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Les droits des minorit�s: entre droits culturels et droits politiques

Par Isse Omanga Bokatola

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Introduction

Au nombre des multiples et graves probl�mes qui se posent en cette fin du XX�me si�cle dans de nombreux �tats du monde, un de ceux qui retiennent le plus l'attention par son actualit� et les divers conflits dont il est la cause, est certainement celui des minorit�s.

Ce probl�me n'est pas nouveau. L'Histoire nous cite, d�j� dans l'Antiquit�, des exemples, il est vrai rares et rudimentaires, de protection des individus diff�rant de la majorit� de la population par la langue, la religion, la couleur, etc.

La v�ritable protection internationale des minorit�s est apparue en Europe au lendemain des guerres de religion, luttes arm�es entre catholiques et protestants aux XVI�me et XVII�me si�cles, qui aboutirent � la proclamation de la libert� de conscience au profit notamment des minorit�s religieuses. Plus tard, avec la mont�e du nationalisme, les Congr�s europ�ens, par exemple, �tendront au XIX�me si�cle la protection internationale aux minorit�s nationales. Toutefois, l'appr�ciation que l'on peut faire des clauses de tous ces premiers textes de protection est qu'elles ont eu tr�s peu d'efficacit�, de m�me qu'�choua le syst�me d�taill� de protection des minorit�s mis en place par la Soci�t� des Nations (SDN) apr�s la premi�re guerre mondiale. C'est dans l'�chec de ce syst�me de la SDN que la communaut� internationale d'aujourd'hui a trouv� le point de d�part du d�veloppement de son action dans ce domaine.

Trois organisations internationales s'occupent actuellement des questions des minorit�s: l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation pour la S�curit� et la Coop�ration en Europe (OSCE) et le Conseil de l'Europe. Toutefois, jusqu'� pr�sent, aucune d�finition officielle de la notion de minorit� n'a encore �t� retenue au sein de ces organisations. Plusieurs tentatives ont �t� entreprises en ce sens, pas une n'a abouti, en raison surtout de l'impossibilit� pour les �tats de s'entendre sur les expressions � utiliser et les groupes � inclure dans la notion. � l'heure actuelle, on reconna�t qu'il est illusoire de penser qu'une d�finition susceptible de recueillir une adh�sion g�n�rale puisse �tre formul�e. On consid�re cependant que des r�gles pour la protection des minorit�s peuvent �tre �labor�es m�me s'il n'existe pas encore d'accord sur la notion, les groupes (minoritaires) vis�s dans les cas concrets �tant bien connus.

Ainsi, malgr� le fait que la g�ographie et l'histoire donnent aux minorit�s leurs caract�ristiques et traditions propres - les minorit�s sont nombreuses et diverses, trois types de droits sont le plus souvent proclam�s en leur faveur : des droits individuels, des droits collectifs et le droit des peuples.

I. Des droits individuels

S'inspirant des exemples en la mati�re des si�cles pr�c�dents, mais tenant �galement compte des lacunes de ceux-ci, la SDN pr�sida, apr�s la premi�re guerre mondiale, � un nouveau r�seau de trait�s visant � prot�ger uniquement les minorit�s des puissances vaincues ou des �tats agrandis ou nouvellement cr�es en Europe centrale et orientale. Ces trait�s pr�voyaient notamment la non-discrimination, l'autonomie en mati�re culturelle et �ducative, ainsi que le droit d'employer sa langue maternelle dans la vie publique et priv�e. La SDN avait recours � une proc�dure de communications pour obtenir des �tats qu'ils respectent leurs obligations conventionnelles en mati�re de protection de telle ou telle minorit�. Les p�titions �taient examin�es par le Secr�tariat de la Soci�t� puis, si celui-ci les jugeait recevables, par un comit� sp�cial compos� de plusieurs �tats membres du Conseil de la Soci�t�. La Cour permanente de Justice internationale joua un r�le important dans la proc�dure en assurant la garantie internationale des clauses de protection des minorit�s. N�anmoins, l'application du syst�me de protection particuli�re de la SDN ne donna satisfaction ni aux �tats auxquels il s'imposait, ni aux minorit�s en faveur desquelles il avait �t� �labor�. Le m�contentement des Etats et des minorit�s fit sortir, au moins partiellement, le probl�me de la protection des minorit�s du cadre de la SDN. Les conflits minoritaires recommenc�rent de plus belle, avec leur cort�ge de d�stabilisation et de violence, et finirent par contribuer en partie, comme pour la premi�re guerre mondiale, � l'�clatement du second conflit le plus sanglant du si�cle.

La tentative malheureuse de protection des minorit�s de l'entre - deux - guerres, ainsi que les errances auxquelles elle avait men�, incita sur le plan international les �tats � ne pas poursuivre l'exp�rience lanc�e par la SDN. Pendant un premier temps, vingt ans au minimum, la pr�occupation de la communaut� internationale fut non plus protection (en faveur) des minorit�s en tant que groupes, mais plut�t protection globale de la personne humaine. Une s�rie �tendue de normes internationales obligatoires a �t� d�velopp�e pour prot�ger l'individu sans tenir compte du fait qu'il appartient ou non � une minorit�, et pour interdire la discrimination. Toutefois, l'application de ces r�gles relatives aux droit de l'homme montre que celles-ci ne permettent pas d'atteindre l'objectif recherch�, � savoir rendre inutiles des normes sp�cifiques sur la protection des groupes minoritaires. Un pas vers les droits sp�ciaux de ces groupes sera fait avec le Pacte international de l'ONU relatif aux droits civils et politiques.

A. Des droits individuels g�n�raux

1. Le principe
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Lorsqu'on examine les diff�rents textes internationaux relatifs aux droits de l'homme, pratiquement tous sont muets sur la protection des minorit�s, mais proclament et garantissent le respect des droits fondamentaux de tous les hommes, sans distinction de majorit� ou de minorit�.

Il est vrai, prot�ger les minorit�s, c'est avant tout assurer aux personnes qui y appartiennent, comme � tous les autres citoyens de l'�tat, la jouissance des droits de l'homme et des libert�s fondamentales, ainsi que l'exercice de tous ces droits (civils, politiques, �conomiques, sociaux et culturels) sans aucune discrimination. On le sait, la r�gle de non-discrimination est la formulation concr�te et n�gative de celle d'�galit� individuelle. Elle signifie qu'aucune distinction ne doit �tre exerc�e contre un individu ou un groupe uniquement � cause des diff�rences de couleur, d'origine ethnique, de langue, de religion,... et qu'aucune pr�f�rence injustifi�e ne doit �tre octroy�e � un individu ou � un groupe � cause de ces m�mes diff�rences.

En passant sous silence depuis la cr�ation de l'ONU en 1945 jusqu'au milieu des ann�es soixante la question des minorit�s, les �tats pensaient que les minorit�s tireraient avantage des droits qui prot�gent l'ensemble des citoyens, et que le respect de ces droits, ainsi que celui du principe de non-discrimination, leur assureraient seuls une protection suffisante. En d'autres termes, on croyait que la suppression de l'oppression individuelle entra�nerait automatiquement la cessation de l'oppression collective. Mais les choses n'ont pas �volu� comme on l'avait esp�r�.
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2. Les insuffisances

Tr�s rapidement apr�s la deuxi�me guerre mondiale, des probl�mes particuliers de protection des minorit�s en tant que groupes vont ce poser � nouveau, notamment entre l'Inde et le Pakistan d�j� en 1947. Ainsi, non seulement les minorit�s vont continuer � exister, mais elles vont persister dans leur revendication � la sp�cificit�.

Avec beaucoup d'h�sitation et, parfois, l'hostilit� de certains �tats, la communaut� internationale au sein de l'ONU, par exemple, va reconna�tre que, bien que li�es, les notions de non-discrimination et de protection des minorit�s sont diff�rentes l'une de l'autre, et que la non-discrimination ne suffit pas � garantir le droit � la sp�cificit� des groupes minoritaires. En effet, la non-discrimination dans la jouissance des droits de l'homme ne constitue qu'une garantie individuelle. Si elle est la condition pr�alable absolue � l'application de mesures sp�ciales en faveur des minorit�s, elle ne peut assurer seule la protection sp�cifique que n�cessite la conservation et le d�veloppement de l'identit� du groupe. La protection des minorit�s, n�cessaire � cet effet, comporte ainsi deux aspects: d'une part, le b�n�fice d'un traitement �gal � celui de la majorit� de la population; d'autre part, l'octroi de mesures sp�ciales en plus des droits accord�s � l'ensemble de la population, afin de permettre aux minorit�s de garder leurs caract�ristiques propres. C'est pourquoi, en plus des droits individuels g�n�raux, une tentative vers la reconnaissance des droits sp�ciaux des minorit�s sera faite par l'ONU avec le Pacte international relatif aux droit civils et politiques. Mais cette tentative fut timide car entreprise toujours dans le cadre des droits individuels attribu�s aux membres des minorit�s.

B. Des droits individuels sp�ciaux

1. Les b�n�ficiaires des droits

Le pacte international de l'ONU relatif aux droits civils et politiques stipule en son article 27: "Dans les Etats o� il existe des minorit�s ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant � ces minorit�s ne peuvent �tre priv�es du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue".

Au sujet des b�n�ficiaires de ces droits, il faut pr�ciser que l'article 27 du Pacte n'accorde pas de droits aux minorit�s en tant que groupes. Durant les nombreuses ann�es au cours desquelles les organes des Nations Unies tinrent de multiples et longs d�bats pour �laborer les projets des Pactes, la crainte que la reconnaissance d'une protection directe en faveur des groupes ne pousse ces derniers � s'opposer aux �tats fit que l'Organisation ne consid�ra comme titulaires des droits garantis par l'article 27 que les personnes appartenant aux minorit�s. Cependant, on ne doit pas oublier que les droits individuels octroy�s doivent �tre exerc�s par des personnes "en commun avec les autres membres de leur groupe"; la raison en est qu'� la base des droits pr�vus, il y a les int�r�ts d'une collectivit� et, par cons�quent, c'est l'individu en tant que membre d'un groupe minoritaire et non pas n'importe quel individu qui est appel� � b�n�ficier de la protection accord�e par l'article 27. Avec cet article, un pas a donc �t� tent� vers les droits sp�cifiques des groupes minoritaires, m�me si l'optique demeure - r�sistance des Etats oblige - encore individualiste.
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2. Les droits octroy�s

L'article 27 du Pacte garantit les droits qui prot�gent les caract�ristiques sp�cifiques des minorit�s, en l'occurrence les caract�ristiques ethniques, linguistiques et religieuses. Ainsi, les personnes appartenant aux minorit�s ethniques ont le droit d'avoir leur propre vie culturelle, celles faisant partie des minorit�s religieuses le droit de professer et de pratiquer leur propre religion, celles appartenant aux minorit�s linguistiques le droit d'employer leur langue. On peut relever ici que ces m�mes droits sont accord�s aux enfants des minorit�s par l'article 30 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

L'article 27 consacre les droits accord�s � des individus minoritaires et qui sont distincts ou compl�mentaires des droits individuels g�n�raux ou communs dont peuvent jouir tous les individus, qu'ils appartiennent ou non � une minorit�. Par cons�quent, ces droits doivent �tre prot�g�s en tant que tels et ne doivent pas �tre confondus avec d'autres droits individuels conf�r�s conform�ment au Pacte � tous et � chacun.

Selon l'opinion dominante, cet article ne consacre que des droits n�gatifs, le devoir pour l'�tat de ne pas entraver la jouissance des droits: les membres des minorit�s peuvent, en commun, opposer � leur �tat le droit de jouir de leur h�ritage culturel, de pratiquer leur religion et de parler leur langue; toutefois, ils n'ont pas le droit d'exiger de cet �tat l'adoption de mesures positives.

Cette th�se ne nous para�t pas conforme � l'objectif recherch� par le texte. En effet, les droits reconnus dans l'article 27 du Pacte sont semblables aux droits figurant dans le Pacte international de l'ONU relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels. Ils impliquent tous pour les �tats des obligations de nature positive, comme d'ailleurs l'a enfin reconnu le Comit� des droits de l'homme de l'ONU: dans son observation g�n�rale no. 23(50) du 6 avril 1994 concernant l'article 27, le Comit� des droits de l'homme souligne que l'�tat est tenu, en vertu de cet article, de prendre des mesures positives de protection en faveur des membres des minorit�s, afin que ces derniers puissent pr�server leur culture et leur langue et pratiquer leur religion, en commun avec les autres membres de leur groupe.

Les virtualit�s contenues dans l'article 27 doivent �tre d�velopp�es. Cet article n'est ainsi qu'un point de d�part, un "cadre de travail", la premi�re �tape d'une oeuvre de longue haleine pour l'�laboration d'un v�ritable droit international des minorit�s. Actuellement, on se trouve dans la deuxi�me �tape de cette entreprise, phase qui se caract�rise par la reconnaissance des droits collectifs aux minorit�s en tant que groupes.

II. Des droits collectifs

En mati�re de minorit�s, les d�bats relatifs au contenu de la protection internationale � leur accorder ont permis de se rendre compte que certains droits culturels ne peuvent �tre exerc�s que collectivement par les minorit�s. On leur a alors octroy� ces droits en tant que droits de groupes, auxquels on a ajout� des mesures de discrimination positive.

A. Le principe des droits collectifs

Ces droits visent � assurer en particulier:

la protection de l'existence des minorit�s: il s'agit d'interdire toute tentative d'�limination des minorit�s du territoire de l'�tat par l'extermination physique (g�nocide) ou par l'expulsion (nettoyage ethnique),cette derni�re pouvant s'effectuer � l'ext�rieur ou m�me � l'int�rieur du pays; nous sommes ici dans le prolongement logique de la protection d�j� octroy�e � tous les "groupes d�favoris�s", notamment par les instruments internationaux contre le g�nocide et toutes les formes de discrimination;

la protection de l'identit� des minorit�s: il s'agit de pr�server les minorit�s contre leur destruction culturelle ou ethnocide, ce qui se r�alise entre autres par des mesures d'assimilation forc�e, de d�placement des minorit�s, ou de modification des proportions de la population dans les r�gions o� vivent les minorit�s.

Ainsi, en prot�geant les minorit�s contre la destruction physique, mais aussi la destruction culturelle, la communaut� internationale cherche � combler les lacunes de la Convention de l'ONU de 1948 pour la pr�vention et la r�pression du crime de g�nocide, qui punit le g�nocide dit "physique et biologique", mais ignore le g�nocide dit "culturel ou ethnocide".

Les droits collectifs ont �galement pour objectif de permettre la participation effective de la minorit� comme telle, au niveau national et, le cas �ch�ant, au niveau r�gional, aux d�cisions qui concernent le groupe ou les r�gions dans lesquelles il vit, ceci afin de r�duire ou le risque de marginalisation des minorit�s et de favoriser la stabilit� des pays. Les droits collectifs autorisent de m�me les minorit�s � �tablir des contacts entre elles � l'int�rieur des �tats ainsi qu'au-del� des fronti�res de ceux-ci.

Les droits collectifs consacrent par ailleurs la libert� pour les minorit�s de cr�er et de g�rer leurs propres associations. Les minorit�s peuvent ici constituer des organisations repr�sentatives propres, ce qui est un droit important, surtout dans le cadre de la reconnaissance aux minorit�s de la personnalit� juridique. L'action des organisations des minorit�s pourra s'articuler autour:

B. La discrimination positive

Comme nous l'avons d�j� dit, la non-discrimination implique la garantie formelle de l'uniformit� de traitement de tous les individus. Or, il peut arriver que l'application d'un traitement �gal � la majorit� et � la minorit�, dont la condition et les besoins sont diff�rents, aboutisse � une in�galit� de fait. La Cour permanente de Justice internationale l'avait soulign� dans son avis du 6 avril 1935 relatif aux �coles minoritaires en Albanie, et avait propos� comme solution la n�cessit� de traitements diff�rents afin d'obtenir un r�sultat qui �tablisse l'�quilibre entre des situations diff�rentes.

Les int�r�ts sp�cifiques des minorit�s - � savoir la pr�servation et le d�veloppement de leur identit� - peuvent donc justifier l'adoption en leur faveur de mesures sp�ciales. Appel�es �galement discrimination positive, ces mesures ne doivent pas �tre consid�r�es comme des privil�ges, mais comme des mesures permettant aux minorit�s de b�n�ficier d'un traitement pr�f�rentiel compensateur de l'in�galit� dont elles sont victimes vis-�-vis des majorit�s. La discrimination positive permet ainsi aux minorit�s d'acqu�rir l'�galit� r�elle avec les majorit�s, mais ne doit �videmment pas avoir pour cons�quence de d�favoriser ind�ment les majorit�s. Cela signifie que ces mesures doivent �tre ad�quates et proportionnelles, c'est-�-dire ne pas avoir une dur�e plus longue ou une port�e plus large qu'il n'est n�cessaire pour atteindre l'objectif recherch� de pleine �galit�, et �viter aussi bien la violation des droits des autres que la discrimination � leur �gard.

Prudence donc des �tats vis-�-vis de la discrimination positive, prudence encore plus renforc�e de leur part pour ce qui est des "peuples - minorit�".
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III. Le droit des peuples

Le droit des peuples � disposer d'eux-m�mes (ou droit � l'autod�termination des peuples) a un contenu multiple. Traditionnellement, le droit � l'autod�termination rev�t une signification interne et une signification externe. En droit interne, l'am�nagement des structures de l'�tat afin de mieux prendre en compte les int�r�ts des minorit�s concentr�es est largement reconnu: la d�centralisation, l'autogestion, l'autonomie r�gionale et le f�d�ralisme sont, entre autres � cet effet, des solutions mises en oeuvre par plusieurs �tats � travers le monde. Cependant, seule la signification externe de l'autod�termination des peuples nous int�resse ici, dans son acceptation de droit d'acc�der � l'ind�pendance, au rang d'�tat.

L'unanimit� s'est effectu�e, notamment � l'ONU, pour reconna�tre le droit d'acc�der � l'ind�pendance aux peuples "d�pendants", � savoir ceux qui sont soumis � la domination coloniale, � l'occupation �trang�re et � un r�gime raciste. S'agissant d'autres peuples que les peuples "d�pendants", le droit international se montre extr�mement r�serv� quant � leur droit d'acc�der � l'ind�pendance. L'obstacle principal demeure ce qu'on a appel� l'"hypocrisie" internationale, ce sentiment tr�s r�pandu que la communaut� internationale pratique deux poids et deux mesures en affirmant le droit � l'autod�termination des populations coloniales et en refusant ce droit aux autres peuples. Aujourd'hui, le v�ritable enjeu du droit d'acc�der � l'ind�pendance r�side dans son ouverture aux peuples "non d�pendants" en g�n�ral et, pour ce qui nous concerne, aux "peuples-minorit�" en particulier, l'expression "peuples-minorit�" s'appliquant uniquement aux minorit�s concentr�es sur un territoire propre, qui revendiquent la possibilit� de se d�terminer librement, revendication pouvant aller jusqu'� la s�cession.

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A. La dialectique entre le peuple et la minorit�

La question qu'on peut se poser est celle de savoir si les minorit�s peuvent constituer des peuples. La D�claration universelle des droits des peuples d'Alger a express�ment reconnu cette qualit� aux minorit�s. Mais cette D�claration, adopt�e le 4 juillet 1976 par un groupe de personnalit�s insatisfaites des textes des Nations Unies jug�s insuffisants du point de vue de la d�fense des droits des peuples, n'est pas, � la diff�rence des D�clarations des Nations Unies, une recommandation de l'Organisation, elle n'est qu'un document doctrinal. Toutefois, la "th�se d'Alger" continue � avoir des partisans.

En effet, de plus en plus on commence � consid�rer qu'il n'y a aucune diff�rence de nature entre une minorit� et un peuple, ces deux expressions pouvant s'appliquer aux m�mes entit�s. Dans l'exemple de l'ancienne Yougoslavie, notamment, les Croates et les Slov�nes �taient qualifi�s de "nationalit�s", le terme minorit� �tant officiellement contest� et remplac� par celui de nationalit�; mais ces nationalit�s-minorit�s par rapport � la majorit� relative serbe ont dispos� d'elles-m�mes comme des peuples � part enti�re, sont devenues majoritaires au sein d'�tats souverains et ont produit, � leur tour, leurs propres minorit�s qui se consid�rent comme des �l�ments d'un autre peuple (par exemple la minorit� serbe de Croatie).En conclusion, dans le cadre des "peuples-minorit�", il existe une relation constante entre les peuples et les minorit�s, les termes s'inversant selon l'ind�pendance de l'entit� consid�r�e: un peuple peut �tre d�fini comme une minorit� qui est parvenue � acc�der � son ind�pendance, et une minorit� comme un peuple en puissance dans la perspective de son accession �ventuelle � l'ind�pendance.�

B. Le droit � l'"autod�termination-sanction" des "peuples-minorit�"

Les �tats ont sans doute raison de craindre l'extension de la notion de peuple aux minorit�s et la reconnaissance � ces derni�res du droit d'acc�der � l'ind�pendance qui menacera leur unit� et leur int�grit� territoriale. N�anmoins, il n'est pas tout � fait rare que l'on reconnaisse que dans certains cas particuliers, les minorit�s pourraient b�n�ficier du droit d'acc�der � l'ind�pendance et faire s�cession d'avec l'�tat sur le territoire duquel elles vivent.

Effectivement, d�j� en 1921, la SDN avait admis, dans le conflit entre la Su�de et la Finlande � propos des �les d'Aland, que le droit � la s�cession des minorit�s pouvait �tre exerc� dans certaines circonstances exceptionnelles comme rem�de contre un abus manifeste des droits de celles-ci, en d'autres termes, lorsque l'�tat n'a pas la volont� ou le pouvoir d'�dicter et d'appliquer des garanties justes et efficaces en faveur des minorit�s.

Sans passer syst�matiquement en revue les textes et la pratique de la communaut� internationale, on se bornera � citer "la D�claration et le Programme d'action" adopt� par la Conf�rence mondiale de l'ONU sur les droits de l'homme, le 25 juin 1993 � Vienne, qui proclame: "En application de la D�claration (de 1970) relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coop�ration entre les �tats conform�ment � la Charte des Nations Unies, ce qui pr�c�de (la reconnaissance du droit � l'autod�termination des peuples "d�pendants") ne devra pas �tre interpr�t� comme autorisant ou encourageant toute mesure de nature � d�membrer ou compromettre, en totalit� ou en partie, l'int�grit� territoriale ou l'unit� politique d'�tats souverains et ind�pendants respectueux du principe de l'�galit� de droits et de l'autod�termination des peuples et, partant, dot� d'un gouvernement repr�sentant la totalit� de la population appartenant au territoire, sans distinction aucune".

Interpr�tant cette disposition de la D�claration de Vienne relative aux peuples "non d�pendants", Asbjorn Eide, membre de la Sous-Commission de l'ONU de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorit�s, et Rapporteur sp�cial de l'�tude sur les "Moyens possibles de faciliter la solution par des voies pacifiques et constructives de probl�mes dans lesquels des minorit�s sont impliqu�es", d�clare que l'�tat souverain doit �tre "dot� d'un gouvernement repr�sentant la totalit� de la population appartenant au territoire, sans distinction aucune"; ce n'est que si les repr�sentants d'un groupe vivant en communaut� compacte dans une division administrative de l'�tat, peuvent �tablir qu'il n'existe aucune perspective de voir le gouvernement devenir repr�sentatif de la totalit� de la population dans un avenir pr�visible qu'ils peuvent avoir le droit d'exiger l'ind�pendance et de recevoir un appui dans cette requ�te; s'il peut �tre prouv� que la majorit� conduit � l'encontre du groupe une politique de g�nocide, par exemple, il s'agit l� d'un argument tr�s fort � l'appui des revendications d'ind�pendance.

Cette position rejoint la th�se de l'"autod�termination-sanction" d�j� d�fendue, comme nous l'avons vu, par la SDN: la s�cession ne pourrait se concevoir qu'� titre de sanction contre l'�tat qui ne respecte pas son obligation de prot�ger les droits des minorit�s. Et pour la Commission d'arbitrage de la Conf�rence europ�enne pour la paix en Yougoslavie (appel�e �galement "Commission Badinter", du nom de son Pr�sident), l'obligation de l'�tat de respecter les droits des minorit�s est devenue maintenant une norme imp�rative du droit international g�n�ral, une r�gle de jus cogens.

Toutefois, cette norme politique "toute fra�che" est encore l'objet de contestations de la part de certains �tats et membres de la doctrine, et ind�pendamment de la question de savoir si elle devenue une r�gle de jus cogens, elle s'accompagne, dans la logique de la relation constante que nous �tablissons entre les peuples et les minorit�s, de notre principe d'"autod�termination-sanction", applicable comme recours ultime contre l'�tat qui ne respecte pas les droits collectifs des minorit�s. Dans le cas de l'ancienne Yougoslavie, la communaut� internationale "a constat�" le processus de dissolution de cette R�publique. Mais cela ne signifie pas que cette communaut� a reconnu l'existence d'un droit � la s�cession au profit des "peuples-minorit�": un tel droit n'existe pas encore en droit international. Et le pr�c�dent de la s�cession des "peuples-minorit�" de l'ancienne Yougoslavie reste encore aujourd'hui un cas unique.

Conclusion

Les probl�mes des minorit�s sont tr�s complexes. Les minorit�s elles-m�mes sont aussi nombreuses et diverses. Il ne peut, d�s lors, �tre question d'�tablir des r�gles g�n�rales, des syst�mes uniformes qu'ils suffirait ensuite de copier. N�anmoins, dans la plupart des cas, trois types de droits doivent �tre reconnus aux minorit�s: des droits individuels au profit des personnes y appartenant, des droits collectifs en faveur des groupes minoritaires et le droit des peuples � l'intention des "peuples-minorit�".

La premi�re cat�gorie ne fait pas probl�me. Le respect des droits individuels g�n�raux et sp�ciaux des membres des minorit�s figure dans plusieurs conventions internationales (obligatoires) relatives aux droits de l'homme.

Plus probl�matique est la reconnaissance des droits collectifs des groupes minoritaires. Leur cons�cration dans les textes internationaux est toute r�cente, et reste encore au stade d'un engagement politique des �tats.

Encore plus incertaine est la possibilit� pour les "peuples-minorit�" de b�n�ficier d'un droit des peuples "non d�pendants" d'acc�der � l'ind�pendance. Un tel droit n'existe encore, � notre avis, qu'en l'�tat de virtualit� qui, comme toute potentialit�, ne peut produire que selon la fortune des circonstances, et parfois �galement l'int�r�t du moment des �tats, sp�cialement les grandes puissances.
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Bibliographie s�lective

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Isse Omanga Bokatola est juriste sp�cialis� en droit international des droits de l'Homme et conseiller aupr�s du Cifedhop.

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� CIFEDHOP 2007