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Vues d'Afrique n° 2

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L'égalité hommes-femmes en Afrique: principes et réalités

Par Fali Alexandrine Saizonou

Quelles sont de nos jours le rôle et la situation de la femme en Afrique et, plus particulièrement, au Bénin? Quel est le contenu du corpus juridique qui la concerne tout particulièrement?

3.1 Assurer le droit à l'éducation
3.2 Promouvoir le rôle de la femme
3.3 Faire connaître les droits de la femme


 

I. Le corpus juridique

1.1 Les instruments juridiques internationaux

Ils sont nombreux et divers; ils consacrent tous l'égalité de l'homme et de la femme aux plans civil, politique, économique, social et culturel.

La Déclaration universelle des droits de l'homme

En son article 1 cette Déclaration affirme que «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

En son article 2, il est stipulé que «Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion d'origine nationale ou sociale, de fortune ou de toute autre situation».

La Convention sur les droits politiques de la femme

Adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 640 (VII) du 20 décembre 1952, cette Convention stipule, en son article premier, que «Les femmes auront, dans des conditions d'égalité avec les hommes, le droit de vote dans toutes les élections, sans aucune discrimination». Cela suppose que les femmes pourront, au même titre que les hommes, exercer toutes les fonctions publiques établies en vertu de la législation nationale.

Les conventions et recommendations internationales du travail

À ce titre, mentionnons la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail réunie le 4 juin 1958 en sa 42è session et qui a affirmé que «tout individu doit jouir, sans discrimination de l'égalité des chances et de traitement en ce qui concerne l'accès aux services».

La Convention sur la nationalité de la femme mariée

Adoptée le 29 janvier 1957 par l'Assemblée générale des Nations Unies, l'article premier de cette Convention stipule que «Chaque État convient que ni la célébration ni la dissolution du mariage entre ressortissants et étrangers, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage ne peuvent ipso facto avoir d'effet sur la nationalité de la femme».

La Convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages

Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 7 novembre 1962, cette Convention stipule que les États parties «prendront les mesures nécessaires pour spécifier un âge minimum pour le mariage»; elle réaffirme en outre que la liberté de choix du conjoint sera assurée et que les États devront viser l'élimination des mariages d'enfants et des fiançailles de filles avant l'âge nubile en instituant, le cas échéant, les sanctions voulues et en créant un service de l'état civil ou un autre service qui enregistre tous les mariages.

La Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes

Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 7 novembre 1967, cette Déclaration stipule, en son article premier, que «La discrimination à l'égard des femmes, du fait qu'elle nie ou limite l'égalité des droits de la femme avec l'homme, est fondamentalement injuste et constitue une atteinte à la dignité humaine».

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

Cette Convention, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979, énonce les mesures à prendre pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans la vie politique, en matière de nationalité, dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et de la santé, dans le mariage et dans la famille. Elle accorde une attention particulière aux droits des femmes rurales, à l'élimination des stéréotypes fondés sur le sexe et à l'égalité des femmes et des hommes devant la loi.

La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP)

La CADH fut adoptée lors de la 18ème Conférence des chefs d'États et de Gouvernement, en juin 1981 à Nairobi, au Kenya; ses articles 1, 2, 3 reconnaissent que toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi et une égale protection de la loi sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de sexe, de langue.

  1.2 Les instruments juridiques nationaux

C'est à ce niveau que la promotion et la protection des droits de la femme rencontrent des difficultés.

Il convient d'abord de rappeler que bon nombre de pays africains ont adopté des législations instituant un statut relativement favorable aux femmes et qui leur accordent un minimum de droits. C'est le cas des pays africains laïques comme la Côte d'Ivoire, le Bénin, le Togo, le Burkina-Faso, le Sénégal, etc.

Au Bénin, par exemple, la Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin stipule, en son article 26, que «L'État assure à tous l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race de sexe, de religion, d'opinion politique, ou de position sociale. L'homme et la femme sont égaux en droit, l'État protège la famille et particulièrement la mère et l'enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées».

Cet «arsenal juridique» devrait permettre à la femme africaine d'être à l'abri de toutes violations des droits qui lui sont reconnus dans les instruments nationaux et internationaux précités.

Cependant, il n'en demeure pas moins que le rôle de la femme africaine reste cantonné à sa dimension traditionnelle

 

II. Le rôle des femmes dans les sociétés africaines

2.1 Dans les zones rurales

En zones rurales, l'africaine se voit astreinte aux travaux domestiques et ménagers. À cet égard, beaucoup d'hommes souscriraient volontiers à ce propos d'un homme baatonu (ethnie du nord du Bénin) , recueilli lors d'une enquête dans la région rurale du Borgou: «On ne se marie pas avec une femme pour lui préparer à manger». Et un autre de renchérir: «les femmes assurent les travaux domestiques, telle est la volonté de Dieu». Il est par ailleurs fréquent d'entendre dire «qu'un homme qui accepte de se livrer aux travaux domestiques est maudit». Certes, d'autres hommes avouaient, au cours de la même enquête, qu'ils pouvaient aider leur femme en cas de maladie, de voyage ou en d'autres circonstances, mais à condition que cela reste caché...

En zone rurale - du nord au sud du pays - la participation des femmes aux travaux agricoles sur le champ de l'époux est obligatoire et elle ne peut travailler dans son champ personnel qu'après avoir satisfait à ses obligations premières. Par contre, si l'épouse a besoin de l'aide du mari, celui-ci peut la lui refuser ou même poser ses conditions financières ou autres.

Qualifiée de sexe faible, la femme est placée sous la protection et l'autorité d'un père, d'un frère, d'un mari. Dans le milieu rural, elle continue d'être considérée comme une incapable tout en représentant une valeur patrimoniale à cause de la dot; elle fait partie des biens de l'homme; de fait, elle peut même être objet de dévolution successorale et «transmise» aux héritiers du mari.

Dans les pays largement influencés par des règles coutumières et religieuses qui, dans leur essence même, réduisent la femme à un être de seconde zone, celle-ci n'a d'identité que par référence à son conjoint ou à son parent de sexe masculin. C'est le cas dans certains pays musulmans, notamment.

2.2 En milieu urbain

Dans nos villes, ce sont elles que l'ont voit courir du matin au soir d'un marché à un autre ou occuper des fonctions subalternes au sein de nos administrations. Rares sont les femmes à qui sont confiés des postes de responsabilité.

Les femmes héritent toujours de la portion «congrue»; on leur confie rarement des postes clés dans l'administration en dépit de leur combat de tous les jours pour se faire valoir au plan intellectuel.

Mentionnons,, à titre d'exemple, que dans le Gouvernement actuel du Bénin, on n'y retrouve qu'une femme sur 19 ministres. À l'Assemblée nationale, Il n'y a que six femmes sur 82 députés; 1 femme sur les 7 membres de la Cour constitutionnelle; 1 femme sur trente au Conseil économique et social; six femmes sur 77 dans les circonscriptions urbaines et les sous-préfectures; aucune femme dans les préfectures.

Somme toute, les femmes des zones rurales et urbaines se retrouvent dans la même situation: celle de marginalisées.

Que pouvons- nous faire pour remédier à cette situation, pour que l'égalité entre homme et femme soit désormais une réalité de nos sociétés ?

III. Propositions

3.1 Assurer le droit à l'éducation

Il faut que nous éduquions. Lorsque l'éducation est assurée, elle constitue un levier pour l'amélioration des conditions de vie de toute l'humanité et de la femme en particulier. Nous avons besoin d'un enseignement qui permette à tous la possibilité d'appréhender le monde moderne et de transformer son milieu environnant en tenant compte à la fois de nos valeurs culturelles et du patrimoine scientifique universel.

L'éducation sous toute ses formes doit être résolument mise au service du développement économique et social. Ceci implique que l'école doit viser à servir la collectivité entière et non pas cette infime minorité de privilégiés que sont les hommes. Cela suppose l'égalité des chances pour tous et toutes. L'enseignement des droits de la personne devrait être assuré; le rôle de l'enseignant sera d'expliquer à ses élèves le contenu des différents textes de loi qui régissent la vie de nos sociétés.

Les autorités des établissements d'enseignement doivent faciliter l'accès des filles à l'éducation et les traiter au même titre que les garçons en les plaçant dans les mêmes conditions d'apprentissage. C'est dans le même esprit que le gouvernement béninois a adopté, en 1993, une circulaire ( N° 35/MEN/CAB/DAIS/SA) exonérant complètement les jeunes filles du droit d'écolage dans les zones rurales.

3.2 Promouvoir le rôle de la femme

L'adoption d'un code de la famille constituera une étape importante pour que les femmes cessent d'être des citoyennes de secondes zones.

L'alphabétisation des femmes en milieu rural constitue un moteur essentiel de développement.

L'accès des femmes au crédit est un moyen de lutte contre la pauvreté dont elles sont victimes.

La valorisation de l'image de la femme ainsi que sa participation aux prises de décisions doivent être recherchées. Elles doivent participer activement à toutes les phases du développement de projets, de leur conception à leur évaluation en passant par leur mise en oeuvre et cela, dans tous les domaines de la vie sociale et économique.
 

3.3 Faire connaître les droits de la femme

Il faudrait assurer la traduction de tous les instruments juridiques internationaux en langues vernaculaires aux fins que les femmes des zones rurales soient informées des textes adoptés en leur faveur.

Il faut également que, dans nos pays, les États qui ratifient les instruments internationaux relatifs aux droits de la femme en assurent l'application effective en recourant aux moyens financiers nécessaires. Nos gouvernements ne semblent-ils pas tous convaincus qu'il est essentiel d'accorder désormais une attention particulière à la femme ?
 

IV. Conclusion

La promotion et la défense des droits de la femme devraient être l'affaire de tous. Les médias, les autorités politiques et administratives, les écoles, entre autres, devraient être mis à contribution.

Chacun, à son niveau, devrait comprendre qu'il n'a rien à perdre, mais beaucoup à gagner de la promotion de la femme et de sa plus grande participation au développement de nos pays respectifs et de l'Afrique toute entière. L'étroite association des femmes au développement est un impératif de justice sociale.

Alexandrine Fali Saizonou est avocate au Barreau de Cotonou, Bénin, et membre de la Fondation Regard .

   

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