Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
Retour � la page pr�c�dente�
Retour � la collection perspectives r�gionales
Droits de l'homme et d�mocratie
Par M. Cyrille Sagbo
Par droits de l'homme, on entend l'ensemble des droits inh�rents � toute personne humaine. Il s'agit de droits et libert�s qui appartiennent naturellement � tout �tre humain.
Bien que pr�sent�s sous la forme de cat�gories et de �g�n�rations� (1) les droits de l'homme sont indivisibles. Il convient d'ajouter que cette triple cat�gorisation des droits de l'homme n'implique aucune hi�rarchisation entre ceux-ci, mais r�pond uniquement � un souci m�thodologique et p�dagogique. Ainsi, s'accorde-t-on � dire que �tous les droits de l'homme sont universels, indispensables, interd�pendants et intimement li�s. La communaut� internationale doit traiter les droits de l'homme globalement, de mani�re �quitable et �quilibr�e, sur un pied d'�galit� et en leur accordant la m�me importance�.
La d�mocratie, quant � elle, peut-�tre d�finie comme syst�me politique dans lequel la souverainet� appartient au peuple qui l'exerce soit directement (d�mocratie directe) soit indirectement par l'interm�diaire de ses repr�sentants librement �lus (d�mocratie repr�sentative). Compte tenu des difficult�s pratiques �videntes li�es � l'exercices direct et effectif du pouvoir politique par le peuple tout entier, la d�mocratie repr�sentative, fond�e sur la r�gle de la majorit�, constitue la forme la plus r�pandue dans le monde(2).
�
II. L'universalit� des droits de l'homme et de la d�mocratie
La grande diversit� � maints �gards des �tats composant la Communaut� internationale invite � un examen de la port�e de l'universalit� des droits de l'homme et de la d�mocratie.
2.1 les droits de l'homme
D'entr�e de jeu, soulignons que les droits de l'homme b�n�ficient d'une sorte de pr�somption d'universalit� dans la mesure o� ils sont inh�rents � la personne humaine et que �tous les �tres humains naissent libres et �gaux en dignit� et en droit�(3). La port�e universelle de cette D�claration se refl�te notamment dans de nombreux instruments juridiques tant internationaux que r�gionaux(4).
Au plan r�gional, relevons que c'est en �r�affirmant leur profond attachement aux libert�s fondamentales...� et en se fondant �sur une conception commune et un commun respect des droits de l'homme dont ils se r�clament� que les �tats membres du Conseil de l'Europe ont adopt�, le 4 novembre 1950, la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libert�s fondamentales.
Enfin, c'est �en tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caract�riser leurs r�flexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples� que les �tats membres de l'Organisation de l'unit� africaine (OUA) ont adopt� � Nairobi (Kenya), le 27 juin 1981, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (5). Au nombre de ces valeurs de civilisation africaine figurent le r�le pr�pond�rant de la famille ainsi que l'importance de la morale et de la communaut�(6). Par ailleurs, l'article 2 � 7 fait obligation � l'individu �de veiller, dans ses relations avec la soci�t�, � la pr�servation et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives� (7).
Soulignons par ailleurs que les diff�rents instruments juridiques r�gionaux ne sont pas en contradiction avec les instruments juridiques � port�e universelle. Ils repr�sentent au contraire de puissants appuis aux efforts entrepris pour les Nations Unies dans ce domaine. Comme le souligne fort justement la D�claration de Vienne (1993) en son paragraphe 37, �Les m�canismes r�gionaux jouent un r�le fondamental pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Ils devraient renforcer les normes universelles en la mati�re �nonc�es dans les instruments internationaux pertinents et la protection de ces droits. La Conf�rence mondiale sur les droits de l'homme appuie les efforts qui sont faits pour renforcer ces m�canismes et en accro�tre l'efficacit�, tout en soulignant l'importance de la coop�ration avec l'Organisation des Nations Unies dans le domaine consid�r�. Elle r�affirme qu'il est n�cessaire d'envisager la possibilit� de cr�er o� il n'en existe pas encore des m�canismes r�gionaux et sous-r�gionaux pour la promotion et la protection des droits de l'homme.�
L'ont peut donc affirmer que, dans le domaine des droits de l'homme, l'universalisme n'exclut nullement les r�gionalismes.
2.2 La d�mocratie
La d�mocratie est universelle, a-t-on coutume d'entendre proclamer de-ci de-l�. C'est dans ce sens que s'est �galement prononc�e la Conf�rence panafricaine sur la d�mocratie et la ma�trise de la transition en Afrique, tenue � Dakar en 1992 (8). Cette Conf�rence, qui �affirme solennellement qu'il n'y a de d�mocratie qu'universelle� (9) reconna�t les �lections comme unique voie d'acc�s au Pouvoir devant �assurer un passage en douceur du r�gime de parti unique � un r�gime d�mocratique au sens universel du terme car la d�mocratie n'est l'apanage d'aucun pays mais elle fait partie du patrimoine de l'humanit� (10).
Il convient par ailleurs d'ajouter que la d�mocratie conna�t des adaptations particuli�res li�es aux conditions historiques, sociologiques... propres � chaque entit� �tatique. Autrement dit, il n'y a pas de pr�t-�-porter d�mocratique et tout mim�tisme servile dans ce domaine est � proscrire. Il appartient � chaque �tat africain de rechercher, en association avec les repr�sentants de la �soci�t� civile�, les voies et moyens permettant de concilier, dans sa qu�te de la d�mocratie, les valeurs de civilisation africaine �positives� avec les exigences de la modernit�. Que l'on nous comprenne bien: il ne s'agit nullement d'un encouragement � une d�mocratie d�vou�e, folklorique ou tropicalis�e, mais d'asseoir une d�mocratie qui prend en compte les sp�cificit�s de chaque �tat-nation pour coller aux r�alit�s locales. � cet �gard, tout en admettant �l'in�luctabilit� de la transition vers la d�mocratie qui est une valeur universelle�(9) la D�claration de Dakar des leaders politiques africains (28 mai 1992) reconna�t cependant que �chaque peuple, dans sa qu�te de la d�mocratie, doit d'abord compter sur son g�nie cr�ateur, mais aussi b�n�ficier de l'exp�rience des autres peuples.�
III. Les relations entre les droits de l'homme et la d�mocratie
L'association constante qui est faite des droits de l'homme et de la d�mocratie n'est pas fortuite: c'est dans un r�gime d�mocratique que peuvent se r�aliser pleinement les droits de l'homme et c'est � l'aune du respect effectif des droits de l'homme que s'appr�cie la nature d�mocratique d'un r�gime politique.
Par d�finition, dans un syst�me d�mocratique, �la volont� du peuple est le fondement de l'autorit� des pouvoirs publics�, et �toute personne a le droit de prendre part � la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'interm�diaire de repr�sentants librement choisis� (11). Ces dispositions concernent le droit pour tout citoyen de voter et celui d'�tre �lu. Ces droits se retrouvent dans les instruments juridiques r�gionaux et les constitutions des �tats: il s'agit de droits civils et politiques.
Pendant longtemps, la notion de d�mocratie s'est limit�e au respect de la jouissance des seuls droits civils et politiques bien que la DUDH mentionne �galement des droits �conomiques sociaux et culturels. Avec l'adoption, en 1966, du Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels, la notion de d�mocratie s'est �largie � l'�conomique et au social. Dans la seconde moiti� de la d�cennie 1970, la notion de droit au d�veloppement a �t� �troitement associ�e � celle de d�mocratie. Et, en 1979, l'Assembl�e g�n�rale des Nations Unies �non�ait que �le droit au d�veloppement est un droit de l'homme.� Compris � l'origine comme un simple accroissement de biens mat�riels, le concept de d�veloppement a �volu� pour englober le d�veloppement endog�ne, le d�veloppement durable et, enfin, le d�veloppement humain. Le droit au d�veloppement est d�fini par l'Assembl�e g�n�rale des Nations Unies dans la D�claration sur le droit au d�veloppement(1986) comme �un droit inali�nable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer � un d�veloppement �conomique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libert�s fondamentales r�alis�s et de b�n�ficier de ce d�veloppement (12).�
Le d�veloppement concern� est un d�veloppement global visant au plein et entier �panouissement de l'�tre humain qui en est le sujet central, � la fois participant actif et b�n�ficiaire du droit au d�veloppement (article 2 de la D�claration sur le droit au d�veloppement). Cette vision holistique du droit au d�veloppement est inscrite dans les constitutions d'un certain nombres d'�tats africains dont le B�nin (art.9 de la Constitution de 1990), le Niger (art. 14 de la Constitution de 1996), le Togo (art.12 de la Constitution de 1992), le Tchad (art.19 de la Constitution de 1996) et la R�publique centrafricaine (art.2 de la Constitution de 1995).
Il convient donc d'�tablir un rapport �troit entre les droits de l'homme, la d�mocratie et le d�veloppement. �voquant cette trilogie, la D�claration de Vienne affirme, en son paragraphe 8, que �La d�mocratie, le d�veloppement et le respect des droits de l'homme et des libert�s fondamentales sont interd�pendants et se renforcent mutuellement.�
�
IV. Conclusion
Conna�tre les droits de l'homme c'est bien; les faire conna�tre c'est mieux; les faire reconna�tre et respecter c'est l'id�al. Vaste programme dans lequel un r�le essentiel revient aux �ducateurs qui, d�s l'enseignement primaire, doivent inculquer aux enfants les droits et devoirs de la personne humaine, car comme le d�clare l'Acte Constitutif de l'UNESCO, �les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent �tre �lev�es les d�fenses de la paix�.
Cyrille Sagbo est rattach� � l'Institut des droits de l'homme, Cotonou, B�nin. |
�
Notes
�
1). Rappelons bri�vement ces cat�gories et �g�n�rations� des droits de l'homme: 1) les droits civils et politiques (droits de la premi�re g�n�ration): droit � l'int�grit� de la personne humaine - droit � la vie - droit � la libert� d'aller et venir - droit � la libert� de conscience, d'opinion et de religion - droit � la libert� d'information et d'expression - droit � la libre participation � la direction des affaires publiques...; 2) les droits �conomiques, sociaux et culturels (droits de la seconde g�n�ration): droit au travail - droit � la sant� - droit � l'�ducation - protection de la famille et de certaines cat�gories de personnes; 3) les droits de solidarit� (droits de la troisi�me g�n�ration): droit � la paix - droit � un environnement sain - droit au d�veloppement. Retour au texte
2). Notons qu'avec l'effondrement et la disparition de l'URSS, la distinction marqu�e entre d�mocratie lib�rale et d�mocratie populaire a pratiquement disparue de nos jours. La premi�re se caract�rise par le pluralisme politique et �volue dans le cadre de l'expansion du capitalisme; la seconde repose sur un parti politique unique et la collectivisation des moyens de production. Retour au texte
3). Article premier de la D�claration universelle des droits de l'homme. Retour au texte
4). Voir, notamment: le pr�ambule de la Convention relative au statut des r�fugi�s (1951); les pr�ambules � 3 et 4 des deux Pactes internationaux (1966) relatifs aux droits civils et politiques et aux droits �conomiques, sociaux et culturels; la Convention relative aux droits de l'enfant (1989); les pr�ambules � 1,2 et 5 de la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libert�s fondamentales (1950); les pr�ambule � 3 et 4 de la Convention am�ricaine relative aux droits de l'homme (1969); le pr�ambule � 3 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981). Retour au texte
5). Pr�ambule � 4. Retour au texte
7). NDLR: le soulign� est de l'auteur. Retour au texte
8). Cette Conf�rence r�unissait plus de deux cents leaders politiques venus de 42 pays africains et d'�minentes personnalit�s invit�es � travers le monde. Elle a adopt� quatre documents: la r�solution finale; la D�claration de Dakar des leaders politiques africains; une r�solution sp�ciale sur les conflits politiques internes et les conflits arm�s; une r�solution sp�ciale concernant l'observatoire africain de la transition et le comit� africain de m�diation. Retour au texte
9). Voir aussi, notamment, le trait� constitutif du Conseil de l'Europe (5 mai 1949, pr�ambule, � 2 ) par lequel les �tats signataires se disent �in�branlablement attach�s aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de tous peuples et qui sont � l'origine des principes de libert� individuelle, de libert� politique et de pr��minence du doit sur lesquels se fonde toute d�mocratie v�ritable.� Retour au texte
(10). Voir, � titre d'exemple compl�mentaire, la D�claration de Santiago de Chili sur la d�mocratie repr�sentative adopt�e en ao�t 1957, dans le cadre des travaux de l'Organisation des �tats Am�ricains (OEA). Cette D�claration �num�re huit principes et caract�ristiques du syst�me d�mocratique am�ricain, entre autres, la primaut� du droit assur�e par la s�paration des pouvoirs. le respect des droits de l'homme, les �lections libres et p�riodiques et la libert� d'information et d'expression. Retour au texte
11). Cf. l'article 21 de la DUDH et l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Retour au texte
12).Voir �galement: la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981), pr�ambule �7 et art. 22; la D�claration de Vienne (1993) qui �r�affirme que le droit au d�veloppement (...) est un droit universel et inali�nable qui fait partie int�grante des droits fondamentaux de la personne humaine�. Retour au texte
� CIFEDHOP 2008