend à écouter, à respecter l'autre et à faire preuve de tolérance car bien des conflits naissent de l'intolérance. Ce faisant, l'apprenant est amené, dans l'esprit des droits de l'Homme, à pratiquer les valeurs de solidarité, de tolérance et de respect d'autrui.

Mise en place d'un dispositif

Le partage des objectifs d'apprentissage. Ceux-ci ne doivent pas être occultés et gardés en secret mais communiqués et expliqués aux élèves pour servir de motivation.

La gestion de l'espace et du temps: les élèves pourront être disposés en cercle ou en demi-cercle de manière à faciliter les échanges et, partant, la coopération. Lorsqu'aux prises avec des effectifs pléthoriques où les bancs touchent les quatre murs de la classe, les enseignants feront preuve d'ingéniosité et de créativité et, si possible, ils organiseront des activités hors des salles de classes. Le temps approximatif requis pour les apprentissages sera bien expliqué aux élèves.

Les présentations: elles constituent un élément socio-pédagogique important pour favoriser la connaissance et la compréhension mutuelles. On veillera à ce que chaque élève ait l'occasion de se présenter en respectant sa personnalité et son originalité.

La clarté des consignes: l'enseignant usera de formulations accessibles à la compréhension des élèves et s'assurera qu'elles sont bien comprises en ayant recours à des moyens de contrôle respectueux de tous.

Les styles d'enseignement

L'enseignement formel. Il s'agit d'un enseignement direct de la notion en question qui est prévue dans le programme d'éducation civique et morale. Exemple: La Déclaration universelle des droits de l'homme. Pour cette approche, il est prévu une heure de cours par semaine, du moins pour ce qui concerne le Togo et le Bénin. Le cours magistral est une méthode efficace pour la transmission de concepts et d'information. Néanmoins, le cours magistral peut être ennuyeux et rendre les élèves craintifs et dépendants.

La leçon occasionnelle. Par cette approche, il est question de tirer parti d'un événement ou d'un fait d'actualité pour parler de la notion prévue au programme. Prenons, par exemple, un article de journal qui fait état de l'abandon d'un bébé; l'enseignant peut en profiter pour parler rapidement du droit à la vie, conformément aux dispositions des articles 3 de la DUDH et 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Un autre exemple: supposons que deux élèves en classe ou en récréation en viennent aux coups. Il va de soi qu'en notre qualité d'éducateur et de militant des droits de l'homme, nous devons intervenir pour rappeler aux élèves fautifs et à l'ensemble de la classe les concepts de tolérance, d'acceptation de l'autre et de règlement pacifique des conflits. Supposons encore que durant l'appel ou le contrôle de présence, des absents pour raison de maladie soient signalés ; à ce sujet, une rapide leçon de solidarité peut être enseignée en demandant aux élèves, dont le domicile est proche du lieu de résidence de ces malades, de leur rendre visite au nom de la classe et de leur prêter ensuite leurs cahiers de leçons et d'exercices pour qu'ils puissent se mettre à jour, ceci non seulement parce que chacun peut également tomber malade et avoir besoin de l'assistance des autres, mais surtout parce qu'il est important de faire du bien à autrui.

L'enseignement intégré. Cette approche consiste à profiter du thème d'une leçon spécifique (histoire-géographie, sciences, anglais, français, etc.) pour ouvrir une parenthèse sur la notion à faire acquérir. C'est donc depuis la préparation de sa leçon que l'enseignant repère le ou les notions de droits de l'homme qui s'apparentent au thème de cette discipline spécifique, afin de l'intégrer habilement à la séquence d'enseignement. Par exemple, en français, bien des textes en lecture expliquée peuvent donner lieu à une telle opportunité. En histoire le cours sur la Deuxième Guerre Mondiale peut, à partir des atrocités commises dans les camps de concentration, faire saisir ce que sont les «traitements cruels, inhumains ou dégradants» que réprouve l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Les techniques pédagogiques

Les recettes passe-partout ne sauraient exister dans l'enseignement de concepts où l'on doit tenir compte du milieu, de l'âge des apprenants et de leurs réactions parfois imprévisibles. Il est même conseillé de demander aux élève eux-mêmes la méthode à suivre face à tel ou tel problème qui se pose et que l'on veut régler comme, par exemple, la question du vol et de la violences dans la classe. Le recours aux débats facilite également la prise de parole, tel deux camps qui défendent des opinions opposées. Le Conseil de coopération, quant à lui, permet de résoudre bien des problèmes dans la classe, en début et en fin du trimestre, en particulier. Un climat de confiance et de démocratie est nécessaire pour obtenir de bons résultats. On retiendra également les études de cas, des coupures de presse, films et diapositives, les croquis, le photo-langage, dessins d'expression relatifs aux droits de l'homme, les jeux de rôle, les sketches et les simulations car ils présentent tous l'avantage d'être illustratifs de situations diverses que les élèves seront amenés à étudier et à commenter.

Visites et enquêtes. Pour un enseignement efficace des droits de l'homme, chaque fois qu'il est possible, les réalités du milieu devraient être mises à profit par des enquêtes et des visites guidées. En cela, la visite du Ouidah incluant la Route des Esclaves est un moyen de conscientisation à privilégier. Rappelons, à cet égard, que l'article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule que «Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes». Par ailleurs, l'article premier de la même Déclaration mentionne que «les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»

D'autre part, la visite de la Forêt sacrée et du Temple du Python, à Ouidah, permet de mieux mesurer la portée de l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le fait d'observer des adeptes de l'animisme sur les lieux du culte parler de l'objet de leur foi avec tant de sérieux et de conviction suffit pour faire naître chez le chrétien et le musulman, par exemple, la tolérance et le respect de l'autre en matière de religion. Les conceptions métaphysiques sont du domaine exclusif de l'appréciation individuelle des croyants eux-mêmes.

Il est donc essentiel d'aller toucher du doigt les réalités du milieu pour faciliter la participation des élèves et insuffler chez eux un changement de comportement et d'attitude. L'article 24 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples rappelle que «Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement». Afin de mieux éduquer nos élèves à un changement d'attitude et de comportement en ce qui concerne la protection et la sauvegarde de l'environnement, il conviendra d'organiser une visite ou de réaliser une enquête sur le dépôt des ordures dans leur quartier, ne serait-ce que pour créer le réflexe d'utiliser les poubelles de l'école, au lieu de jeter tout par terre comme on peut le constater si souvent.

Au demeurant, visites et enquêtes présentent plusieurs avantages. Par l'observation, les élèves retiennent mieux les résultats auxquels ils sont parvenus parce que c'est le fruit de leur propres efforts; en communiquant les résultats à leurs pairs, ils apprennent aussi à s'exprimer pour soutenir de vive voix leur point de vue tout en apprenant à écouter autrui. C'est là une formation qui pénètre l'apprenant et le transforme alors que l'information transmise par l'enseignant seul est souvent dénuée d'intérêt pour l'élève et donc vite oubliée.

L'évaluation

Les moyens d'évaluation seront expliqués aux élèves et déterminés à partir des objectifs de travail que la classe se sera donnés. En dehors des tests de connaissances pour évaluer l'appropriation de certaines notions-clés, il doit être souvent fait recours à l'évaluation formative. Dans ce type d'évaluation il n'est pas nécessaire que des copies soient ramassées en vue d'être notées, surtout si l'on veut apprécier l'atteinte des objectifs aux plans socio-affectif et psychomoteur. Or, ces aspects du développement ne se traduisent pas toujours par un comportement observable dans l'immédiat. Cependant, cette approche permet à l'élève de s'auto-évaluer et, partant, de prendre en quelque sorte la «mesure» de son changement d'attitude et de comportement.

Les attitudes et les comportements du personnel

«Ce qui ne vient pas du coeur ne vas pas au coeur», dit-on souvent. Il est important que l'enseignant adhère lui-même aux valeurs de la pédagogie de la coopération. Il est facile parfois d'enseigner la liberté tout en affichant des comportements autoritaires. Mais on ne peut faire accéder à la justice en maintenant des inégalités de traitement dans la classe.

Le Chef d'établissement doit veiller à ce que toute l'école participe aux idéaux démocratiques. Le règlement scolaire, par exemple, ne saurait être conçu et rédigé par lui seul et imposé à tous, mais être l'émanation de tous les partenaires de l'établissement: délégués des élèves, des parents, des enseignants et du personnel administratif. Ce règlement doit aussi veiller à assurer les meilleures conditions sanitaires possibles ainsi qu'un aménagement paysager propre à stimuler l'intérêt et le sentiment d'appartenance.

Yao A. Z. Abotsi est Inspecteur de l'éducation à Lomé, Togo et Président de l'ÉIP-Togo.

 

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