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Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix


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La reforme de l'education dans un contexte international :
Intentions et ambiguites

(traduit de l'anglais)

Par Lynn Davies

� la lumi�re des politiques �ducatives des pays membres de l'OCDE et de pays en d�veloppement, l'auteure propose un cadre de r�flexion en vue de l'analyse des effets possibles de ces r�formes sur les droits de l'homme et la d�mocratie. Au-del� de la rh�torique officielle, l'auteure se demande quels sont les r�els enjeux en cause et tente d'en montrer les cons�quences possibles sur la vie scolaire et les acteurs en pr�sence.

Les types de r�formes

La premi�re t�che qui nous incombe est de nous demander quelle sorte de r�forme est en cours, donc de cat�goriser les politiques �ducatives en voie de mise en oeuvre. Par exemple, l'OCDE(1995a) �tablit des distinctions entres les r�formes du curriculum, de la structure administrative, de l'�valuation et du financement. Pour ma part, je propose la cat�gorisation suivante des politiques �ducatives:

Ces cat�gories doivent �tre mises en relation entre elles. Et en premier lieu, il importe de ne pas perdre de vue le contexte telle qu'il se pr�sentait avant la r�forme de mani�re� mieux en cerner les effets anticip�s. Ainsi, pour illustrer notre propos, disons qu'une r�forme du curriculum dans tel pays dont les �coles sont in�galement approvisionn�es en ressources aura peu d'effet en termes d'�quit� si cette m�me r�forme ne s'accompagne pas d'une redistribution des argents de mani�re� soutenir davantage les milieux d�favoris�s.

Deuxi�mement, il convient de conna�tre les niveaux institutionnels qui sont concern�s par la r�forme, par exemple:

D'autre part, on peut �galement se demander si les diverses composantes des politiques �ducatives sont interreli�es. Peut-on, par exemple, entreprendre une r�forme institutionnelle tout en faisant l'�conomie de la communaut� de proximit�? Qui,� cet effet, sera charg� de la mise en oeuvre? La r�forme en cours n�cessite-t-elle des fonds suppl�mentaires ou une redistribution des ressources financi�res actuellement disponibles? Pour mieux saisir le portrait global de la situation, il peut �tre utile de distinguer les diverses orientations possibles des r�formes:

Une r�forme par le haut ou par le bas

Il importe de se demander quels sont les m�canismes appropri�s en vue de mettre en oeuvre une r�forme �ducative.� cet �gard, les propos d'Elmore(1980) apportent un �clairage utile: prendre en compte les choix individuels et organisationnels qui se trouvent au centre de la probl�matique� l'origine de la r�forme de m�me que les r�gles, proc�dures et structures reli�es� ces choix ainsi que les outils disponibles qui exercent une influence sur la r�alisation des objectifs de la r�forme.

Une r�forme qui s'inspire des orientations propos�es par la base, c'est-�-dire qui tient compte de la volont� des usagers, suppose une d�centralisation des pouvoirs. Il s'agit l� d'un d�fi direct lanc�� la bureaucratie. Cette approche commande �galement que les droits et les responsabilit�s de chacun soient clairement �tablis. Dans cette perspective, les politiques nationales doivent faire preuve de souplesse n�cessaire pour laisser aux �coles la marge de manoeuvre suffisante afin qu'elles puissent d�finir sur leurs propres bases leurs orientations �ducatives. Citons,� titre d'exemple, l'objectif visant� faire r�ussir autant les gar�ons que les filles en sciences et en langue d'enseignement. La dynamique induite par ce choix invite les autorit�s sup�rieures� mettre en oeuvre des moyens pour le soutenir tels qu'une formation adapt�e des enseignants, la coop�ration entre les �coles, des ateliers� l'intention des parents des �l�ves concern�s, etc.

� l'oppos�, une r�forme �manant des autorit�s au sommet peut ne pas �tre le reflet des r�alit�s v�cues par les �ducateurs sur le terrain. Ce faisant, l'�tat peut tr�s bien r�former les structures, le curriculum, la politique de l'�valuation des apprentissages et d�terminer les niveaux de mise en oeuvre dans un mouvement allant du haut vers le bas. Il peut m�me consulter les int�ress�s� ce sujet, mais l'objet reste d�fini par les pouvoirs centraux.

Par analogie, on peut dire qu'une r�forme par le haut s'apparente� une vente en gros sur le champ cependant qu'une r�forme �manant de la base est, par d�finition, ouverte et �volutive.

Dans le premier cas, la r�forme est nationale et les corrections de parcours peuvent �tre al�atoires ou se limiter� de simples bricolage, mais peuvent aussi, dans certains cas, am�liorer la situation, comme cela semble �tre le cas, du moins en partie, au Bostwana. Dans ce pays, les autorit�s proc�d�rent� une r�forme de l'�ducation de base. La volont� d'�liminer les in�galit�s produites par l'existence de deux syst�mes �ducatifs parall�les -un pour les riches et un autre pour les d�munis- se traduisit par un meilleur financement de ce dernier et une meilleure r�partition des enseignants et des �l�ves sur le terrain. Ce qui fut r�alis� avec un certain succ�s(Marope,1996).

Dans le second cas, la r�forme repose sur des projets pilotes �valu�s et appliqu�s� une plus grande �chelle avec le temps si les r�sultats sont prometteurs, comme ce fut le cas en Colombie avec les programmes d'�coles nouvelles. Par ailleurs, il peut arriver que des �tats planifient le d�veloppement dans le temps de projets pilotes sans toutefois prendre suffisamment en compte l'�valuation de ceux-ci. Il peut s'agir, dans ces cas, d'une d�centralisation tronqu�e et essentiellement coordonn�e, dans les faits, depuis le haut de la pyramide.

Enjeux des r�formes

Dans les pays membres de l'OCDE, la qualit� et la pertinence sont devenus les ma�tres mots des r�formes. Ayant atteint l'objectif de l'acc�s de tous� l'enseignement obligatoire, ces pays se penchent d�sormais sur la qualit� de l'�ducation et la capacit� de celle-ci� r�pondre aux nouveaux besoins de la soci�t�� l'aube du troisi�me mill�naire.

Dans ses travaux relatifs aux nouvelles politiques �ducatives, l'OCDE(1995a) identifie deux grands courants allant de pair avec la qualit� et la pertinence des formations offertes. Il s'agit des pouvoirs �ducatifs dans la double perspective d�centralisation/centralisation et de l'autonomie des �tablissements scolaires.Cela se traduit par un cadre de r�f�rence qui met l'accent sur:

Et � ceci s'ajoutent l'influence des strat�gies administratives du secteur priv� ainsi que la r�duction des co�ts d'op�ration et la recherche d'une meilleure efficacit�.

L'influence de la logique marchande

Les pays en d�veloppement sont souvent la cible des politiques d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fonds mon�taire international qui les incitent� couper dans les d�penses publiques. Cependant, le rendement attendu s'inscrit dans un cadre marqu� par les diff�rences culturelles et les in�galit�s. In�galit�s entre les centres urbains et les milieux ruraux, entre groupes ethniques, tribaux ou religieux, entre hommes et femmes, entres langues d'usage. Ces questions s'inscrivent dans la probl�matique de la justice sociale, mais sont �galement sources de tensions et d'instabilit� politique.

Outre le fait qu'elles s'int�ressent� la qualit� de l'�ducation et� la pertinence de la formation, les r�formes �ducatives dans ces pays sont en m�me temps centr�es sur la recherche de financement (dans une dynamique par laquelle s'op�re le transfert des responsabilit�s du secteur public au secteur priv� et o� dominent les r�gles du march� ) et d'un certain �quilibre entre cet objectif et les in�galit�s plurielles de ces soci�t�s.

En Afrique du Sud, par exemple, la lutte aux in�galit�s doit en m�me temps tenir compte des diff�rences culturelles qui fa�onnent ce pays. Et la volont� de garantir l'acc�s� tous� la formation ne dispose cependant pas d'un certain nombre d'autres obstacles, comme le souligne Francine de Clerq(1997):

Parall�lement au fait que l'�ducation gratuite ne soit pas r�alisable� court terme dans ce pays, il est� pr�voir qu'en raison des co�ts d'acc�s� l'�ducation, les Noirs continueront� �tre l'objet de discrimination par rapport aux Blancs. Avec la r�forme en cours, les pouvoirs accord�s aux autorit�s locales permettront, en effet, de d�terminer les frais d'inscription aux cours et de s�lectionner les �l�ves, ce qui, comme l'�crit Tikly(1997) favorisera vraisemblablement les Blancs. Ainsi l'exclusion de se p�renniser. D'autres questions peuvent �tre soulev�es, notamment au plan du respect des diff�rences culturelles. Bien qu'id�ologiquement d�mocratique au plan discursif, le libre-choix des �coles sud-africaines de choisir la langue d'enseignement et d'accorder droit de cit�� une religion plut�t qu'� une autre ne risque-t-il pas d'entra�ner l'acc�s in�gal� l'enseignement sup�rieur et au travail et, partant, d'entretenir les tensions raciales?

La Pologne offre un autre exemple de r�forme �ducative faisant suite� un changement de syst�me politique. Les cons�quences du passage du communisme au capitalisme se r�percut�rent ostensiblement dans le domaine de l'�ducation. C'est ainsi que, par voie de l�gislation, les �coles se virent autoris�es, en 1992,� ouvrir leurs propres comptes bancaires,� fonctionner, en quelque sorte, comme des entreprises et ce, en vue de pallier le manque de fonds provenant de l'�tat. Ces �coles se sont mises� louer leurs locaux,� donner en location des immeubles� des entreprises cin�matographiques,� peindre et� r�parer des voitures. Certaines d'entre elles mirent sur pied des classes sp�ciales innovantes dont l'acc�s, en raison des co�ts �lev�s d'inscription, fut r�serv�� une minorit� pouvant se le permettre. Parall�lement, il fut d'ailleurs observ� que les in�galit�s de revenus et d'acc�s aux soins de sant� s'agrandirent dramatiquement, que les salaires des enseignants s'�rod�rent cependant que les �coles priv�es pouss�rent comme des champignons(Vulliamy et Webb:1996).

Comme en font �tat plusieurs critiques, l'in�galit� est un indicateur de non-d�mocratie.� ce sujet, la r�forme �ducative sud-cor�enne annonc�e en 1995-1996 m�rite d'�tre signal�e(Kyu Hwan Lee, 1996). R�alis�e par l'�lite conservatrice, cette r�forme propose deux voies d'acc�s� l'�ducation sup�rieure(acad�mique et technique), une s�lection des enfants de cinq ans� l'�cole primaire, des primes aux enseignants performants, la classification des �l�ves en fonction de leurs talents. Kyu Hwan Lee en conclut que l'on accorde peu d'importance� l'�ducation d�mocratique dans ce pays, que les in�galit�s s'agrandissent, que le syst�me se d�shumanise et que le march� et la comp�tition dominent. Dans cette r�forme, rien n'est dit au sujet de la place des droits de l'homme et de l'�ducation aux valeurs dans le curriculum, de la formation des enseignants ou du syst�me d'admission� l'enseignement sup�rieur. Aucun enseignant, ni parent, ni travailleur ne fut associ�e, semble-t-il,� cette r�forme(1).

Cet esprit de commerce, qui s'�tend d�sormais� tous les secteurs d'activit�s, est l'objet de plusieurs analyses(Ball,1994; Bines,1995). Selon Bines, le renforcement des pouvoirs des parents en tant que consommateurs de services �ducatifs sera loin de r�duire les in�galit�s qui se d�veloppent par le biais d'une approche-march� dans le domaine de l'�ducation. L'�ducation des adultes pourrait �tre �galement affect�e par le tout-�-l'�conomie. Selon l'OCDE(1995b) diff�rentes voies peuvent �tre examin�es: permettre une plus grande vari�t� des missions des institutions post-secondaires; offrir plusieurs possibilit�s au plan des autoroutes de l'information et des technologies; diversifier les sources de financement des �tudes. La question qui se pose d�s lors est de savoir si les �tats doivent en devenir les ma�tres d'oeuvre ou s'ils devraient se limiter� jouer un r�le r�gulateur d'acc�s� ces services en vue d'assurer la meilleure allocation possible des ressources. Selon C. McDonald(OCDE, 1995b, p.41), le r�le de l'�tat sera(et devrait �tre probablement) limit�. Si l'�tat, poursuit l'auteur, souhaite encourager l'acc�s� des contenus �ducatifs, il le fera d'autant mieux s'il r�pond� la demande, favorisant du coup l'augmentation du nombre de ceux qui apprennent.� cet �gard, ajoute-t-on, l'�tat pourrait autoriser les int�ress�s� accumuler de l'argent soustrait aux obligations fiscales et convertir celui-ci en bons �ducatifs qui serviraient� financer diverses formations.

R�formes, droits de l'homme et d�mocratie

Les tensions et les ambiguit�s observ�es r�sultant des r�formes �ducatives peuvent �tre analys�es sous l'angle des droits de l'homme et des enjeux pour la d�mocratie.� cet �gard, notons que les enjeux majeurs tournent autour des tensions opposant centralisation et d�centralisation, offre et demande, discrimination et non-discrimination, notamment. Dans plusieurs cas, les populations sont �cart�es des d�cisions� prendre. Toujours est-il que pour les fins de l'analyse, on peut qualifier les r�formes en cours de progressistes ou de r�gressives � partir des crit�res compar�s et pr�sent�s dans le tableau qui suit.


R�FORMESPOSITIVES/PROGRESSISTES N�GATIVES/R�GRESSIVES
Comp�tences� acqu�rirBonnes conditions d'apprentissage accessibles� tous Insistance sur la mesure des apprentissages; �vacuation d'enjeux sociaux et des droits de l'homme
Autonomie financi�re de l'�tablissementD�mocratie participative des usagers Comp�tition entre les �tablissements.S�lection/�limination
des �l�ves. Absence de pouvoir des communaut�s locales
Reddition des comptesTransparence; d�l�gation d'autorit�;partage �quitable des ressources Surveillance; pouvoirs occultes des autorit�s
Responsabilisation des acteursPlus grande participation de la communaut� In�galit�s entre familles, savoir et pouvoir, hommes et femmes
RendementRedistribution �quitable des ressources Secondarisation des enfants et des �coles d�favoris�s
D�centralisation de la prise de d�cisionDroits et besoins de la communaut� pris en compte Ignorance de droits de cat�gories vuln�rables
Curriculum nationalMeilleure �quit� pour tous N�gation de l'autonomie
professionnelle des enseignants et des caract�ristiques particuli�res des �l�ves

L'analyse compar�e des r�formes exige que l'on prenne du recul face� la rh�torique qui les sous-tend. Dans la perspective d'une �ducation aux droits de l'homme et� la d�mocratie, il importe de savoir le mieux possible comment s'articulent ces r�formes et quels peuvent en �tre les effets anticip�s. Cette d�marche doit �galement faire place� l'auto-critique de mani�re� �viter d'�tre tributaires de nos seules repr�sentations quant� la mani�re de vouloir changer l'ordre des choses.

Note

(1). On peut dire que dans certains pays, les populations n'ont pas beaucoup de voix au chapitre. Dans des pays ex-communistes, le passage� l'�conomie de march� traduit-il un choix populaire? Au plan de la lutte� la discrimination cette fois, seulement huit des 21 �tats arabes ont sign� la Convention sur l'�limination de toutes les formes de discrimination� l'�gard des femmes(1979).Lors d'une r�cente conf�rence sur la d�mocratie en �ducation(Davies,1997), des participants formul�rent � notre Ministre de l'�ducation une demande visant� prendre davantage en compte les droits de l'homme� l'�cole, notamment en assurant une repr�sentativit� des �l�ves au sein des conseils d'�tablissement, comme on le fait au Danemark. La r�ponse fut de dire que ces questions devaient �tre laiss�es� la discr�tion des �coles. Par analogie, un porte-parole officiel ougandais affirma que l'�ducation� la sexualit� et la pr�vention contre le SIDA devaient �tre laiss�es� la discr�tion des �coles et ce, dans l'int�r�t de la d�mocratie (nonobstant le fait qu'il y a dans ce pays un urgent besoin d'une �ducation g�n�ralis�e dans ce domaine). L'espagne, par contre, dans la r�forme �ducative de 1992, a reconnu l'importance de favoriser l'exercice des droits de l'homme dans les �coles tout en accordant� ces derni�res une grande marge d'autonomie dans leur fa�on de le faire. Ces quelques exemple montrent que les choix �ducatifs s'inscrivent dans une relation de pouvoir.

R�f�rences

Bines, H.(1995). Special Educational Needs in the Market Place. Journal of Educational Policy, (10)2, 157-172.

Davies, L(�d).(1997). Democratic Discipline, Democratic Lives: Education Citizens for a Changing World. Birmingham Institute for Democracy in Education.

de Clerq, F.(1997). Policy Intervention and Power Shifts: an Evaluation of South Africa's Education Restructuring Policies. Journal of Education Policy, (12)3, 127-146.

Elmore, R.(1980). Backward Mapping: Inplementations of Research and Policy Decisions. Political Science Quaterly, (94)4, 601-616.

Kyu Hwan Lee.(1996). Conservatism and Radicalism in Educationl Reform: Focussing Discussions on the Case of South Korea. Journal of Korean Educational Research, (3)1, 51-58.

Marope, P.(1996). The Impact of Educational Policy Reforms on the Distribution of Educational Outcomes in Developing Countries: the Case of Botswana. International Journal of Educational Development, 157-172.

OCDE (1995a). Schools Under Scrutiny.

OCDE (1995b). Learning beyond Schooling: New Forms of Supply and New Demands.

Tikly, L.(1997). Changing South African Schools? an Analysis and Critique of Post-election Government Policy. Journal of Education Policy, (12)3, 177-188.

Vulliamy, G. et Webb, R.(1996). Education during Political Transition in Poland. International Journal of Educational Development, (16)2, 111-124.

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� CIFEDHOP 2009