Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix


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Quelques tensions dans la formation du citoyen

Par Juan Carlos Tedesco

Les changements en cours
-Mode de production et organisation du travail
-Nouvelles technologies de l'information et des communication
-La citoyenneté, demain


Construction de l'identité
-L'articulation entre le stable et le dynamique
-Le bien propre et celui d'autrui
-Identité et aptitude aux choix

Quelle école pour le futur
-Une école qui socialise
-Une école qui éduque au sens critique à la communication
-Une école sans exlusive

Notes
Références

L'auteur observe que les changements auxquels sont aux prises nos sociétés interpellent profondément la fonction éducative de l'école. Ne pouvant faire l'économie de ces transformations à l'échelle mondiale, l'institution scolaire se doit cependant d'entre prendre la mesure à l'aune d'un projet démocratique capable d'assurer à tous sans exclusives les bases d'une citoyenneté libre et responsable.


Les changements en cours


Le débat sur la formation du citoyen ne peut avoir lieu de manière abstraite. Il faut, au contraire, le situer dans un moment historique et dans un contexte social précis. S'il s'agit de le discuter dans le moment historique que les sociétés occidentales, en particulier, traversent actuellement, il est nécessaire d'admettre comme point de départ que nous nous trouvons au tournant de changements importants et de transition vers des formes d'organisations sociales différentes de celles que nous connaissons. L'énorme étendue des mutations qui s'annoncent -société de l'information, société post-capitaliste, etc.-, rend impossible un résumé de toutes leurs caractéristiques. Il existe, cependant, quelques lignes centrales qui préconfigurent la société du futur et qui constituent les bases sur lesquelles une certaine réflexion peut avoir lieu.



Mode de production et organisation du travail

La rapidité et la profondeur de la transformation technologique, tout comme la globalisation et la compétence exacerbée en vue de la conquête des marchés, modifient les schémas de la production et ceux de l'organisation du travail. Il y a, comme cela a toujours été le cas en ce qui concerne le système capitaliste, deux versions différentes de l'évolution du processus de production. Une version qui met l'accent sur la capacité de transformation du capitalisme et l'autre, au contraire, qui souligne sa capacité de destruction.

Mais ce qu'il y a de nouveau dans le processus de transformation actuel, c'est le rôle que jouent le savoir et l'information, tant en matière de production que de consommation. Le changement fondamental serait, dans ce sens, le passage d'un système de production pour la consommation de masse à un système de production pour la consommation diversifiée. Les nouvelles technologies fondées sur l'informatique permettent la production en petites quantités d'articles toujours mieux ciblés sur des clientèles différentes. Ainsi apparaît l'idée de fabrication flexible, adaptable à un marché changeant tant en volume qu'en spécifications, qui s'exprime -au niveau du personnel et de l'organisation de la production- par les notions de polyvalence, d'équipes à objectifs multiples, de fabrique à produits multiples, et où la capacité du personnel à travailler en équipe et à s'adapter à des conditions et à des exigences mouvantes sont valorisées.

Mais outre la flexibilité, la production moderne exige une distribution différente de l'intelligence. Le taylorisme et le fordisme de la production en masse impliquaient une hiérarchie pyramidale de l'organisation du travail, dans laquelle la créativité et l'intelligence étaient concentrées au sommet, alors que le reste du personnel devait exécuter mécaniquement les instructions reçues. Les nouvelles formes d'organisation productive exigent, au contraire, une organisation plus horizontale et ouverte, accordant un grand pouvoir de décision aux unités locales et misant sur une distribution de l'intelligence beaucoup plus homogène. Le concept de «qualité totale», vulgarisé par les théories modernes de la gestion d'entreprise, engendre la nécessité d'introduire l'intelligence dans toutes les phases du processus de production.

L'innovation et l'amélioration permanente sont devenues une nécessité des entreprises modernes. Le cycle de vie des produites se raccourcit de plus en plus, ce qui nécessite un renouvellement constant des modèles. Il n'y plus d'optimum fixe, ce qui force à une stimulation de la formation permanente et de la créativité du personnel, ainsi qu'au travail en équipe, à l'association avec les autres secteurs, entreprises ou unités porteuses d'information et de connaissances indispensables au processus d'innovation.

Les études sur le fonctionnement réel des entreprises montrent que ces tendances vers l'innovation permanente, vers la flexibilité interne et la rupture des catégories figées contiennent, cependant, un important potentiel de destruction. Le renouvellement constant engendre une grande instabilité interne qui érode les possibilités de travail en équipe; les exigences de la compétitivité sont, souvent, des exigences à court terme qui réduisent les chances d'adopter des décisions stratégiques et, qui plus est, du point de vue social, les nouvelles conditions de production ont un potentiel d'exclusion très significatif.

En résumé, dans le cadre des modèles actuels d'organisation sociale, le système de production fondé sur l'utilisation intensive des connaissances ne peut permettre qu'à une minorité de travailleurs de se réaliser personnellement pleinement. Cette minorité pourrait avoir des garanties de sécurité de l'emploi, à condition qu'elle soit totalement disposée à se reconvertir et à s'identifier avec les exigences de l'entreprise. Mais l'atteinte de ces objectifs pour une minorité entraînerait la création de conditions d'insécurité profonde pour le reste des forces laborieuses(Gorz, 1988).


Nouvelles technologies de l'information et des communications

Les changements, dans la société actuelle, sont étroitement liés aux nouvelles technologies de l'information. Ces technologies ont un impact important non seulement sur la production de biens et de services, mais également sur l'ensemble des relations sociales. L'accumulation d'informations, la rapidité de leur transmission, le dépassement des limites spatiales, l'utilisation simultanée des médias multiples (image, son, texte) sont, entre autres, les éléments qui expliquent combien ces nouvelles technologies sont fertiles en changement. Leur utilisation requiert la modification de concepts de base comme ceux du temps et de l'espace. La notion même de réalité commence à être repensée, compte tenu des possibilités d'élaboration de réalités «virtuelles» qui posent des problèmes de nature épistémologique inédits et interpellants.

Bien que seule une conception technocratique puisse envisager de faire reposer les fondements de la nouvelle société sur les technologies de la communication, en tant que technologies, il est indéniable que leur évolution a des effets puissants sur nos schémas de comportement. Neil Postman(1982), dans son ouvrage sur la disparition de l'enfance, cite une hypothèse de Harold Innis qui résume de façon appropriée la dimension de ces changements. Selon Innis, l'évolution des technologies de la communication a, invariablement, trois sortes d'effets: elle modifie la structure des intérêts (les objets de la pensée), le caractère des symboles (les auxiliaires de la pensée) et la nature de la communauté (le milieu dans lequel s'organise la pensée).

L'invention de l'imprimerie et ses impacts sont, par exemple, très similaires à ceux dont on fait actuellement état avec l'invention des moyens audiovisuels. En deux mois, Rabelais a vendu plus d'exemplaires de Gargantua que ne s'étaient vendus d'exemplaires de la Bible en dix ans. L'imprimerie a changé non seulement l'attitude des auteurs, mais également celle des lecteurs. Avant cette invention, la lecture des ouvrages était un acte collectif. En revanche, l'apparition du livre imprimé a permis de créer une nouvelle tradition: celle du lecteur seul et de sa lecture privée. Bien que le livre imprimé ait élargi de façon significative l'accès au savoir, il a également érigé une barrière importante: l'exigence de la maîtrise des codes de la lecture pour accéder aux informations les plus importantes. Dans ce sens, les nouveaux moyens de communication sont en train de modifier les bases de notre culture fondée sur la lecture. Un des éléments les plus importants de ces modification consiste, précisément, en la diminution de l'importance de cette barrière et bien que les conséquences de ce changement ne soient pas encore très claires, leur ampleur ne peut être sous-estimée.



La citoyenneté, demain

Les changements du processus productif et des relations sociales qui découlent de l'utilisation des technologies de l'information ont un impact direct sur la vie politique. La fin de la démocratie, la démocratie virtuelle ou, plus prudemment, la question sur ce qu'est la démocratie, ou quelle sera la formule politique par laquelle s'exprimera cette nouvelle réalité sociale et économique, est aujourd'hui au premier plan des débats sur les formes de participation du citoyen du futur. Les identités politiques traditionnelles, fondées essentiellement sur la position de chaque acteur dans le processus de production, s'affaiblissent. Les frontières nationales s'estompent et les domaines d'action du citoyen tendent soit vers une citoyenneté sans frontières soit à se limiter au plan local.

 



La construction de l'identité

Les transformations des structures sociale, politique et culturelle ont érodé les bases sur lesquelles se construisent les identités. Les identités professionnelles, en raison de la prédominance de l'économie de services et de la nécessité de reconversion permanente, ont considérablement affaibli les identités qui étaient fondées sur la place occupée dans le processus de production et elles ont, en conséquence, également affaibli les identités politiques et idéologiques liées à l'appartenance de classe. Les analyses en fonction de la classe sociale ont fait place aux analyses en fonction de la personne, de l'individu comme sujet social. La crise des identités politiques et de la représentation politique a eu pour conséquence la crise de l'état et de toutes les formes d'expression de l'intérêt général. Qui garantit aujourd'hui l'intérêt général? Qui peut prendre des décisions à long terme? Qui s'engage pour une vision de la société allant au-delà des intérêts individuels ou sectoriels? La disparition de toute forme de réglementation fondée d'une certaine manière sur le concept de fins ultimes, du sens dans lequel devait s'orienter l'action sociale, rend la construction de l'identité plus complexe et plus difficile.

Quels sont les éléments les plus importants qui interviennent dans le processus de construction de l'identité? Il est impossible de prétendre donner une réponse exhaustive à cette question. Mais à titre indicatif, j'aimerais simplement en énumérer quelques-uns et leurs principaux composants.



L'articulation entre le stable et le dynamique

En premier lieu, la construction de l'identité présuppose d'établir tant au niveau social qu'individuel, une articulation déterminée entre le stable et le dynamique, entre un noyau «dur» et un ensemble «souple» de valeurs et de règles de conduite. La crise de la modernité paraît avoir réduit au minimum le cadre du stable, du «dur». En revanche, ces phénomènes ne provoquent pas de façon automatique et linéaire un élargissement du cadre de la liberté. La perte des éléments stables ou, autrement dit, la perte des points de référence, peut fréquemment entraîner, au contraire, un renforcement irrationnel de la demande de limites et de règles fixes. Les questions cruciales que ces situations impliquent sont, par exemple: combien de stabilité est nécessaire au changement? quelle confiance devons-nous avoir dans nos propres valeurs pour être tolérants? quel est le degré d'individualisme nécessaire pour être solidaire? combien de répétition faut-il pour être créatif?

Nous, les éducateurs, effectuons généralement une extrapolation directe entre l'objectif à atteindre et le processus pour le faire. La psychologie évolutive nous enseigne, au contraire, que pour atteindre certains résultats par des étapes déterminées, il faudra passer par l'expérience opposée. Les pratiques autoritaires généralisées des systèmes éducatifs nous ont rempli d'une méfiance totale envers les exigences des modèles de conduite immuable. Toutefois, il serait utile de se référer à nouveau à quelques-unes des conclusions des psychologues qui ont étudié les processus de construction des catégories morales et leurs liens avec les phénomènes de violence et d'autoritarisme. à ce sujet, par exemple, une des critiques les plus sérieuses faites aux actions pédagogiques traditionnelles est que l'éducation a cherché à dépasser le problème de la violence en éliminant son thème même des actes scolaires. Comme l'a dit un important psychologue contemporain, rien, dans l'éducation de nos enfants et adolescents, ne les a préparés à maîtriser leur violence parce qu'elle a été niée dans leur scolarité. Notre culture a cela de particulier qu'elle stimule un esprit extrêmement compétitif, favorise les sentiments agressifs qui exitent la rivalité, mais fait de l'agressivité elle-même un tabou. Nous sommes habitués à condamner les actes de violence si fréquents dans les moyens de communication de masse, mais ce qui nous manque en réalité, tant dans nos systèmes éducatifs que dans les médias, c'est la promotion de modèles de comportement satisfaisants vis-à-vis de la violence(Bettelheim, 1979).



Le bien propre et celui d'autrui: l'identification de la frontière

En deuxième lieu, la construction de l'identité présuppose l'identification du «différent». L'identification d'une frontière, à un moment où la mondialisation de tous les domaines de la vie sociale se généralise, peut paraître un contresens ou une aspiration rétrograde, contraire à l'idéal éducatif de compréhension internationale et de tolérance. Cependant, l'idéal de tolérance et de compréhension n'implique pas tant la disparition des frontières que la disparition de la conception de «l'autre», du «différent», comme un ennemi. Les dangers que comporte une version ingénue ou «angélique» de l'éducation sans frontières sont de voir la définition de l'identité s'établir suivant des modèles rétrogrades, défensifs et traditionnels, dont les expressions actuelles sont les diverses formes de néo-communautarisme fanatique qui se répandent dans plusieurs régions ou la mainmise sur l'éducation par une élite -qu'elle soit financière ou technocratique- isolée du reste de la population. En plus de franchir les frontières géographiques, la globalisation a érodé les liens traditionnels de solidarité sans toutefois parvenir à donner naissance à d'autres formes de cohésion aussi solides.

La rupture des liens traditionnels de solidarité provoque de nouvelles formes d'exclusion, de solitude, de marginalité. Mais elle engendre aussi de nouvelles formes d'association dont les valeurs ne sont pas forcément positives du point de vue du développement individuel et social. Nous assistons actuellement, à la base de la société ou dans les secteurs exclus, à des phénomènes qui établissent l'intégration et la protection de leurs membres sur des valeurs d'intolérance, de discrimination et d'exacerbation des particularismes du système. Au sommet, les élites qui participent à l'économie supranationale font courir le risque que leur propre manque d'intérêt pour la nation induise dans les autres secteurs de la société un sens des responsabilités très provincial, un esprit de clocher qui n'ira pas au-delà du simple voisinage. La solidarité devient une exigence pour la survie de tous.

L'optimisme généralisé d'il y a quelques années à l'égard de la construction d'entités politiques supranationales, comme l'Union européenne, par exemple, est rapidement retombé. Les difficultés ne doivent cependant pas signifier un retour à une situation précédente. Si l'état-Nation ne peut pour autant conserver sa forme traditionnelle, il ne peut non plus être effacé rapidement et facilement. Dans une perspective éducative, la question se pose de savoir comment promouvoir une identité nationale qui s'articule de façon cohérente avec l'ouverture et le respect envers les autres, envers les différents. Dans ce sens, le débat européen sur la construction d'un concept de citoyenneté fondé sur une communauté de nations a permis de saisir l'importance de la «rupture cognitive» qu'entraîne le dépassement du concept de citoyenneté fondé sur l'état-Nation. Le problème fondamental signalé en relation avec ce processus est chez la majorité des citoyens l'«absence d'expérience» de ce que pourrait constituer une citoyenneté européenne. D'après ce diagnostic, la construction politique serait beaucoup plus avancée que l'expérience collective, ce qui expliquerait la distance importance qui existe actuellement entre les élites et l'opinion publique dans la manière de percevoir ce processus(Wolton, 1993).

Dans ce contexte, il paraît opportun de se faire l'écho de l'appel de certains intellectuels concernant les dangers du nationalisme outrancier. Selon ces auteurs, l'intégration dans une entité élargie ne sera possible que si elle se fonde sur une identité culturelle solide et sûre. La confiance en soi constitue, de ce point de vue, un fondement central de n'importe quelle stratégie d'intégration et de compréhension de «l'autre». La peur, l'insécurité, la dévalorisation de soi-même ne peuvent, en aucun cas, être la source d'une culture nouvelle du citoyen(Le Monde des débats, 1992).



Identité et aptitude au choix

Nous savons tous qu'une des caractéristiques centrales de la vie démocratique consiste à exiger du citoyen, pour résoudre un problème, qu'il exerce son aptitude à choisir entre diverses options possibles. Mais les conditions de la vie moderne ont provoqué une augmentation notable des domaines dans lesquels un citoyen doit prendre des décisions et de la gamme des options qu'il doit accepter comme légitimes. De ce point de vue, la démocratie, en tant qu'exercice de l'aptitude à choisir, a largement dépassé le simple cadre du choix des options politiques. à cet égard, il est important de signaler un phénomène qui a une répercussion directe sur notre compréhension des attitudes de la jeunesse. La capacité de choisir, en tant qu'action exercée sur le plan individuel, est une aptitude qui doit se développer de plus en plus tôt dans le processus de formation de la personnalité. Il est vrai que les décisions politiques et, dans certains cas, les décisions concernant l'incorporation au marché du travail sont maintenant prises par les jeunes de façon relativement plus tardive. Cependant, le moment de faire des choix dans des domaines qui appartiennent à la vie privée survient de plus en plus tôt, que ce soit sur les plans de la sexualité, des vêtements ou des activités(sports, loisirs, etc.). Les jeunes sont aujourd'hui appelés à choisir, à prendre des décisions qui, jusqu'à récemment, étaient déterminées par des autorités extérieures à l'individu: l'état, la famille, l'église, et même l'entreprise. Enseigner à faire des choix constitue donc une tâche importante de l'éducation pour la paix et la démocratie. Mais ce défi s'adresse à la société dans son ensemble et non pas seulement à l'école. Actuellement, nous nous trouvons face au paradoxe d'une situation dans laquelle nous exigeons de la part d'individus très jeunes de plus hauts niveaux de responsabilité tout en prolongeant leur période de dépendance. Cet asynchronisme est une source de conflits que la société ne parvient pas à résoudre.

Le développement de l'aptitude à faire des choix implique une pédagogie très différente de celle existant dans nos systèmes scolaires. Le travail en équipe, la solidarité active entre les membres du groupe et le développement de la capacité d'écouter constituent, entre autres, les éléments de cette pédagogie que nous devons développer sur les plans théorique et pratique (1).




Quelle école pour le futur?

Tous ces changements dans la structure sociale et dans les capacités qui déterminent la formation du citoyen nous obligent à nous demander quelles sont les formes institutionnelles les plus adéquates pour relever les défis que pose la formation des nouvelles générations. C'est un lieu commun de dire qu'il faut repenser l'école en fonction de ce nouveau contexte.

J'ai essayé, dans les points précédents, de présenter les problèmes et les orientations pour le changement du point de vue des contenus de l'éducation. Ici, j'aimerais brièvement signaler quelques-uns des aspects pertinents qui se réfèrent au modèle institutionnel de l'action éducative scolaire.



Une école qui socialise

En premier lieu, il faut mentionner la nécessité de rompre l'isolement institutionnel de l'école en ouvrant cette dernière aux demandes de la société et en redéfinissant ses alliances avec les autres agents socialisateurs, particulièrement la famille et les moyens de communication.

L'école n'agit plus dans le même contexte institutionnel que par le passé. Les autres agences socialisatrices ont changé et cela l'oblige à modifier non seulement ses modalités d'action, mais encore son propre rôle dans l'ensemble du processus de socialisation. Il est indispensable qu'elle revoie son articulation, particulièrement avec la famille, les moyens de comunication et les entreprises. Mais alors, quel sera donc son rôle?

Dans le contexte de l'analyse effectuée jusqu'ici, il paraît nécesaire de souligner l'idée que l'école doit assumer une partie importante de la formation aux aspects «durs» de la socialisation. Cela ne signifie pas qu'il faille revendiquer la rigidité, la mémoire, l'autorité, etc., mais plutôt accepter que la tâche de l'école est de mener à bien, d'une façon consciente et systématique, la construction des bases de la personnalité des nouvelles générations.



Une école qui éduque au sens critique et à la communication

Dans un monde où l'information et les connaissances s'accumulent et circulent par l'intermédiaire de moyens technologiques constamment plus sophistiqués et puissants, le rôle de l'école doit ête défini en fonction de sa capacité à préparer l'individu à une utilisation consciente, critique et active des instruments qui accumulent et véhiculent l'information et les connaissances.

Dans ce contexte, il semblerait qu'une des voies de travail les plus prometteuses pour l'école soit celle qui tient justement à sa relation avec la convivialité, aux relations face à face, à la possibilité d'offrir un dialogue direct et un échange avec des personnes réelles et où l'instrument technologique ne soit que ce qu'il est, un outil et non une fin en soi. Le climat des institutions scolaires, diversifiées selon les projets pédagogiques et dotées d'un niveau d'autonomie important qui leur permette d'être en contact avec leur milieu, est un élément central du développement d'un processus de socialisation efficace.

 



Une école sans exclusives

Finalement, il est nécessaire de souligner plus que jamais l'étendue universelle de l'éducation. Si par le passé le système éducatif pouvait s'organiser en niveaux croissants de complexité, où chaque palier correspondait à une catégorie sociale déterminée, à l'avenir, la démocratisation de l'accès aux niveaux supérieurs de l'analyse des réalités et des phénomènes complexes doit être universel. Cet accès universel à la compréhension des phénomènes complexes constitue la condition indispensable pour éviter la rupture de la cohésion sociale et les scénarios catastrophistes qui existent potentiellement dans les tendances sociales actuelles.



Notes

(1). Michel Crozier(Paris, Interéditions, 1995) a récemment insisté sur la capacité d'écouter comme un élément central d'une éducation pour la démocratie, qui dépasse les limites traditionnelles de l'instruction civique.

 



Rérérences

Bettelheim, B.(1979). Survivre. Paris: Laffont

Crozier, M(1995). ...Paris: Interéditions

Gorz, A. (1988). Métamorphose du travail.. Paris: éd. Galilée.

Le Monde des débats(1992). Entrevue avec Julia Kristeva. N° 1, octobre.

Postman, N.(1982). The Disappearance of the Childhood. New York: Vintage Books.

Wolton, D.(1993). La dernière utopie. Naissance de l'Europe démocratique. Paris: Flammarion.

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