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Des jeunes dans la violence ordinaire

par Michel Vuille


Malgr� la grande diversit� de leurs situations sociales, les jeunes d�aujourd�hui sont globalement expos�s � vivre dans des conditions qui sont moins favorables que celles de leurs parents.

Avant-propos : la violence : une construction sociale

Les �meutes urbaines de mai 98 � Gen�ve ont suscit� de multiples r�actions, prises de position et interpr�tations, dans les m�dias et dans l�opinion publique. Les �d�bordements� dus aux jeunes et m�me tr�s jeunes �casseurs� �taient pour une grande part incompr�hensibles, ils apparaissaient comme la zone d�ombre, comme la part maudite des manifestations contre l�Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Suite � ces violences urbaines, le Conseil d��tat genevois a donn� mandat � un coll�ge d�experts d�analyser a) le d�roulement des manifestations de rue, b) la m�tamorphose de la violence au quotidien dans les rapports individuels et sociaux (1).

Dans l�une des recommandations qu�ils ont adress�es � l�Ex�cutif cantonal, en f�vrier 1999, les experts ont clairement d�fini leur position en la mati�re :
�On abordera la violence comme une construction sociale, ce qui implique divers acteurs ou partenaires ; elle n�est pas r�ductible � une explication monocausale (c�est la faute aux jeunes!). La violence est donc toujours un processus complexe, cela implique une vision multidimensionnelle des faits de violence.�

Au cours de l�expertise, on a fait un premier grand constat : la gestion des faits de violence ne se situe pas sur le plan cantonal, ni m�me sur le plan communal, mais le plus souvent au niveau du quartier ou, plus pr�cis�ment encore, de l��tablissement scolaire ou d�autres lieux destin�s aux jeunes. � Gen�ve, un grand �ventail de professionnels et de b�n�voles �uvrent quotidiennement � comprendre, � pr�venir et � traiter la violence ordinaire qui s�infiltre dans les relations sociales : des enseignants, des concierges, des inspecteurs, des parents, des �lotiers, des travailleurs du social, des infirmi�res de sant� publique, des m�decins, etc. - qu�ils agissent en milieu scolaire, p�ri - ou parascolaire, ou dans le quartier. D�s lors, on se rend compte que la gestion des faits de violence ordinaire s�op�re dans six registres principaux : 1) le scolaire, 2) le social, 3) la sant�, 4) la police, 5) le logement, 6) l�emploi.

Et la gestion globale de la violence dans et hors les murs comprend cinq types d�intervention : 1) la promotion de la qualit� de vie pour tous, 2) la pr�vention de la violence, 3) la dissuasion d�agir ou de r�agir par des moyens violents, 4) la r�pression des faits de violence, 5) la prise en charge des enfants et des jeunes r�prim�s pour des faits de violence (bourreaux et victimes).


I. Introduction : les �chocs� de civilit�s

La violence est un ph�nom�ne complexe et en �volution permanente, on ne dispose donc pas d�une th�orie en bonne et due forme pour l�analyser. Cette raison essentielle a conduit les auteurs de Violence ordinaire � ne pas proposer de d�finition a priori des faits de violence en milieu scolaire ou dans la cit�. Mais, pour donner un premier profil au sujet, on a puis� � deux grandes sources d�information : d�un c�t�, aux donn�es et aux analyses produites par la communaut� scientifique internationale ; d�un autre c�t�, aux donn�es et aux indicateurs produits sur le plan local genevois par un grand nombre de �gens de terrain�. Ce rep�rage a permis d�identifier sept facteurs principaux qui caract�risent selon nous les faits et les situations de violence recens�s sur les plans communal, cantonal et international.

Tableau 1. Configuration de facteurs et de concepts
(F1 - F7), caract�risant les faits et les situations de violence identifiables en milieu scolaire et dans la cit�

F1 : choc de civilit�s, conflit de civilit�s, incivilit�, ins�curit� : civilisation ou brutalisation des m�urs, th�orie de la vitre bris�e (�broken windows�), d�gradation de l�environnement local, petite d�linquance, culture des rues, d�sorganisation sociale.
F2 : bullying (�brimade�) : domination et soumission, raison du plus fort, �le loup et l�agneau�, menace, provocation, action intentionnelle ou strat�gique.
F3 : violence physique, crimes et d�lits : agression, agresseur et victime, viol, racket, rapport � la loi, code p�nal et justice, r�pression polici�re, sentiment de justice ou d�injustice, r�volte, r�bellion, �meute, loi de la jungle, zone de non-droit.
F4 : d�terminants sociaux et culturels de la violence : in�galit� et exclusion sociales, pr�carit�, vuln�rabilit�, d�saffiliation, s�gr�gation, souffrance sociale (malaise, mal-�tre), anomie, gal�re, haine, immigration, indicateurs de pr�carit� sociale (quartier, commune).
F5 : violence institutionnelle : diff�renciation culturelle en milieu scolaire, homog�n�it�/h�t�rog�n�it� des publics, s�lection et �chec scolaire, disqualification, rel�gation, indicateurs de pr�carit� scolaire, d�scolarisation, indiscipline, absent�isme.
F6 : gestion de la violence dans l��tablissement scolaire : travail de pr�vention et de r�pression des faits de violence dans l��cole et dans la communaut� �ducative (direction ou ma�trise principale, concierges, travailleurs sociaux, �lotiers, enseignants, parents), traitement des probl�mes sociaux, projet d��tablissement, �quipe p�dagogique, charte, contrat p�dagogique, conseil de classe, conseil d��cole, d�viance tol�r�e.
F7 : rage de vivre et identit� culturelle des jeunes : manifestation des cultures urbaines et des arts de rue (mouvements hip-hop et techno, g�n�ration glisse et culture �fun�), r�volte, haine, individualisme, jeu symbolique avec la vie et la mort (conduites � risques et �destroy�, sports de combat et affrontements entre gangs), affirmation de soi et passage aux limites, d�fi � l�autorit� et � l�establishment.

Les faits de violence se sont m�tamorphos�s au cours des trente derni�res ann�es, de mani�re subtile, en se d�pla�ant du secteur policier et judiciaire (F3 : violence physique, crimes et d�lits) au domaine de la sph�re sociale et culturelle du �vivre-ensemble� (F1 : chocs de civilit�s). La violence ancienne n�a pas disparu, elle a m�me statistiquement tendance � augmenter faiblement en ce d�but de mill�naire, mais elle cohabite d�sormais avec des formes de violence nouvelle.

En effet, il y a encore quelques ann�es les chocs de civilit�s n��taient gu�re introduits dans les d�bats sur la violence, on ne prenait v�ritablement en compte alors que la violence physique et les crimes et d�lits (2).
Or, les chocs de civilit�s sont d�sormais affich�s comme l�expression dominante des faits de violence et comme le facteur explicatif num�ro un de la mont�e du sentiment d�ins�curit�. Si les chocs de civilit�s renvoient � des faits de violence peu graves, ils ont des cons�quences sociales importantes, car ils recouvrent une large gamme de faits allant de la simple grossi�ret� � la petite d�linquance, de la salet� au vandalisme (3). Et surtout, ils sont la r�v�lation d�un chaos possible, d�une perte de sens et de confiance en soi et dans les autres.

Les chocs de civilit�s n�appartiennent pas au registre des crimes et d�lits ou de la violence physique, mais ils apparaissent comme des menaces contre l�ordre �tabli, car ils transgressent certaines r�gles des codes �l�mentaires de la vie en soci�t�. Dans ce sens, Roch� (1998) affirme avec bien d�autres sp�cialistes que �les incivilit�s renvoient � des faits peu graves mais qui ont des cons�quences sociales importantes : elles remettent en cause l�id�e de l�existence d�un monde commun, l�id�e qu�il y a une vie collective possible, fond�e sur l��change, la communication, le respect mutuel. Or, � une �poque marqu�e par la crise des institutions, cela a un effet d�vastateur�.

II. D�terminants sociaux de la violence

Dans Les m�tamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat (1995), Castel remonte en quelque sorte de la d�safilliation (l�exclusion visible des �sans emploi, sans logement, sans famille, sans papiers, sans s�curit� sociale�, etc.) � une zone beaucoup plus large (mais moins visible) qu�il appelle zone de vuln�rabilit� ; cette zone interm�diaire allie pr�carit� du travail et fragilit� des supports de proximit�. L�auteur pr�cise :

�Tout se passe comme si nous red�couvrions avec angoisse une r�alit� que, habitu�s � la croissance �conomique, au quasi-plein-emploi, aux progr�s de l�int�gration et � la g�n�ralisation des protections sociales, nous croyions conjur�e : l�existence, � nouveau, d��inutiles au monde�, de sujets et de groupes devenus surnum�raires face � l�aggiornamento en cours des comp�tences �conomiques et sociales�.

Comme l�incivilit� est quantitativement plus importante aujourd�hui que la violence physique, la zone de coh�sion sociale nomm�e vuln�rabilit� par Castel est elle aussi plus importante que ne l�est la zone de d�saffiliation. Nombre de jeunes en fin de scolarit� obligatoire ou ayant quitt� le cycle d�orientation ne se sentent-ils pas en situation de vuln�rabilit� alors qu�une faible proportion d�entre eux est en rupture et en voie de d�saffiliation?


Socialisation d�attente et crise anthropologique

Dans son article �Les jeunes et l�exclusion�, Olivier Galland signale que le rapport entre �jeunes� et �exclusion� est analytiquement difficile � d�finir car, en premi�re approximation, la jeunesse est par essence un �tat de d�pendance. Il propose alors d�adopter une perspective longitudinale : dans quelle mesure la d�pendance juv�nile, phase �normale� du cycle de vie se prolonge-t-elle ou s�amplifie-t-elle de mani�re �anormale�? Selon lui, les jeunes peuvent �tre class�s en trois cat�gories :

1. ceux qui sont d�j� proches de la sph�re professionnelle ;
2. ceux qui connaissent une forme de socialisation d�attente (groupe interm�diaire sans doute le plus sp�cifique de la p�riode r�cente) ;
3. les �cas sociaux� (4).

Nombre d�auteurs insistent �galement sur le fait que la crise que nous vivons est anthropologique, c�est-� dire qu�elle est � la fois crise de civilisation et crise de l�individu (crise du sujet). La crise du sujet est contextualis�e: �l�ins�curit� ambiante�, �la peur des lendemains incertains�, �le sens de l�avenir s�est invers�, il est per�u comme le temps de l�al�a�, �les institutions o� l�emploi est garanti oscillent entre la crainte et la culpabilit�, �la sc�ne politique n�offre plus ni points de rep�re pour la compr�hension des probl�mes, ni perspectives pour l�action� et �l�effritement des corps interm�diaires�.

Quartiers d�exil

�Les quartiers d�exil n�ont pas le monopole du mal de vivre de la jeunesse, mais ils cristallisent plus qu�ailleurs l�exclusion, le ch�mage, la d�linquance et connaissent en ce sens un effet de grossissement et de radicalit� des probl�mes. Leur d�r�gulation sociale est contemporaine de la pr�carisation des emplois, d�une aggravation ou d�une p�rennisation de la mis�re ou de criantes in�galit�s sociales, d�une mont�e du racisme et de l�intol�rance pour une partie grandissante de la population.

Pour nombre de jeunes habitant les quartiers difficiles, la famille n�est plus une instance de socialisation. Souvent, chez les jeunes issus de l�immigration maghr�bine, la langue des parents n�est plus vraiment la leur, les p�res notamment ont souvent perdu toute autorit� car disqualifi� socialement� (5).

La socialisation s�effectue davantage dans la rue au contact des pairs dans un climat d�affrontement r�el ou symbolique. Les violences urbaines, la haine diffuse m�rissent dans ces quartiers de rel�gation o� vit sans perspective une population stigmatis�e.

Jeunes �en rupture de liens� � Gen�ve

Les ruptures importantes surviennent apr�s la fin de la scolarit� obligatoire (fin du cycle d�orientation), elles se produisent dans un ou dans plusieurs registres : les relations avec la famille [un bon nombre de ces jeunes ne vivent plus au sein de leur famille], le logement [squats, d�m�nagements permanents, �on dort chez des amis�, �on dort dans la rue ou dans les all�es des immeubles�], le travail et l�emploi [rupture de formation, abonn� aux petits jobs, �je vais avoir un travail�, �je vais commencer un apprentissage�, �� l��cole on m�a d�j� dit que je suis nulle et que je n�ai pas m�me les capacit�s de faire un apprentissage de coiffeuse�].

En r�gle g�n�rale, les plus jeunes vivent d�abord une �marginalit� ludique�, ce qui veut dire qu�au jour le jour, ils se jouent � plusieurs les 400 coups dans la cit�. Puis, apr�s un ou deux ans, ils en ont marre de zoner et ils prennent conscience que ce jeu les fait glisser dans une gal�re qu�ils n�ont pas choisie, qu�il les conduit � une r�elle pr�carit�. Ils s�inqui�tent alors du lendemain et demandent de l�aide pour esquisser un nouveau parcours de vie.

Qu�il s�agisse de marginalit� ludique ou de marginalit� subie, quelques traits sont communs � ces deux cat�gories de jeunes, mais avec un sens autre et un degr� de gravit� diff�rent pour les uns et les autres. Ils vivent r�ellement hors les murs ; ils sont tr�s souvent en bande, mais malgr� cela, ils expriment un sentiment de solitude ; la consommation de haschich est g�n�ralis�e ; ces jeunes sont r�ticents face � toute contrainte administrative ; on rel�ve qu�ils n�ont pas d�adultes � qui parler (hors des fameux horaires de bureau, contre lesquels ils ont la haine) ; ceux qui sont en survie pratiquent la manche, le �deal� (ressource importante), le racket, ou le vol.

Ces jeunes en rupture pi�tinent sur place. Ils sont en panne plus ou moins grave et prolong�e. Captifs de leur situation, certains tournent en rond comme dans un cercle vicieux ou un entonnoir, d�autres sont carr�ment dans un trou noir au fond de leur gal�re. C�est dire d�une part qu�ils ne s�en sortiront pas seuls, c�est dire aussi qu�avant qu�ils puissent tisser de nouveaux liens avec leur environnement, on doit d�abord les aider � mettre fin � leur captivit�, les hisser hors de leur trou en leur faisant la courte �chelle et en les assurant pour qu�ils ne retombent pas.

On peut affirmer que les jeunes en rupture ne sont pas mobiles : ils s��puisent en r�alit� dans une mobilit� ferm�e. Et c�est pr�cis�ment la t�che qu�assument les �ducateurs de rue et les travailleurs sociaux hors murs que de remettre ces jeunes en mouvement et dans le mouvement de la soci�t�.


Ch�mage des jeunes

Les douze derni�res ann�es ont �t� marqu�es, en Suisse et particuli�rement � Gen�ve, par de profonds bouleversements sur le plan du ch�mage. Ph�nom�ne d�ampleur r�duite jusqu�au d�but des ann�es 90, le ch�mage s�est mu� depuis en probl�me de masse.

1985
1990
1995
1997
Ch�meurs inscrits
2 089
2 507
14 279
16 095
dont jeunes de moins de 25 ans
190
238
1 939
2 022
Proportion de ch�meurs de moins de 25 ans
9.1%
9.5%
13.6%
12.6%

Source : Office cantonal de la statistique


Par rapport � la situation de 1985, le nombre total de ch�meurs inscrits (6) en 1997 est presque huit fois plus grand, mais chez les moins de 25 ans c�est par un facteur dix que ce nombre a �t� multipli� durant la m�me p�riode. Parmi les ch�meurs, la proportion de jeunes de moins de 25 ans a augment� de 3.5 points.

Bien qu�ils ne comptabilisent que les personnes inscrites au ch�mage � l�exception, entre autres, de celles qui ont �puis� leurs droits ou des demandeurs d�emploi qui ne sont pas inscrits au ch�mage, ces chiffres soulignent l�importance du ph�nom�ne chez les jeunes. Ce constat est encore renforc� si l�on prend en consid�ration les proportions de ch�meurs au sein des classes d��ges 15-19 ans et 20-24 ans.


1985
1990
1995
1997
Taux de ch�mage moyen
1.2%
1.2%
6.9%
7.8%
Taux de ch�mage chez les 15-19 ans
0.07%
0.3%
2.4%
3.2%
Taux de ch�mage chez les 20-24 ans
0.6%
1.1%
9.0%
8.5%

Source : Office cantonal de la statistique


Ce tableau atteste que le ch�mage des jeunes �tait r�siduel avant la crise, mais que depuis le milieu des ann�es 90 il affecte plus fortement les jeunes �g�s de 20 � 24 ans que la moyenne de la population (7). Ce sont donc ceux qui viennent souvent de terminer leur formation initiale qui rencontrent des difficult�s particuli�res pour entrer dans la vie active. Les jeunes sont confront�s � de grandes difficult�s pour valoriser leurs connaissances et comp�tences. Leur insertion professionnelle est de plus en plus probl�matique et tardive (n�cessit� de multiplier les stages, les petits boulots, les emplois sans rapport avec la formation). �videmment, les difficult�s sont accrues pour les jeunes sans qualification, dont on ne sait que peu de choses, si ce n�est qu�ils sont plus d�un millier � Gen�ve � n�avoir achev� aucune formation post-obligatoire et � �tre pour la plupart sans emploi r�gulier (8).

L�insertion professionnelle devenant progressive, le statut de d�pendance, caract�ristique de la jeunesse, tend � se prolonger et les risques de pr�carisation sociale sont aggrav�s (9). D�ailleurs, contrairement � une id�e re�ue, en Suisse c�est chez les jeunes et non pas chez les personnes �g�es que les taux de pauvret� selon la classe d��ge sont les plus �lev�s. Et lorsqu�ils disposent de revenus, les jeunes se situent surtout dans les basses classes salariales du fait qu�ils sont en phase d�insertion professionnelle (10).

III. Identit�s culturelles des jeunes et fureur de vivre

La mutation profonde de nos soci�t�s signifie qu�elles d�passent les cadres assez autoritaires et ferm�s de l�ancienne soci�t� militaro-industrielle (subir sa vie, ob�ir) pour entrer dans les espaces relativement l�gers et ouverts de la nouvelle soci�t� de r�seaux (choisir sa vie, inventer) (11).

Soci�t� industrielle


N�vrose

Pathologie de la faute

Discipline, ob�issance, formes d��tayage sur autrui

Report g�n�ralis� sur les institutions

Id�e de finitude, de destin

Vieille culpabilit� bourgeoise,
lutte pour s�affranchir des p�res (�dipe)

Subir sa vie

Soci�t� de r�seaux


D�pression

Pathologie de l�insuffisance

D�cision, initiative personnelle, formes d��tayage sur soi

Ind�pendance � l��gard des contraintes sociales

Id�e que tout est possible

La peur de ne pas �tre � la hauteur, le vide,
l�impuissance (Narcisse)

Choisir sa vie

La mont�e du th�me de l�individu est, pour Ehrenberg (1995), l�expression d�un processus historique qui a institu�, pour le meilleur et pour le pire, la responsabilit� � l�int�rieur de nos corps. Ehrenberg saisit la comp�tition au niveau du culte de la performance et pendant une p�riode donn�e. La mythologie entrepreneuriale des ann�es 80 concerne beaucoup de monde : battants, gagneurs, leaders, conqu�rants, dans le sport, l�aventure, dans les nouvelles technologies et les virtualit�s des agences postmodernes. Mais, Ehrenberg r�v�le aussi que �l�entreprise� se d�place au niveau de la personne, chaque individu devenant entrepreneur de sa propre vie. Et � l�aube des ann�es 90, la rh�torique laisse entendre que le premier venu peut sombrer dans la d�ch�ance : le SDF (Sans-Domicile-Fixe) prend la place du chef d�entreprise dans l�imaginaire social.

Entre deux lib�ralismes

La tension que cet �entre-deux� peut provoquer au niveau de la personne est clairement montr�e par Dubet dans Les Lyc�ens (1991). Car ces jeunes privil�gi�s vivent comme un drame le double espace contradictoire o� ils affrontent la comp�tition et la coop�ration :

- le lib�ralisme du march� ou la rude comp�tition ��conomique� au niveau des apprentissages scolaires et professionnels,
- le lib�ralisme culturel pour lequel la r�alisation de soi et la construction d�une autonomie personnelle sont les seules exp�riences m�ritant r�ellement d��tre v�cues (12).

� titre d�hypoth�se, on peut avancer a) que ce �lib�ralisme contradictoire� sous-tend toutes les manifestations culturelles dont on va parler plus loin, b) que les cultures juv�niles actuelles s�inscrivent dans un espace multidimensionnel dont les principaux vecteurs sont : l�individualisation, la pr�carisation (13), la comp�tition, la m�diatisation et la r�cup�ration.

Jeunes en d�sarroi et conduites � risques

Beaucoup de jeunes ressentent un profond d�sarroi et un sentiment d�absence de futur de la soci�t� actuelle auquel ils opposent, par exemple � travers la dynamique du mouvement hip-hop, une culture de crise. L�absence de valeurs, de principes �thiques clairs sont per�us comme un vide moral. Ce dernier renforce la souffrance qui d�coule des effets destructeurs de l�individualisme moderne. �Le syst�me glisse, m�ne, sonne ton requiem (...). Ma vie perd son sens, mon go�t, mon souffle est �puis�. Tout s�efface, qu�est-ce qui se passe, o� sont mes traces� clame La Cliqua dans sa chanson Requiem inspir�e par le film La haine. Sandra B�villard d�crit bien ces souffrances diffuses li�es � la peur de l�exclusion : �L��ge est aux Macjobs, au latex (ou la d�couverte de l�amour au temps du sida) et � la mise � distance du monde politique. Ma g�n�ration est celle du �No Future� que lan�aient les Sex Pistols, en 1977. Elle qualifie son avenir, non sans un certain humour �d�Assedic Park�. Elle souhaite d�autres perspectives que celle de l�imm�diat, elle revendique le droit de planifier son avenir. Mais, au fur et � mesure que l�appui des institutions se d�robe, arrive une angoisse diffuse et pr�sente. De l�amour infect� au ch�mage fatal, comment d�fier son anxi�t� face � un avenir qui n�assure rien?� (14). Alors la violence peut appara�tre comme une forme de r�action face � l�incompr�hension et � l�insolence de ceux qui n�ont jamais v�cu ces situations.

Les conduites � risques se multiplient dans la jeunesse et prennent une grande diversit� de formes (tentatives de suicide, toxicomanies, d�fis � l�autorit�, pratiques extr�mes dans le domaine sportif, etc.). Elles sont une tentative de s�affirmer, de donner une signification � une existence personnelle mise en d�faut par la soci�t�. Si ce mal de vivre est largement ressenti au sein de la jeunesse, il prend une forme forc�ment plus aigu� chez les jeunes qui vivent dans un contexte o� se cristallisent les facteurs d�exclusion : ces quartiers d�exil et ces cit�s o� s�enracinent le ch�mage et les emplois pr�caires, la mis�re et les in�galit�s sociales criantes, le racisme et l�intol�rance, les d�r�gulations sociales et la d�linquance, la disqualification sociale des familles et le transfert des responsabilit�s �ducatives aux institutions. Si la jeunesse des banlieues fran�aises manifeste depuis 1981 sa r�bellion par la violence, c�est, selon David Le Breton, parce qu�elle constitue une ressource politique pour ceux qui ne disposent de rien d�autre. C�est non seulement �une r�plique au rejet social, au racisme ordinaire, � la d�scolarisation, une r�ponse sans ambigu�t� � l�exclusion�, mais aussi une pratique qui peut �tre v�cue sur le mode jubilatoire.

Individualisation et cultures jeunes

L�individualisation, c�est-�-dire l�effritement des r�f�rences sociales, rend probl�matique l�identification des multiples cultures jeunes actuelles (15). Pour �viter de se perdre dans le labyrinthe des modes et des anti-modes, des cr�ateurs et des r�cup�rateurs, des reflets et des miroirs aux alouettes, on a choisi d�inscrire ici la plupart des faits culturels juv�niles dans deux configurations majeures (16) : la culture fun li�e � l�individualisation et le mouvement hip-hop en lien avec la pr�carisation.

G�n�ration glisse et culture �fun� (plaisir)

Les jeunes glissent sur tous les terrains naturels : la terre, la mer, l�air, le sable et la neige et -pourquoi pas?- sur le bitume des villes. La danse avec les �l�ments, c�est la r�volution du sport des ann�es fun qui atteint l�Europe d�s les d�but des ann�es 80. Selon l�expression de Loret, extraite de G�n�ration glisse (1995), le fun, c�est le totem des sports de glisse. Et les glisseurs optent pour la l�g�ret�, la joie de vivre et l�aventure personnelle dans un rapport nouveau au corps et � la nature : s��clater, se d�passer, fr�ler l�extr�me� vitesse, prendre des risques aux limites du possible et de l�impossible, pour cr�er de nouvelles sensations et �prouver des �motions brutes, en glissant hors-balises et hors-normes. Adopter le fun, c�est d�abord refuser les r�gles et disciplines du sport olympique : pas d�entra�neur, pas d�arbitre, pas de pression chrono, pas de m�daille.

Dans les ann�es 60, les surfers-vagabonds des plages br�siliennes sont de v�ritables marginaux. Ils pratiquent la glisse pour manifester leur contre-culture fun et underground. Les choses ont bien �volu� en trente ans, notamment depuis que les mega-commerces vendent le matos de la glisse et diffusent les mag fun du genre Snow Surf, Freestyle, Vertical, Seventh sky, Wind surfing. Le look underground d�origine a bel et bien c�d� la place au v�tement �funwear� fa�onn� et diffus� par les grandes marques, m�me si on cultive toujours une esth�tique marginale, celle des h�ros qui se grisent du plaisir icarien de voler : r�ve, fantasme � avec le support de posters qui donnent le vertige : le jumper pris en contre-plong�e et en flagrant d�lire d�apesanteur face au ciel ou � l��cume de la vague!

La culture fun est complexe, elle se pr�sente comme une morale du plaisir, une strat�gie marketing, un look, un vocabulaire, une musique (hardcore, rock punk, sound system and lights), une esth�tique (emprunt�e au pop art) et un ensemble d�attitudes. Or, si la culture fun a �t� massivement r�cup�r�e par le syst�me (17), il reste certainement sur toute la plan�te et dans toutes les villes des jeunes irr�ductibles qui pratiquent la glisse comme une culture underground.

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G�n�ration banlieue et mouvement hip-hop

Le mouvement hip-hop est n� dans les ann�es 70, � New York. Expression de toute une partie de la jeunesse noire et portoricaine, il a d�s son origine partie li�e avec la Zulu Nation fond�e par Afrika Bambaataa, leader d�un des gangs les plus violents du Bronx. Converti � la non-violence, Afrika propose une solution de remplacement cool � la guerre des gangs : Stop the Violence! �contre les bagarres sanglantes et meurtri�res aux armes � feu ou aux armes blanches, contre la drogue, contre le racisme, contre la d�prime dans un arri�re-monde de banlieues oubli�es. Les affrontements se feront d�sormais sur un plan symbolique - et non plus physique - � travers la musique (le rap ou la fureur de dire), la danse (break dance) et les graffitis (tags et grafs).
D�s le milieu des ann�es 80, le hip-hop d�ferle sur l�Europe ; en France, il est port� par les Zulu Kings et Queens, par les smurfers et les graffitistes. Il fleurit � Paris et � Marseille, mais surtout dans la banlieue lyonnaise. Culture urbaine offensive et provocatrice (18), le hip-hop s�enracine dans des mondes en marge de la ville, il exprime le blues ou la gal�re des jeunes captifs des banlieues d�favoris�es : le cri des cit�s, le bruit et la fureur, la haine, la rage.

L�art des rues fran�ais poss�de une base dynamique et puissante, c�est-�-dire pour le rap et le break une multitude de �posses�, d�associations et de petits labels marginaux, inconnus du grand public (19). Si les r�seaux des rues sont souples, ils sont aussi �ph�m�res et fragiles parce que les artistes qui les animent ont pr�cis�ment choisi de rester hardcore (le plus extr�me, le plus dur, le moins commercial) et de surfer dans l�underground. Pour approcher cet art des rues qui reste en grande partie cach�, on peut sans h�siter lire l�ouvrage tr�s fun du linguiste Jean-Pierre Goudaillier, Comment tu tchatches! Dictionnaire du fran�ais contemporain des cit�s (Paris, Maisonneuve et Larose, 1997). Puisant le �dire des maux� � de multiples sources linguistiques � parmi lesquelles divers argots et le verlan -, le parler des banlieues manifeste la culture interethnique et m�lang�e des milieux immigr�s et populaires (20).

IV. Soci�t� de droit et zones de non droit

Dans La Gal�re (1987), Dubet pointe cette importante rupture entre hier et aujourd�hui : la fin des banlieues rouges, c�est l��puisement du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux. En cons�quence, pour les jeunes �du dehors� (de la rue, de la cit� sensible), toute r�f�rence au mouvement ouvrier ou � d�autres mouvements sociaux int�grateurs a disparu.

Ainsi, � une vie sociale int�gr�e et conflictuelle, opposant et unissant dominants et domin�s, ouvriers et patrons, ont succ�d� la rupture et une vie sociale bris�e par la barri�re s�parant ceux du dehors et ceux du dedans. La population �rel�gu�e� n�est plus exploit�e ou domin�e. Elle est ignor�e et abandonn�e. Elle a souvent perdu son utilit� sociale et elle est m�pris�e. Elle est hors de la soci�t� et r�duite � une s�rie de probl�mes sociaux (21).

Les nouvelles conduites marginales des jeunes sont analys�es par Dubet � travers une configuration de concepts-cl�s parmi lesquels on trouve l�exclusion, l�anomie, la d�sorganisation et la rage. La gal�re est en effet travers�e de brusques explosions de rage, de violences destructrices, qui n�ont rien � voir avec la revendication d�un mouvement social : ce sont des �meutes!

Les nouvelles conduites marginales des jeunes qui zonent dans la gal�re sont certes une sp�cificit� des quartiers difficiles, mais les banlieues n�en poss�dent pas le monopole, on peut sans doute g�n�raliser la th�se en montrant que les pr�caris�s ou les d�saffili�s adultes �gal�rent� eux aussi dans leur vie quotidienne en �tant confront�s � l�anomie, � la d�sorganisation et � la menace d��tre exclus (Paugam).

Le nouvel esprit du capitalisme dans un monde de r�seaux

Qu�au cours des 30 derni�res ann�es, �l�entreprise� se soit d�plac�e au niveau de la personne constitue d�j� en soi une mutation profonde. � cela, il faut cependant ajouter que le �new management� inscrit d�sormais le travail dans des r�seaux au sein desquels se placent et se d�placent de multiples projets. Boltanski et Chiapello (1999), voient ainsi se d�velopper le nouvel esprit du capitalisme dans un monde qu�ils appellent connexionniste.

Les ann�es 90 valorisent ceux qui savent travailler en projet, que ce soit en tant que leader ou en tant que simple contributeur. Les personnes de valeur sont, dans cette optique, celles qui r�ussissent � travailler avec des gens tr�s diff�rents, qui se montrent ouvertes et flexibles quand il s�agit de changer de projet et qui parviennent � s�adapter en permanence � de nouvelles circonstances.

Ce qui importe, c�est de d�velopper de l�activit�, c�est-�-dire de n��tre jamais � court de projet, � court d�id�e, d�avoir toujours quelque chose en vue, en pr�paration, avec d�autres personnes que la volont� de faire quelque chose conduit � rencontrer.

C�est pr�cis�ment parce que le projet est une forme transitoire qu�il est ajust� � un monde en r�seau : la succession des projets en multipliant les connexions et en faisant prolif�rer les liens, a pour effet d��tendre les r�seaux.

La soci�t� de r�seaux et le nouvel esprit du capitalisme associent de nouvelles valeurs � la logique de comp�tence :
- le �grand� agit par exc�s, il conjugue l��panouissement personnel et la confiance en soi avec l�anti-autoritarisme, l�autonomie, la mobilit�, la r�ciprocit�, l�initiative, l�apprentissage permanent, la responsabilit�, l�audace, la flexibilit�, l�ouverture au monde entier, les qualit�s relationnelles et communicationnelles, la cr�ation du lien social, etc.
- le �petit� agit par d�faut, il cumule les manques : il ne sait pas communiquer, il est ferm�, il a des id�es arr�t�es, il est autoritaire et intol�rant, il est renfrogn� et incapable de compromis, il est rigide, il s�attache � un seul projet, il est immobile, il s�enracine dans le local, il est un �tue-r�seau� absolu, il ne cr�e pas de lien social, etc.

On notera que le �grand� et le �petit� ne correspondent pas � des portraits r�els, mais l�opposition et la polarisation permettent de mieux cerner les valeurs dominantes attach�es aujourd�hui aux cat�gories de gens jug�s �comp�tents� (tendance � �tre �dans le coup� et int�gr�s aux canons de la soci�t� de r�seaux) et aux cat�gories de gens jug�s �incomp�tents� (tendance � rester hors du coup et fix�s aux valeurs de l�ancienne soci�t�).

Un rapport d�mocratique � la loi et aux r�gles du �vivre-ensemble� pour pr�venir la multiplication de zones de non droit

Dans une p�riode o� un nombre assez �lev� de familles et de jeunes sont dans des situations de vuln�rabilit�, et proches parfois de la d�saffiliation sociale, il para�t �videmment important de d�finir et d�appliquer des mesures d�inclusion, d�insertion et d�int�gration des populations pr�caris�es. Mais il ne suffit pas d�inclure pour inclure (par exemple dans des groupes de pairs tr�s fusionnels), encore faut-il que l�inclusion se fasse dans un espace ouvert, en tenant compte des droits et des devoirs de chacun. Car, entrer et vivre dans un monde o� domine la loi du silence ou la loi du plus fort, ne correspond nullement � une vraie int�gration, en r�alit� il s�agit d�une int�gration dans une zone de non droit � zone qui �quivaut � une captivit� ou � un emprisonnement.

Analysant le d�veloppement de la violence dans les banlieues fran�aises, nombre d�auteurs craignent qu�elle ne parte en spirale. La violence est telle qu�elle risque de conduire � la d�sint�gration sociale.
Sans doute ne connaissons-nous pas (encore) de telles situations � Gen�ve. Mais un des rem�des propos�s par le th�rapeute social C. Rojzman (cf. infra) doit �tre m�dit� et peut-�tre appliqu� � titre pr�ventif. Selon lui, il est urgent de produire de l'intelligence collective dans le corps social. Il faut aider les gens � communiquer, mettre en place une information circulante. Mais lorsqu�on essaie de faire coop�rer des �tres humains qui n�ont pas l�habitude de le faire, il faut d�abord leur donner confiance en eux-m�mes.

Est-ce pacifier le monde que de d�tourner la violence en cr�ant du lien social?

Les auteurs d�ouvrages sur la violence � l��cole ou sur la violence urbaine ne livrent pas exclusivement des analyses � distance et des constructions th�oriques. D�une mani�re ou d�une autre, leur approche se situe � un niveau interm�diaire, au carrefour de la th�orie et de la pratique, soit parce qu�ils :

- interviennent directement en milieu scolaire ou urbain ;
- interagissent avec des groupes �naturels� ou ad hoc en lien avec leur terrain et leur probl�matique de recherche ;
- interviennent indirectement � travers les outils, les programmes ou les m�thodes qu�ils diffusent.

Par exemple, le psychologue norv�gien Dan Olweus est mondialement reconnu comme le sp�cialiste des probl�mes de harc�lement et de victimisation entre �l�ves � l��cole. Ses publications font autorit� parce qu�elles offrent une m�thode de pr�vention des probl�mes d�agression en milieu scolaire (F2 : bullying). Ce que propose en r�alit� Olweus, c�est un programme d�intervention complet avec des mesures envisag�es aux trois niveaux : 1) de l��tablissement, 2) de la classe et 3) de l�individu. Autrement dit, il souhaite une mobilisation de tous les partenaires de l��cole, la condition pr�alable � la mise en �uvre du programme �tant pr�cis�ment l�information et l�engagement :
�les adultes de l��tablissement et, dans une certaine mesure, ceux de la famille doivent �tre inform�s de l�ampleur du probl�me agresseur/victime dans �leur� �tablissement ; les adultes doivent d�cider de s�engager, de mani�re s�rieuse, � changer la situation�.

Le programme �olweusien� est ainsi con�u qu�il fixe comme pr�alable � sa mise en route la mobilisation des partenaires et la fabrication/renforcement du lien social.

Par rapport � la violence ordinaire et au choc de civilit�s, le coll�ge d�experts genevois est all� dans le m�me sens : une action appropri�e suppose l�observation et l�enregistrement des faits de violence (prise et partage d�informations), une r�flexion et une analyse � leur sujet (coop�ration entre les divers partenaires), une intervention adapt�e liant diagnostic et exp�rience pratique, enfin des bilans et une �valuation.

L�intelligence relationnelle est bien s�r associ�e � la figure du grand - celui qui cr�e du lien social et conjugue l��panouissement personnel et la confiance en soi dans la r�alisation de ses projets en r�seaux. Mais les projets en r�seaux li�s � une personne m�me �grande� ne servent pas n�cessairement l�int�r�t g�n�ral de tous les membres de la soci�t� globale, il s�en faut de beaucoup!

V. Conclusion : un souci de coh�rence

Revenons � la position du th�rapeute social Rojzman qui - travaillant aux quatre coins de la France avec des groupes pr�alablement en situation de blocage et de violence destructrice - a pour objectif principal que ces groupes se d�placent de la violence au conflit. Il apprend ainsi aux participants � bouger, � exprimer leurs points de vue, � prendre position, � d�fendre leur cause, � communiquer, � n�gocier � bref, il leur apprend le d�bat d�mocratique et parlementaire qui permet de g�rer les conflits d�int�r�t en usant de l�argumentation et du langage.
C�est incontestablement de la bonne th�rapie sociale, mais tout se passe comme si l�approche th�rapeutique accr�ditait l�id�e que la violence est une fatalit�, qu�elle est somme toute le produit �naturel� d�une soci�t� malade. Dans cette logique, on g�re la violence en aval, on remet de l�huile dans les rouages, sans que r�f�rence soit faite en amont aux in�galit�s et aux injustices sociales, sans que l�analyse porte sur les politiques (urbaine, m�diologique, �conomique, scolaire, du logement, etc.) qui engendrent par leur existence m�me des in�galit�s, des injustices, de la vuln�rabilit� pour certains et de la d�saffiliation pour d�autres.

Et s�il est vrai que la violence est omnipr�sente, depuis toujours et dans toutes les soci�t�s, alors la civilisation des m�urs appelle une gestion � la fois culturelle et politique des faits de violence. Un travail en groupe ou en r�seau - par exemple dans un �tablissement scolaire - permet certes � chaque participant de sortir de sa peur individuelle, de cr�er de l�intelligence collective et de sortir de l�impuissance, mais cela ne suffira sans doute pas � g�rer la violence dans et � l��cole, s�il n�y a pas coh�rence de conception et d�action au niveau de tout le syst�me d�enseignement.

La coh�rence vaut ainsi pour tous les �chelons de l�individuel au politique, en passant par le professionnel et l�institutionnel. � chaque niveau, on voudrait a) que le d�bat sur les grands enjeux politiques d�aujourd�hui et de demain et b) que la gestion des conflits reprennent leur juste place, c�est-�-dire la place qui leur revient au c�ur et au fondement de la soci�t� de droit. Le jeu ouvert et raisonn� de la gestion des conflits entre partenaires vaut certainement mieux que le jeu cach� des violences insidieuses et des d�rives incontr�lables.

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