Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix


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Les apprentissages transversaux dans le nouveau curriculum :
pour une formation intégrale de l'élève

(traduit de l'espagnol)


Par José Tuvilla Rayo

Ces dernières années ont été les témoins de réformes des systèmes éducatifs dans de nombreux pays. Plusieurs d'entre eux ont introduit dans le nouveau curriculum national la notion de compétences transversales. Dans les lignes qui suivent, l'auteur nous fait une description analytique de ces compétences et il nous en montre la contribution au plan de la formation personnelle et sociale des élèves.



Introduction

De nouveaux rapports au savoir

La notion de trasversabilité dans certaines réformes des systèmes éducatifs

-En Espagne
-En France et au Québec
-Les contenus transversaux dans la réforme argentine
-La réforme chilienne et les objectifs tranversaux fondamentaux

Transversalité et droits de l'homme

Conclusion

Notes

Références



Introduction

Les réformes actuelles des systèmes éducatifs entreprises par de nombreux pays ces dernières années ont introduit formellement dans le curriculum (l'ensemble des activités éducatives, au sens large du terme, c'est-à-dire: toutes les possibilités d'apprentissage que le milieu scolaire offre aux élèves), ce qu'il est convenu d'appeler les compétences transversales. Cette notion suscite des réflexions qui, somme toute, ne sont pas nouvelles aux plans des idées pédagogiques, de la didactique ou de la philosophie de l'éducation. Cependant, le fait d'insister sur la transversalité des apprentissages tend à exprimer une volonté de changement dans les pratiques éducatives ainsi que dans la représentation de l'éducation du futur citoyen, changement vu comme nécessaire aussi bien d'un point de vue théorique que pratique, compte tenu de l'évolution constante de nos sociétés. Mais il convient, par ailleurs, d'ajouter que le curriculum, dans l'ensemble, ne propose pas de définitions précises de ces compétences, de telle sorte qu'il est difficile d'en saisir toutes les dimensions et de mettre en pratique ces bonnes intentions.

Il semble cependant assez évident, du moins de prime abord, que la notion de transversalité confirmera, -fort heureusement- dans le contenu et le développement du curriculum, l'importance de la fonction morale et sociale de l'école aux prises avec la tension persistante qui oppose l'enseignement des connaissances à la formation personnelle et sociale des élèves. Selon Victoria Camps (1993, 11) «l'enseignement est nécessairement normatif. Sa fonction ne se limite pas à instruire ou à transmettre des connaissances, mais à intégrer les élèves dans une culture qui comporte plusieurs aspects: une langue, des traditions, des croyances, des attitudes, une façon de vivre. Le tout ne pouvant pas et ne devant pas se passer en dehors de la dimension éthique, qui est, sans doute, l'objectif final et le plus important, non pas de telle ou telle culture, mais de la culture humaine universelle». Et l'auteure ajoute «qu'éduquer signifie donc développer une personnalité, au sens le plus large qui soit, de façon à réaliser un processus de socialisation indispensable invitant à promouvoir un monde plus civilisé, critique en regard des problèmes actuels et engagé dans le processus moral des structures et des attitudes sociales».

L.Stenhouse (1997) écrivait, dans Proyecto Curricular de Humanidades que «Si l'éducation doit préparer pour la vie, il faut alors que les questions de valeurs fassent partie des contenus précis des cursus». Et pour illustrer sa pensée, il se demandait: «Comment les professeurs peuvent-ils traiter la question des valeurs d'une démocratie pluraliste dans leurs cours?». Il n'est pas aisé de répondre à cette question si l'on considère que les réformes entreprises dans l'enseignement doivent concevoir l'éducation en termes de valeurs et de citoyenneté, encore qu'il y ait d'autres paramètres à prendre en compte, tels que la réduction des budgets publics destinés à l'éducation, la réforme des programmes orientée vers une formation de base et fondamentale pour l'ensemble des élèves, l'amélioration de la qualité, ainsi que la diversification des parcours en formation professionnelle et ce, sans oublier les attitudes des élèves, les impératifs du marché, l'introduction des nouvelles technologies et la décentralisation des systèmes éducatifs (1).



De nouveaux rapports aux savoirs

Le terme de «transversalité» fait partie de la nouvelle conception du curriculum qui, face à la crise de la fonction normative de l'école qui visait des conduites formelles, neutres et susceptibles d'être généralisées, plaide pour un modèle dans lequel les programmes se constituent le long d'un axe qui structure des objectifs et des activités. Une conception soutenue, entre autres, par la théorie de l'apprentissage significatif, les apports du constructivisme et de l'influence de la rationalité communicative ou dialogique de Habermas.

Pendant longtemps, l'institution scolaire s'est trouvée presque exclusivement limitée à transmettre les connaissances scientifiques -ou techniques- dont les citoyens avaient besoin pour remplir les fonctions que la société attendait d'eux. Cela supposait que le savoir académique approprié découlait des connaissances scientifiques et était organisé à travers les différentes matières ou disciplines. Or, la pensée scientifique -dont l'apparente «neutralité» est en soi discutable- a évolué et a cessé de caresser l'illusion de posséder des vérités absolues. Sa mise en cause par une vision globale (2)

En fait, ni la science, ni l'éducation n'ont jamais été neutres. Par conséquent, l'école ne peut rester à l'écart des nouveaux courants dans le domaine de la philosophie des sciences et selon lesquels les théories scientifiques ne seraient que des modèles explicatifs partiels et provisoires de certains aspects de la réalité dans un contexte historique, social et culturel déterminé. Selon Montserrat Moreno(1993, 30) «Les thèmes proposés par la transversalité ménagent un trait d'union entre le monde scientifique et le quotidien, à la condition de se donner comme objectifs les thèmes qu'elle propose et, comme moyens, les différentes matières qui deviennent ainsi des instruments dont l'utilisation et la maîtrise nous mènent à des résultats clairement perceptibles».

La notion de transversalité dans certaines réformes des systèmes éducatifs

L'objectif de l'éducation est de contribuer à développer chez les élèves les capacités jugées nécessaires pour qu'ils puissent s'émanciper en tant que citoyens de pleins droits et de devoirs dans les société dans lesquelles ils vivent. Des capacités qui ne sont pas seulement en rapport avec les connaissances que fournissent les différentes matières et disciplines, mais aussi avec un certain nombre de questions transcendantes d'aujourd'hui et pour lesquelles la société demande une attention particulière. L'éducation, par conséquent, doit permettre aux élèves de comprendre ces problèmes cruciaux -dont la communauté internationale se fait l'écho- et de porter un jugement critique à leur égard, tout en les rendant capables d'adopter des attitudes et des comportements fondés sur des valeurs assumées de façon rationnelle, libre et responsable. C'est cette réflexion qui a entraîné de nombreux pays à entreprendre des réformes du système éducatif. Celles-ci participent sensiblement à la même représentation du curriculum où le concept de transversalité constitue un des éléments de base. Ce concept introduit des aspects nouveaux dans les programmes et, surtout, reconstruit et reformule ceux qui existaient déjà et cela, d'un point de vue interdisciplinaire et intégrateur.


En Espagne

Un des aspects les plus novateurs de l'actuelle réforme du système éducatif espagnol (3) consiste en la promotion d'une formation intégrale pour l'ensemble des élèves qui tient compte, de façon harmonieuse, des aspects intellectuel et moral, tout en favorisant le développement de la personnalité des élèves dans le contexte social dans lequel ils vivent. C'est ce qui transparaît dans la Loi organique du droit à l'éducation (LODE) du 3 juillet 1985, ainsi que dans la Loi organique d'aménagement général du système éducatif (LOGSE) du 3 octobre 1990. Ces deux lois ont pour but, entre autres: a) la formation dans le respect des droits et des libertés fondamentales, ainsi que dans l'exercice de la tolérance et de la liberté selon les principes démocratiques de vie en commun; b) la formation pour la paix, la coopération et la solidarité entre les peuples.

La réforme espagnole attribue deux fonctions à l'école: a) une fonction sociale (l'école fait partie d'une société déterminée et éduque pour cette société-làl); b) une fonction libératrice (l'éducation participe à la formation de citoyens qui seront capables de modifier les relations sociales existantes). Dans la proposition espagnole relative au curriculum on entend par «contenus scolaires» les programmes d'étude habituels, c'est à dire des «contenus conceptuels», mais aussi d'autres aspects qui ne figuraient pas dans les programmes antérieurs et qui ne sont pas pour autant moins importants, notamment des «contenus» qui sont en rapport avec les méthodes, les normes, les valeurs et les attitudes.

Cette tendance très claire de la réforme à humaniser l'école se concrétise dans l'actuelle conception du curriculum (Diseño curricular) sous une triple dimension: des contenus relatifs aux attitudes pour chaque «aire» du curriculum, quelques matières optionnelles et les parcours et thèmes transversaux. Ces derniers renvoient à l'ensemble des «programmes éducatifs de grande valeur qui répondent à un vrai projet de société et d'éducation, et qui, par conséquent, sont pleinement justifiés dans le cadre social dans lequel doit se développer l'éducation», et ils s'intéressent aux «aspects particulièrement importants pour le développement de la société, notamment la consommation, l'égalité, la paix, l'environnement, la santé, ...»(DCB, 1989). Cette approche englobe l'éducation morale et civique, l'éducation à la paix, l'éducation pour l'égalité des chances des deux sexes, l'éducation à la santé, l'éducation sexuelle, l'éducation à l'environnement, l'éducation du consommateur et l'éducation piétonnière. Il convient, par ailleurs, de souligner que certaines Communautés Autonomes utilisent leur grande marge de manoeuvre décisionnelle en éducation pour ajouter d'autres thèmes transversaux ou pour les orienter d'un point de vue international, comme c'est le cas en Andalousie dans le cadre des Décrets sur l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire.

Cette conception humaniste du nouveau curriculum, qui introduit des problèmes sociaux à travers les thèmes transversaux suppose, dans la pratique, que le système éducatif, outre sa fonction de formation scientifique, consente à reconnaître la dimension éthico-morale de l'enseignement. Souvent, ce sont des situations problématiques d'un point de vue social qui déterminent ces thèmes et qui deviennent prioritaires par rapport au pourquoi d'une éducation conçue en termes de valeurs et qui vise le développement intégral de la personne. D'un autre côté, ces thèmes permettent de définir l'identité d'un établissement scolaire eu égard à son projet éducatif. Et pour que ces thèmes puissent se développer, il faut que l'école collabore et soit en relation avec son entourage. Finalement, ces thèmes doivent être présents dans l'ensemble du processus éducatif. De façon générale, ils présentent les caractéristiques suivantes:

° la plupart des thèmes transversaux traitent de questions qui touchent différentes matières et sont complémentaires l'un à l'autre;

En France et au Québec

Dans le système français, les compétences transversales concernent les domaines du développement d'attitudes, de la construction et de la maîtrise de concepts fondamentaux et la capacité de recourir à de bonnes méthodes de travail. Les attitudes dont il est question sont celles qui aident au développement de la personnalité, à l'acquisition de l'autonomie et à l'apprentissage de la vie sociale, comme la responsabilité, le respect des règles, la tolérance, la coopération, l'accueil, la sensibilité esthétique, entre autres. Les compétences qui servent à construire des concepts fondamentaux, tels ceux du temps et de l'espace, impliquent le fait qu'elles doivent être présentes dans toutes les activités de l'école. Enfin, en ce qui a trait aux compétences méthodologiques, il faut signaler la culture de la mémoire, l'acquisition de méthodes de travail et et le traitement de l'information.

Le rapport des experts qui ont élaboré le cadre de la réforme du curriculum québécois montre un lien de parenté de pensée avec l'approche française. La transversalité est également présentée comme un ensemble de compétences en rapport avec des attitudes et des valeurs. C'est une réponse au reproche que l'on fait à l'école de «se concentrer trop exclusivement sur la transmission des savoirs disciplinaires, et d'oublier par le fait même des approches transversales qui «doivent être présentes dans toutes les activités de l'école, disciplinaires ou non disciplinaires, et qu'elles doivent être promues par tout le personnel de l'école. Elles ne peuvent être laissées à la discrétion de chaque éducateur, puisque, à notre avis, elles font partie des apprentissages essentiels et donc du bagage de formation offert à tout jeune par l'école» (Réaffirmer l'école, 1997, 32). Le développement de ces compétences transversales «doit se faire à travers les apprentissages des différentes matières, et que ce développement est l'affaire de tous, de tous les enseignants et enseignantes, mais aussi de l'école tout entière, et qu'il peut inspirer le projet éducatif et la mise en place d'activités extrascolaires» (p. 55). Ces compétences se décomposent de la manière suivante: 1) intellectuelles; 2) méthodologiques; 3) de socialisation; 4) linguistiques. Toutes quatre renvoient à l'ensemble des activités d'enseignement, aux services complémentaires et aux activités parascolaires. Elles permettent également d'aborder des thèmes dont l'école d'aujourd'hui ne peut faire l'économie: éducation à la consommation, éducation à la santé, éducation relative à l'environnement, éducation à la citoyenneté, éducation aux médias, information scolaire et professionnelle, éducation interculturelle, compréhension internationale, nouvelles technologies de l'information et des communications.

Indépendamment des controverses ou des débats que peut soulever le choix de classification des compétences ainsi que les difficultés et obstacles que toute réforme entraîne, il est intéressant de faire observer que la transversalité, telle que présentée dans les réformes française et québécoise, renvoie à la dynamique de l'apprentissage et s'inscrit dans l'ensemble du processus éducatif.

Les contenus transversaux dans la réforme argentine

En Argentine (4), par exemple, l'Accord Marco, numéro 8, définit comme transversaux «tous les programmes qui contiennent des demandes et des problématiques sociales, communautaires et/ou de travail qui soient en rapport avec des sujets, des méthodes et/ou des attitudes d'intérêt général. Leur traitement exige l'apport de différentes disciplines et d'une logique en spirale, étant donné qu'ils peuvent être abordés à différents niveaux de complexité et d'approfondissement, selon les connaissances préalables, les centres d'intérêts et autres questions que ne peuvent être précisées qu'en fonction de chaque établissement d'enseignement». Dans ce même Accord, on ajoute que «les contenus transversaux sont clairement spécifiés dans le «Diseño Curricular», même si le travail se déroule ensuite selon des horaires prévus pour des ateliers interdisciplinaires ou autres genres d'activités, ou bien à travers des projets spéciaux».

Le pourquoi de ces contenus transversaux est expliqué dans la Loi fédérale de l'éducation (Loi 24.195); l'article 6 de cette loi concerne particulièrement la demande personnelle et sociale d'éducation: «Le système éducatif visera la formation intégrale et permanente de l'homme et de la femme avec une vocation nationale, une projection régionale et continentale et une vision universelle, pour qu'ils se réalisent pleinement dans les domaines culturel, social, esthétique, éthique et religieux, selon leurs capacités et guidés par les valeurs, telles que la vie, la liberté, le bien, la vérité, la paix, la solidarité, la tolérance et la justice. Ils seront capables d'élaborer leur propre projet de vie. Ils seront des citoyens responsables, protagonistes critiques, créateurs et agent de changement, à travers l'amour, la connaissance et le travail. Ils deviendront des défenseurs des institutions démocratiques et de l'environnement». Les valeurs telles que la vie en commun, la solidarité, la liberté, l'amour, le respect de la vie, le respect des différences, la paix, la justice, doivent être encouragées à tout moment dans la vie quotidienne de l'école à travers les différents programmes et activités proposés par le nouveau curriculum. Bien que cela fasse déjà systématiquement partie du programme de formation en éthique et en matière de citoyenneté, d'autres domaines de travail apportent également de nouvelles expériences qui favorisent l'apprentissage de ces valeurs. Selon les principes et critères de l'éducation cités dans l'article 5 de la Loi fédérale N° 24.195, trois axes sont proposés: 1) la citoyenneté; 2) la santé; 3) l'environnement. à l'intérieur de ces axes, on peut inclure d'autres sujets, tels que la démocratie, la paix, la non-discrimination, la consommation, le travail, l'éducation sexuelle, etc.



La réforme chilienne et les objectifs transversaux fondamentaux

Les objectifs transversaux fondamentaux sont exposés dans la Loi organique constitutionnelle sur l'enseignement (LOCE), promulguée en 1990, et s'inscrivent dans le cadre des orientations relatives à une formation générale de qualité pour tous, énoncées par la Commission nationale pour la modernisation de l'éducation (5). Celle-ci demande, entre autres, que l'enseignement secondaire (Educación Media) soit orienté principalement vers «la formation de la personnalité en termes d'attitudes et de valeurs».

Les objectifs transversaux fondamentaux contribuent de façon significative, à travers tous les secteurs que comprend le curriculum, au développement de la pensée créatrice et critique, à la formation éthique et à l'éducation aux valeurs, au renforcement du processus de développement et d'auto-affirmation personnelle cependant qu'ils insistent sur la manière dont une personne établit des liens avec d'autres êtres humains et le monde.

Les objectifs transversaux fondamentaux proposés pour l'enseignement secondaire, ainsi que ceux formulés pour l'enseignement primaire (Educación Básica, Décret Suprême, N°40) renvoient aux objectifs généraux de l'éducation, c'est-à-dire aux connaissances, facultés, attitudes, valeurs et comportements que l'on veut que les élèves développent d'un point de vue personnel, intellectuel, moral et social. Il s'agit d'objectifs formulés dans le curriculum et qui s'adaptent, d'un point de vue pratique, aux caractéristiques de l'élève pour chaque niveau d'études. D'un autre côté, ils renforcent les objectifs de formation générale et commune du système éducatif; ils mettent également en lien les différentes composantes disciplinaires du curriculum et tiennent compte des caractéristiques propres à la jeunesse. Ils introduisent aussi, dans l'enseignement secondaire, un champs spécifique qui couvre les technologies informatiques.

Bien que ce soit le Ministère de l'éducation qui, à l'échelle nationale, détermine les objectifs et les contenus minima des programmes d'études obligatoires, les différents établissements scolaires ont la liberté de définir leurs propres projets et programmes éducatifs locaux. Les objectifs transversaux fondamentaux se concrétisent, pour l'enseignement obligatoire et secondaire, aussi bien dans les domaines du développement personnel que dans celui de l'éthique dans les créneaux suivants: ° le projet éducatif de chaque établissement; ° les objectifs fondamentaux et programmes minima du curriculum; ° la pratique de l'enseignement; ° l'organisation scolaire et les relations humaines; ° la qualité de la vie scolaire en général; ° les activités spéciales; ° la discipline et l'exemple quotidien que donnent les enseignants, la direction de l'établissement et le personnel de l'administration.

Transversalité et droits de l'homme

Le concept de transversalité présente les caractéristiques suivantes: ° il témoigne d'une préoccupation pour les problèmes sociaux; ° il établit un lien entre l'école et la vie; ° il pose l'éducation aux valeurs en termes de défi; ° il développe une vision sociale critique (Rafael Yus, 1997, 100-106); ° il correspond à un nouveau paradigme éducatif (Rodríguez Rojo, 1995); ° il repense le discours sur la connaissance globale et interdisciplinaire, ainsi que sur l'éducation éthico-morale (Carbonell, 1991,8); ° il propose un nouveau point de vue face aux différentes disciplines et matières du curriculum. Dans cet esprit, la tranversalité est, sans aucun doute, un des concepts les plus novateurs des réformes actuelles des systèmes éducatifs. Elle représente aussi l'élément de base de ce que l'on appelle l'«éducation globale», qui se traduit par l'intérêt particulier que l'on prête à la «globalisation» de la culture, à l'éducation intégrale de la personne, à l'organisation démocratique de l'école et à la prise en compte des problèmes sociaux et environnementaux dans l'enseignement(Yus, 158).

Par ailleurs, les nouveaux contenus de programmes, objectifs ou thèmes proposés semblent traduire la volonté d'inscrire le curriculum dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme. étant donné que l'objectif essentiel de l'éducation est le développement intégral de la personne, les nouvelles politiques éducatives ne peuvent pas ignorer les valeurs concernant les droits de l'homme et doivent, en conséquence, les refléter dans leur globalité. Et ceci pour plusieurs raisons. La première, c'est que les droits de l'homme représentent une «éthique du consensus» qui gère la vie commune entre les personnes, qu'elles soient d'une même culture ou de cultures différentes. C'est pour cela que les droits de l'homme doivent faire partie du monde de l'éducation, puisque ce sont des éléments de base qui permettent la connaissance de l'apprentissage social. Deuxièmement, les droits de l'homme sont la base d'une culture démocratique fondée sur trois valeurs éthiques essentielles: la liberté, le débat -ou dialogue-, et la participation. Troisièmement, les droits de l'homme sont les principes de base qui doivent orienter le curriculum, la pratique pédagogique et l'organisation scolaire. Et, en dernier lieu, comme je l'ai déjà soutenu dans d'autres ouvrages (6), les droits de l'homme sont des éléments qui font partie de l'éducation au sens large et de l'éducation à la paix en particulier. Ils peuvent donc être non seulement les guides qui nous permettent de prendre la mesure des problèmes mondiaux à travers les thèmes transversaux, mais aussi un moyen d'utiliser les connaissances scientifiques et technologiques dans une perspective nouvelle.

Conclusion

Nous pouvons dire que les droits de l'homme sont la base d'une vie en commun et qu'on doit en tenir compte pour l'éducation morale, sans oublier qu'ils n'ont pas uniquement une dimension éthique, mais aussi philosophique, sociale et juridique.

Il faut ainsi accepter la tension que la transversalité provoque dans les systèmes éducatifs, aussi bien dans la méthodologie que dans les programmes. Il faut comprendre cette tension en tant que dynamique positive qui permet aux élèves de porter un jugement sur l'organisation de la société, de réfléchir sur les structures qui favorisent l'égalité dans les relations sociales et de construire l'avenir du monde.



Notes

(1). Voir l'analyse de Jean Hénaire: «L'école du XXIème siècle: Nouvelles politiques éducatives: quelques enjeux pour la démocratie», in: Les dossiers du CIFEDHOP, Genève, 1997. En complément de lecture, nous renvoyons le lecteur au rapport publié sous la direction de Jacques Delors(1996) et intitulé: L'éducation, un trésor est caché dedans. Santillana, Madrid: Unesco. Retour au texte

(2). L'ouvrage rassemble les interventions du Colloque de Tokyo(1996) . Il est publié sous le titre de La Mutation du Futur. Paris: Albin Michel. Retour au texte

(3). Pour une meilleure compréhension des thèmes transversaux: Ministerio de Educación y Ciencia(1993): Temas Transversales y Desarrollo Curricular. MEC, Madrid; María Victoria Reyzabal(1995). Les axes transversaux, apprentissage pour la vie, Madrid:Escuela Española; Rafael Yus(1996). Thèmes transversaux: vers une nouvelle école. Barcelone: Editions Grao; AA.VV.(1997). Education aux valeurs et transversales du curriculum. Almería: CEP. Retour au texte

(4). Sur la réforme argentine, voir: Autour de la transversalité des contenus, un texte préparé par l'équipe de Direction générale de la recherche et du développement éducatif du Ministère de la Culture et de l'éducation, présenté dans le cadre du VIe Séminaire fédéral de coopération pour l'élaboration de «Diseños Curriculares Compatibles», Chapadmala, octobre 1997. Voir aussi: Contenus de base communs pour l'éducacion, Ministère de la Culture et de l'éducation; Daniel López. Formation éthique et de la citoyenneté, La Obra, N° 8, Août 1995, Buenos Aires. Retour au texte

(5). Voir deux publications du Ministère de l'éducation: Programmes des études de première et deuxième années de l'enseignement primaire.. Santiago de Chile, 1996;Objectifs fondamentaux et contenus minima obligatoires de l'éducation secondaire, consultation nationale sur le nouveau curriculum. Santiago de Chile, 1997. Retour au texte

(6). Voir: Tuvilla, José.(1996). Pour une approche globale des valeurs en cause: droits de l'homme et éducation à la paix.Thématique, N° 4, 101-117, Genève: Cifedhop. Quelques autres ouvrages portant sur l'éducation globale, l'éducation à la paix et aux droits de l'homme et les compétences transversales: Droits de l'homme: proposition d'éducation pour la paix fondée sur les droits de l'homme et des enfants (1993). Séville: Consejería de Educación; éduquer aux droits de l'homme(1995).Madrid:CCS; éducation pour la paix et les droits de l'homme. Proposition de curriculum(1997). Séville:Consejería de Educación y Ciencia; L'éducation à vocation internationale. Vers une perspective globale de l'éducation aux droits de l'homme et à la paix, in: Education aux valeurs et thèmes ransversaux du curriculum. Almería: Centre des enseignants. Retour au texte




Références

Camps, V. (1993). Les valeurs de l'éducation. Madrid: éditions Alauda/Anaya.

Carbonell, J.(1994). L'invention du classique. Cahiers de Pédagogie, n°227, juillet/août, Barcelone.

DBC.(1989). Diseño Curricular Base. Madrid: Ministère de l'éducation.

Gouvernement du Québec.(1997). Réaffirmer l'école. Rapport du groupe de travail sur la réforme du curriculum. Québec: Ministère de l'éducation.

Habermas, J.(1986). Morale et communication. Paris:Cerf.

Moreno, M.(1993). Les thèmes transversaux. Un enseignement qui regarde de l'avant. In: Les thèmes transversaux: clés pour la formation intégrale. Madrid: éditions Santillana.

Rodriguez, R.M.(1995). L'éducation pour la paix et les relations interculturelles comme thème transversal.. Barcelone: éditions Oikos-Tau.

Stenhouse, I. (1997). Culture et Education. Séville: MCFP.

Yus Ramos, R. (1997). Vers une éducation globale à partir de la transversalité. Madrid:Alauda/Anaya.


 

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