Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
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Par Abraham Magendzo
*Traduit de l'espagnol
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Les promesses de la modernit� et la revendication de la post-modernit�
L'Am�rique Latine et la modernit�
Incapacit� de reconna�tre l'Autre
N�gation de la diversit� culturelle
�galit� et qualit� de l'�ducation
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Introduction
Depuis le d�but de notre activit� dans l'�ducation aux droits de l'homme -d�j�, en 1985, � l'�poque des dictatures militaires-, nous avons identifi� le ph�nom�ne de la discrimination -autant li� � la culture de l'Am�rique latine qu'aux r�gimes autoritaires- comme l'un des obstacles les plus s�rieux � l'exercice et l'application des droits de l'homme. Ce sont d'anciennes discriminations qui ont pris racine dans une s�rie de pr�jug�s et de clich�s, conduisant ainsi, � mon avis, � de nombreuses violations des droits de l'homme qu'ont v�cues et que vivent encore nos pays. Le drame de cette situation est, qu'� ce jour, l'�ducation n'a fait que se mettre au service de la reproduction des discriminations.
Compte tenu des changements que vivent ces pays en raison du processus de modernisation et de globalisation, il faut imp�rativement revoir s�rieusement le r�le de l'�ducation face � la construction d'une d�mocratie. Cette �ducation doit reconna�tre -dans le discours et dans l'action- que la justice, l'�galit� et l'�quit� se basent sur la dignit� de la personne humaine, quelle que soit sa condition sociale, la couleur de sa peau, sa religion, son sexe ou son origine.
Dans cet article, on commencera, premi�rement, par des r�flexions sur le rapport existant entre la modernit� et le ph�nom�ne de la discrimination en Am�rique latine. � cet �gard, nous tenterons de montrer comment l'�conomie de march� et la globalisation influent sur le ph�nom�ne de la discrimination. Parall�lement, nous illustrerons sch�matiquement comment la modernit� implique la perte d'une identit�. Ensuite, nous verrons comment l'�ducation est associ�e � la discrimination. On montrera par le fait m�me que depuis les d�buts de la vie r�publicaine, l'�ducation est devenue la d�positaire des codes de la culture dominante. Dans cette perspective, on peut observer, dans le curriculum, la n�gation de la diversit� culturelle. On mentionnera aussi comment, dans les syst�mes �ducatifs d'Am�rique latine, l'acc�s in�gal � la connaissance a �t� une source �vidente de discrimination. On donnera deux exemples de populations qui en ont souffert: les autochtones et les femmes. Pour terminer, on proposera quelques �l�ments de r�flexions en vue d'�radiquer la discrimination dans le domaine de l'�ducation.
Prol�gom�nes
Les promesses de la modernit� et la revendication de la post-modernit�
La modernit� s'est caract�ris�e par la primaut� absolue de la raison, par la cons�cration de la libert� et par la proposition d'un monde r�gl� par la loi �galitaire et l'�tat de droit, et non par l'arbitraire et la violence (Salvat: 1993). Cependant, c'est pr�cis�ment au sein de la modernit� qu'ont �merg� et se sont renforc�s les sch�mas discriminatoires et racistes le plus virulents (Magendzo: 1995). Dans ce sens, plusieurs auteurs soutiennent que le totalitarisme est un ph�nom�ne profond�ment moderne et occidental (Arendt:: 1989). En consid�rant que le projet lib�rateur de la modernit� est encore en suspens, on soutient que la modernit� est un projet inachev� (Habermas: 1989).
Dans sa propre distance critique envers elle-m�me, on remarque sp�cialement aujourd'hui la n�cessit�, pour la modernit�, de mettre en �vidence le rejet de sa pr�tention d'universalit�. Pour cette raison, la pens�e post-moderne pr�tend revendiquer le contextuel, les traditions, la diff�rence (Garcia: 1995). Il y a une exigence, propre � la post-modernit� et � la d�mocratie, de respect � la diff�rence, aux idiosyncrasies, au particulier, � l'identit� sp�cifique. Il s'agit d'assumer le d�fi de concilier les particularit�s historiques et culturelles des r�gions avec la vocation universaliste du d�veloppement et de la modernit�, d'assumer la tension entre l'identit� culturelle et la modernit� dans le processus de d�veloppement (Calderon, Hoppenhayn, Ottone: 1993).
L'Am�rique Latine et la modernit�
La globalisation est l'effet de l'application d'un mod�le �conomique de libre-�change. Ce mod�le pr�conise le retrait de l'�tat et l'abandon de ses r�les traditionnels, afin que ces derniers soient assum�s par le secteur priv�. On soutient que le march� globalisant et comp�titif dans les domaines �conomique, technologique, de la communication et la culture est la condition n�cessaire pour le d�veloppement �galitaire de l'Am�rique latine.
Dans cette r�alit� qui s'impose � nous comme partie du projet d�mocratisateur/modernisant, on court le risque, ainsi que le signalent plusieurs auteurs, d'�tre �t�moins de l'apparition d'un ordre global fractur��; un ordre global, mais non int�gr�, qui met chacun de nous en contact avec tous, mais qui, simultan�ment, maintient de profonds ab�mes entre les individus et les groupes de personnes; qui g�n�re d'�normes opportunit�s de progr�s mais qui, en m�me temps, condamne � la s�gr�gation une grande partie de l'humanit� en l'emp�chant d'avoir acc�s aux b�n�fices. Autrement dit, le domaine d'analyse a cess� d'�tre �le pays� pour devenir �le monde�. Dor�navant, �tats et entreprises qui veulent prosp�rer devront accepter d'�tre subordonn�s � l'�conomie mondiale, montrant ainsi que les succ�s des politiques �conomiques internes sont indissociablement li�es � l'atteinte d'une position comp�titive � l'�chelle internationale. Cet �tat de fait est certainement le plus important et le plus surprenant dans la transformation de l'�conomie mondiale. (Drucker: 1987).
Si la participation au march� globalisant appara�t comme une condition de d�veloppement, celui-ci doit cependant impliquer un compromis �thique qui va au-del� du probl�me �conomique. Nous croyons que les droits de l'homme sont le paradigme �thique qui devrait accompagner la participation au march� globalisant. Par cons�quent, il y a une n�cessit� urgente de r�viser profond�ment plusieurs caract�ristiques discriminatoires que nous avons d�velopp�es historiquement dans nos pays par rapport � d'autres cultures. Par-dessus tout, il faut r�viser nos pratiques sociales afin d'�tablir un dialogue avec les citoyens de cultures, idiosyncrasies, traditions, religions et coutumes diff�rentes. Il faudra d�velopper un langage bas� sur la confiance r�ciproque et non sur la suspicion. Cela implique un changement profond dans nos attitudes. Entrer dans le monde globalis� signifie, aussi, entrer dans la multi et l'inter-culturalit�.
Incapacit� de reconna�tre l'Autre
Ce que nous venons de souligner renvoie � une des caract�ristiques qui a d�fini l'��tre� de l'Am�rique latine: la n�gation de l'h�t�rog�n�it� culturelle. Il y a, pour ainsi dire, une incapacit� de reconna�tre l'autre par une attitude d'ouverture, pour utiliser le concept gadam�rien d'alt�rit�*. L'autre -dans une perspective discriminatoire et homog�n�isante- a �t� instrumentalis� et utilis� � des fins servant les int�r�ts des groupes dominants. Cet �tat de fait existe depuis l'�poque de la conqu�te espagnole et a �t� renforc� par les mouvements d'ind�pendances, lesquels, inspir�s des id�es de libert� de l'Europe et de l'Am�rique du Nord, promettaient la cr�ation de soci�t�s �galitaires et non discriminatoires. Le discours �galitaire ne fut qu'un �cran afin de consolider les privil�ges que la r�cente �lite cr�ole r�clamait pour elle-m�me. Ces privil�ges se consolid�rent sur la base de la discrimination et l'exclusion des groupes n'ob�issent pas aux codes des groupes dominants.
Plus encore, on n'a pas seulement instrumentalis� l'Autre sur la base d'un discours dissoci�, mais on l'a rendu en m�me temps invisible. Dans un �lan homog�n�isateur, pr�textant la construction de l'unit� nationale et de l'�tat national, on a cach�, ni�, celui/celle qui �tait diff�rent, qui n'appartenait pas � ce que les Am�ricains appellent le �mainstream�. Rendre l'Autre invisible est peut-�tre un des m�canismes les plus violents de la discrimination (Magendzo:1994, 13-35). Il s'agit, en somme, que l'Autre oublie son appartenance � une identit� particuli�re et qu'il se plonge dans l'universel. De ce fait, on conceptualise l'immersion comme �tant un synonyme de progr�s. Il y a une soumission � la rationalit� instrumentale qui, selon les mots de l'�cole de Francfort (NDLR: �courant de pens�e qui a d�velopp� une th�orie critique inspir�e du marxisme et qui s'attaque � la raison techno-scientifique comme instrument de domination et d'ali�nation�. Voir: Sciences humaines, N� 69, f�vrier 1997.), est la raison qui fonctionne comme m�canisme de protection contre l'alt�rit�. C'est la logique de l'uniformit� par la domination et le contr�le et � laquelle il n'est pas possible d'�chapper. C'est le poids de la raison identifiante qui s'�ternise et se consolide � travers l'oppression du contradictoire, de la diff�rence, et par l'exclusion de toute analyse.
Perte d'identit�
Il existe en Am�rique latine une tension entre la modernit�, l'identit� culturelle et la discrimination qu'il n'est pas facile d'appaiser. L'exp�rience historique sur ce continent a montr�, souvent, qu'en progressant dans le processus de modernisation, les identit�s culturelles se sont affaiblies et ont m�me disparu et, simultan�ment, les pratiques discriminatoires ont augment� et se sont fortifi�es. La situation dans laquelle se trouvent notamment les populations autochtones et les paysans, �migrants de la campagne vers les grandes villes constitue une preuve dramatique de cette dynamique.
En effet, la domination espagnole et l'�vang�lisation, toutes deux vues comme des projets de �modernisation et de �globalisation� � l'�poque de la Conqu�te, commenc�rent par l'�limination physique et culturelle des populations aborig�nes qui habitaient ce continent. Rappelons que l'�glise catholique de l'�poque ne pouvait concevoir qu'une civilisation puisse exister en marge de son pouvoir politique et spirituel. Cet h�g�monisme refusait l'existence d'un pouvoir autonome s�par� de l'�glise; ainsi, les possessions de ceux qui n'embrassaient pas la foi chr�tienne �taient absolument ill�gitimes (Bustamante, F. Marzo: 1992). Le projet �globalisant�, �modernisant�, impliquant l'�limination d'identit�, a �t� d�nonc� � plusieurs reprises par des scientifiques, des �crivains et des membres de ces populations: "Pendant les trois si�cles de domination espagnole, la culture cr�ole et catholique s'impose par le sang, le feu, l'encens et les pri�res, souhaitant �liminer tout r�sidu culturel des vaincus ou, si possible, les enfermer dans les astuces du syncr�tisme" (Monsivais: 1994).
De la m�me mani�re, la situation que vivent les centaines de milliers de paysans qui s'approchent de la modernit� des grandes villes de l'Am�rique latine n'est rien d'autre qu'une des manifestations dramatiques de la tension � laquelle nous venons de faire allusion. Ce qui caract�rise ces populations, c'est la �m�tamorphose� et la �d�sidentit��. Le paysan urbanis�, mais jamais compl�tement int�gr�, presque fier de son exclusion et simultan�ment dramatiquement orphelin, maintient quelques-uns des traits typiques de son origine paysanne. C'est un �tre qui a perdu ses traditions et qui vit dans un contexte qui lui est toujours �tranger. Il a perdu son �me ancienne et dans son coeur ne r�sonnent pas encore les cadences modernes. C'est un �tre contradictoire et hybride dans lequel deux courants s'opposent: il se m�fie de lui-m�me, de la partie qui lui est �trang�re, des impulsions qui le dirigent dans des directions contradictoires (Bartra, 1987, pp. 129-134).
�ducation et discrimination
Un syst�me �ducatif qui regarde au dehors
Depuis l'aube de leur vie r�publicaine, les pays latino-am�ricains con�urent un type d'�ducation qui r�pondait aux besoins des classes dominantes, lesquelles regardaient plus vers l'ext�rieur que vers la r�alit� interne des pays � laquelle celles-ci appartenaient. Leur vision �tait g�n�ralement ethnocentrique et empreinte d'un puissant d�sir d'�mulation ext�rieure qui conditionnait les orientations �ducatives. Tout ceci engendra la construction d'une �offre� ferm�e et rigide de la part d'un �tat qui, au nom d'un pr�tendu bien commun, a favoris� culturellement et linguistiquement une seule des traditions qui le caract�risait: l'europ�ano-cr�ole. C'est pour cette raison que, dans plusieurs r�gions, furent invit�es d'abord des missions europ�ennes (allemandes, belges et fran�aises, entre autres) et, ult�rieurement, des missions et groupes am�ricains afin qu'ils les aident � d�finir leurs mod�les et leurs programmes d'enseignement et � former leurs enseignants. M�me si l'apport de ces missions fut important pour le d�veloppement de l'�ducation dans chacun de ces pays, il impliquait souvent l'importation de mod�les et de strat�gies con�us pour des situations socioculturelles diff�rentes, ou bien l'imposition de sch�mas id�ologiques et religieux ethnocentriques, souvent fondamentalistes et intol�rants(L�pez: 1994, 2).
N�gation de la diversit� culturelle
En Am�rique latine, l'�ducation a �t� la premi�re responsable de la transmission des sch�mas de repr�sentations symboliques qui correspondent � la culture des groupes dominants de la soci�t�. De cette fa�on, l'�ducation a communiqu�, perp�tu�, d�velopp� et impos� aux majorit�s un syst�me de conceptions, de connaissances et d'attitudes vis-�-vis de la vie, qui correspondent � un petit secteur de la soci�t� (Magendzo: 1986). Dans cette perspective, l'�ducation a ni� aux classes, sexes et localit�s qui composent les pays leurs caract�res distinctifs tant aux plans social, ethnique que religieux.
Ainsi, par exemple, le seul fait de nier, dans le curriculum, l'existence du savoir quotidien, du savoir sur sa propre identit�, du savoir populaire, etc, illustre bien cette attitude qui nie la diversit� culturelle. Ces savoirs n'ont pas leur place dans l'�cole; ils sont rel�gu�s, exclus. On affirme qu'il s'agit de savoirs primaires, primitifs, n�gligeables. Il y a un pr�jug� -tr�s enracin� dans la rationalit� positiviste- qui soutient que ce que les autres pensent, cr�ent, font et utilisent, repr�sente des fragments dispers�s, des arrangements pittoresques, des produits rustiques qui sont mis ensemble par hasard et sans la rigueur de la logique scientifique qui a fond� l'ordre et les diff�rences de la culture �rudite (Brandao:1983, p.85). De ce point de vue, il est impensable que n'importe quel objet existant puisse �tre soumis � une r�flexion: qu'il soit de l'ordre du football ou du politique, de l'�conomie ou de la sexualit�, de l'imaginaire ou du r�el.
On peut aussi observer la n�gation de la diversit� culturelle dans les programmes d'�tudes et les manuels scolaires. Ainsi, par exemple, les manuels de sciences sociales ignorent syst�matiquement l'apport historique des groupes minoritaires � l'�conomie, � la culture, � la soci�t�, et les luttes libertaires de ces pays. Quelques textes font croire aux enfants que les racines culturelles se trouvent exclusivement en Espagne et que les Noirs et les Autochtones sont des sauvages et des primitifs.
�galit� et qualit� de l'�ducation
La volont� de tous les pays de la r�gion de se doter d'un syst�me �ducatif �galitaire et de qualit� constitue, actuellement, une pr�occupation centrale. Il faut admettre que l'�ducation est maintenant plus accessible et qu'elle rejoignait, en 1990, presque 90 pour cent des enfants de 6 � 11 ans alors qu'en 1960, elle n'en touchait que 60 pour cent environ. Par ailleurs, d'autres informations d�montrent que le savoir est distribu� de fa�on disparate et in�gale dans la population scolaire.
Par ailleurs, les recherches montrent clairement que les r�sultats obtenus aux examens nationaux par les �l�ves des classes pauvres sont nettement inf�rieurs � ceux des �l�ves des classes moyennes et bourgeoises. De m�me, le rendement scolaire attendu pour les �l�ves des classes pauvres (les �l�ves de sexe f�minin, ceux de couleur, les enfants autochtones, etc.,) est de beaucoup inf�rieur � celui des �l�ves des classes moyennes ou �lev�es (les �l�ves de sexe masculin, les enfants de �race� blanche et vivant dans les villes), m�me si leurs coefficients intellectuels sont comparables.
Les diff�rences d'infrastructure (mobilier, cours, jardin, �clairage, biblioth�ques, espaces de loisirs,...) entre les �coles des quartiers pauvres et celles des quartiers ais�s ou riches sont abyssales; il en va de m�me en ce qui concerne la qualit� des enseignants et du mat�riel didactique, notamment. En outre, dans la majorit� des �coles de mon pays, il n'y a pas eu de d�veloppement d'une infrastructure appropri�e aux besoins des enfants et des jeunes handicap�s. Non seulement on ne facilite pas le d�placement de ces �l�ves dans les �coles (toilettes, descentes, barres, etc.), mais, en plus, il y a des obstacles et barrages qui constituent un v�ritable danger pour leur s�curit� physique. On peut affirmer qu'il en va de m�me pour les �l�ves aveugles ou sourds qui sont isol�s dans des �coles sp�ciales.
Discrimination de la population autochtone
La construction et l'implantation d'un mod�le �ducatif unique �national� a conduit � un processus de d�culturation. Les enfants et jeunes autochtones se sont trouv�s confront�s � une institution dont l'�conomie g�n�rale nie leur propre existence ainsi que celle de leurs connaissances et de leurs savoirs h�rit�s de leurs anc�tres. Pour beaucoup d'autochtones latino-am�ricains, l'�ducation sous-entend, encore aujourd'hui, un d�sapprentissage de leur propre culture et l'abandon partiel, ou total, de leur langue maternelle. Au lieu d'aboutir � un enrichissement culturel gr�ce � la comparaison et la confrontation de points de vues et � des visions du monde et des formes d'expressions diff�rentes, l'�ducation �homog�n�isante� contribue virtuellement � un appauvrissement cognitif, culturel et symbolique des peuples indig�nes, en formant des g�n�rations ali�n�es qui s'identifient � des valeurs �trang�res � leur propre culture d'origine. Ces valeurs peuvent les conduire � devenir m�me intol�rants par rapport � leurs propres racines. Ce type de processus que nous venons bri�vement de d�crire s'est accentu� en raison d'une plus grande et meilleure implantation des �coles dans les pays ayant une forte densit� de population autochtone.
En r�alit�, les �coles qui accueillent la population am�rindienne souffrent, plus que dans le reste des �coles des zones rurales, de sous-financement. Souvent, ces �coles n'ont qu'un seul enseignant. Malgr� des progr�s notables, aucun des pays de la r�gion n'a r�ussi � universaliser l'�ducation bilingue comme �tant la modalit� la plus ad�quate et la plus efficace pour instruire des enfants dont la langue maternelle est diff�rente de celle utilis�e comme langue d'enseignement
Discrimination de la femme
Le syst�me scolaire est un agent important de reproduction de la diff�renciation sexuelle.
Cependant, bien que l'�cole latino-am�ricaine ait ouvert ses portes aux filles comme aux gar�ons, le processus �ducatif, quant � lui, joue le r�le d'un m�canisme large et complexe qui continue de reproduire les in�galit�s entre les sexes.
Ver�nica Edwards, Beatriz Micheli y Soledad Cid (1992), dans une recherche ethnographique conduite dans des �coles secondaires du Chili, ont identifi� un ensemble de pratiques discriminatoires contre les filles. Dans la langue utilis�e par l'enseignant ou l'enseignante, on rep�re la pr�sence d'une discrimination qui favorise l'homme et rend la femme invisible. Les observations ethnographiques montrent que, malgr� l'active participation des filles, l'enseignant ne sollicite en g�n�ral que la participation des gar�ons. Une attention majeure est accord�e � ces derniers: on les stimule davantage � participer. Les auteures de cette recherche ont �galement observ� que, lorsque les enseignants s'adressent aux �l�ves, ils utilisent un langage qui nie la f�minisation des termes. Et en litt�rature, l'enseignant ne fera allusion qu'� des personnages masculins, l'unique personnage f�minin �tant La C�lestine, symbole d'immoralit�, d'ill�galit�.
L'analyse rev�le que tant les filles que les gar�ons n'ont aucune possibilit� d'�chapper aux st�r�otypes sexistes. Les gar�ons se retrouvent devant des possibilit�s d'un futur professionnel exceptionnel et illimit�; ils sont les ma�tres de la sph�re publique et du pouvoir. Les filles, par contre, peuvent seulement se pr�parer � devenir m�nag�res et m�res. Les hommes sont des personnages omnipotents et jouent les r�les les plus attractifs: ils �crivent l'histoire et dirigent le monde cependant que les femmes jouent leur r�le domestique, avec soumission et sacrifice. Elles ignorent la r�alit� des femmes qui ont des responsabilit�s professionnelles ou qui jouent un r�le importante dans la soci�t�.
En guise de conclusion
Depuis la perspective d'une �ducation � la d�mocratie dans la modernit�, il faut d�finitivement prendre conscience qu'il y a n�cessit� urgente d'abandonner le caract�re reproducteur des discriminations existantes. Il est impossible, � mon avis, de construire une d�mocratie et de s'ins�rer dans une �conomie ouverte et globalisante si l'on n'a pas la capacit� de comprendre et de dialoguer, sans pr�jug�s et sans m�fiances au sujet des identit�s et des idiosyncrasies diff�rentes des n�tres. Il y a n�cessit� urgente de reconna�tre l'Autre dans sa culture, dans sa rationalit�, dans son temps et dans son espace si l'on souhaite �tablir une communication d�mocratique. La modernisation de l'�ducation implique la volont� d'�radiquer les nids de discrimination qui subsistent dans les politiques �ducatives, dans les programmes d'�tudes, dans les pratiques �ducatives et dans la culture scolaire. Le respect de la diversit� sociale et culturelle appara�t comme une condition essentielle � la formation du citoyen moderne. Cela appelle au d�veloppement de comp�tences sociales, notamment la capacit� d'alt�rit� et de r�ciprocit�, de rationalit� cr�atrice de synergies interculturelles.
L'�cole repr�sente un lieu social important pour la construction du tissu interculturel et l'apprentissage du vivre-ensemble, d'o� l'imp�rieuse n�cessit� d'une volont� politique prenant r�solument parti contre la discrimination dans l'ensemble de la soci�t� comme dans le domaine de l'�ducation en particulier.
R�f�rences
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� CIFEDHOP 2008